« Vivarium », enfer et contre tout
Fondateur et ex-rédacteur en chef d'Arty Magazine, le grand manitou…
Pour son 2nd long métrage, le réalisateur irlandais Lorcan Finnegan nous fait la proposition merveilleuse d’enfermer Jesse Eisenberg et Imogen Poots, en couple, dans un lotissement parfait. Mais comme toutes les promesses trop belles sur le papier, Vivarium ne manque pas de décevoir.
Ils sont beaux, jeunes et heureux. Eux, c’est le couple formé par Jesse Eisenberg et Imogen Poots. Comme tous les tourtereaux face à l’impitoyable marché du logement, ils cherchent leur nid sans se faire déplumer. C’est dans un lotissement propret, récent et en apparence idyllique qu’ils vont élire domicile après une visite surréaliste. « Devoir », oui. Car ils se retrouvent piégés malgré eux dans ce labyrinthe de maisons, de rues sans destination et de vie sans saveur : bienvenue dans la vision pavillonnaire de Vivarium à faire trembler tous les adeptes de vieille pierre.
Le réalisateur irlandais Lorcan Finnegan, déjà remarqué pour son court métrage fantastique Foxes, fait preuve d’une direction artistique soignée entre le référentiel de The Truman Show et Edward aux mains d’argent. Le namedropping fait plaisir.
L’aridité d’un pergola sans fleurs
La pelouse est trop verte, le ciel trop bleu, le soleil trop éclatant… Et tout commence à virer au drame quand un bambin trop criard s’en mêle, non pas livré par une cigogne, mais sur le perron dans un carton de déménagement. La vision de l’horreur en 2020, c’est une maison en carton-pâte, une bouche de plus à nourrir, et un couple qui s’épuise à retrouver l’insouciance perdue.
Ce n’est pourtant pas faute de vouloir s’en sortir. En montant sur le toit, ils écrivent un SOS en lettres géantes – l’une des idées les plus drôles du film. En passant à travers les jardins, ils essaient de trouver un échappatoire. Mais les avions qui pourraient les voir ont disparu du ciel et les voisins répondent aux abonnés absents. S’installe alors un quotidien désincarné et morne, ponctué de petites épiphanies d’une vie passée qui semble toujours plus s’éloigner. La vision de Lorcan Finnegan et de son scénariste Garret Shanley est irrémédiablement pessimiste, et l’horreur, à contre-courant des slashers qui trustent les salles, est aussi aride qu’un pergola sans fleurs.
Une inspiration à court ?
Le film repose donc sur la redondance d’un quotidien sans fin. Mais comment s’en tire t-il, lui qui est voué à se terminer en 1H30 ? C’est là où le bat blesse. Si le pamphlet contre l’american way of life fonctionne à plein régime, l’imaginaire semble se tarir dans un décorum sans surprise. Des pistes sont amorcées sur le terrain fertile de la science-fiction, mais Vivarium patine en refusant toute voie de sortie. Contrairement à la série La Quatrième Dimension ouvertement citée par Charles Tesson, délégué général de la Semaine de la Critique où était présenté le film, le propos fichtrement ambitieux n’est pas suivi par une visée vraiment révolutionnaire en terme d’écriture. Autrement dit, une fois le décor planté, le mieux devient moins bien. À notre tour d’être piégés avec Jesse Eisenberg et Imogen Poots pour notre plus grand désarroi. Frustration, je crie ton nom.
Alors voilà, Vivarium évite la plupart des écueils redoutés : toutes les situations se justifient dans un univers cohérent, la proposition visuelle est aussi sublime qu’inquiétante et le jeu des acteurs sans fausses notes. Mention spéciale au couple interprété par Jesse Eisenberg et Imogen Poots d’une incroyable fraîcheur, prouvant que l’actrice méritait mieux que son rôle amer dans le film Need for Speed.
Mais plus Vivarium avance et se retrouve confronté à la vacuité de ses personnages, plus il s’étiole en ne trouvant pas le second souffle nécessaire pour porter son propos. Sa réelle facilité à osciller entre le thriller, horreur et science-fiction n’a d’égale que son absence de ressources pour pousser les curseurs du genre. Dans les premières minutes, tous les feux étaient pourtant au vert avec une séquence d’intro, folle d’efficacité : l’une institutrice et les pieds sur terre, l’autre jardinier et la tête dans les nuages, qui s’apprêtaient à s’aimer et vivre de manière insouciante avant que le labyrinthe du lotissement ne les engloutisse, comme on l’est par Vivarium.