« Nomadland » de Chloé Zhao, le voyage d’une vie
Il mène sa vie une manette à la main, absorbant…
Hier mercredi 9 juin sortait (enfin) Nomadland, road-trip empreint de sérénité qui raflait une majorité de prix ces deux derniers mois. Pour célébrer ce film hors normes, retour sur les bonnes raisons de s’y laisser tenter.
Après avoir tout perdu durant la crise économique mondiale de 2008, Fern, une sexagénaire, se lance dans un voyage à travers l’Ouest américain, vivant en tant que nomade des temps modernes dans une camionnette.
CHLOÉ ZHAO
On en parlait dans nos prédictions pour les Oscars, la cinéaste chinoise est également la réalisatrice de Songs My Brothers Taught Me, un magnifique passage à l’âge adulte prenant place dans une réserve indienne, et The Rider, le combat bouleversant d’un jeune cowboy qui hésite à continuer ses dangereuses participations en rodéo. En deux films, déjà (et même dès le premier), Zhao impose des mouvements de caméra grand angle que l’on n’espérait plus revoir depuis le silence de Terrence Malick et ses dernières productions désastreuses. Se dégagent de ses œuvres une impression de calme, de maîtrise, un sentiment d’épopée sans quête : les grandeurs de l’Amérique disparue de John Ford. Ses pairs l’ont reconnue : Lion d’Or, BAFTA, Golden Globe, Oscar.
FRANCES MCDORMAND
On la savait perfectionniste, l’actrice est allée jusqu’à travailler clandestinement dans un centre Amazon pour goûter au mode de vie nomade qu’elle rend à l’écran avec une implication émotionnelle désarmante. Frances McDormand est sublimée devant la caméra de Chloe Zhao, et emporte son troisième Oscar de la Meilleure actrice – elle aura été nommée 3 fois pour des seconds rôles, mais elle ne daigne gagner que lorsque la récompense est la plus belle, et on la comprend.
UNE LEÇON DE CINEMA
À défaut de nous apprendre le piano, l’équipe de Nomadland, dont Chloé Zhao et son directeur photo Joshua James Richards (déjà collaborateur fétiche de la cinéaste), nous apprend la cinématographie, cet art du mouvement, du jeu et de la lumière. Nomadland devrait bientôt devenir une référence pour les écoles et autres facultés de cinéma qui espèrent transmettre les différents savoirs théoriques qui animent la production cinématographique, comme l’utilisation des focales, l’éclairage, les mouvements de caméra, la position des comédiens, la composition d’un cadre… Nomadland n’est ni plus ni moins qu’une véritable leçon, un cours magistral de technique de cinéma, pour les amoureux de l’image comme pour les néophytes.
L’APOCALYPSE PUIS L’ESPOIR
Le titre est volontairement et malheureusement racoleur, mais Nomadland dévoile une certaine idée de la fin du monde : des villes fantômes, des centres Amazon, des idées reçues et imposées sur un mode de vie « normal », les regards et jugements d’une société qui ne crée plus rien. D’un autre côté, il y a le lien humain, les instants de partage, les rires, les galères, les retrouvailles, la chaleur, la beauté d’une planète qui ne se laissera pas mourir sans combattre. Tourné en Arizona, Nebraska, Nevada, Californie et Dakota du Sud, Nomadland est un poème visuel des grandes étendues, du désert et des gens qui le peuplent.