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Jabberwocky va t-il accompagner le retour en club avec « Feeling Dancing Tempo » ?

Jabberwocky va t-il accompagner le retour en club avec « Feeling Dancing Tempo » ?

Eva Kling

On a rencontré les trois Jabberwocky au lendemain de leur release party en l’honneur de la sortie de leur nouvel album, Feeling Dancing Tempo.

La curiosité n’est pas un vilain défaut. C’est cette curiosité qui a permis à trois étudiants en médecine de créer le groupe Jabberwocky, qui après deux albums de pop music sous la houlette de Polydor/Universal Music, s’aventurent désormais en terres électroniques. Auteurs du tube aux 25 millions de streams, Photomaton, le trio veut aujourd’hui faire entendre sa propre voix et définir sa propre voie. Leurs influences multiples les placent aux frontières des genres, et floutent une étiquette qu’ils jugent inutile entre italo-disco, Hi-NRG et synthwave héritée des années 80.

Leur nouvel album, Feeling Dancing Tempo, est pour eux le premier mètre d’une foulée qui les ramène au club, vers la musique qu’ils souhaitent désormais porter. Cet album chargé de sens et de symbolique est le signe d’un renouveau sous les strobes. Après un an et demi privé de fête, on retrouvait Emmanuel Bretou, Camille Camara et Simon Louis Pasquer débarquant au compte-goutte dans les locaux de Grand Musique Management, encore dans l’énergie de leur release party de la veille… Signe que les Jabberwocky ont bien emboîté le pas de la reprise.

Eva : Comment avez-vous construit Feeling Dancing Tempo ? 

Simon : On ne pensait pas faire un album au début. Mais pendant le confinement, on avait du temps devant nous, et on a commencé à concevoir des tracks. Au fur et à mesure, après pas mal de maquettes, on s’est dit : « Mais tout ça ne pourrait pas faire un album ? »

 

Emmanuel : C’est pour ça que tous les tracks sont sur le même thème : le manque de fête. On a construit l’album sur une durée assez longue, de plus ou moins six mois, et on a mis du temps avant de réaliser que tous les morceaux que l’on créait allaient devenir Feeling Dancing Tempo.

E. : Qu’est-ce qui différencie cet album des précédents ? 

E. : Cet album est à la fois l’aboutissement de notre recherche de notre musique, et le commencement de quelque chose. Il nous a montré la voie que l’on voulait suivre. Finalement, il fait partie d’un continuum qui nous guide vers une musique qui nous ressemble de plus en plus.

 

S. : Le but était aussi de se détacher des featurings avec un vinyle construit autour de titres bien à nous. Ce vinyle donne une dimension concrète à notre musique. Et puis, cet album est plus électronique, moins pop. Les formats changent : ce n’est plus intro, couplet, refrain, mais des morceaux plus fluides, propres à la musique électronique.

E. : Quelles ont été les influences de ce nouveau disque ? 

S. : On gardera toujours le bagage pop propre à notre musique, mais on est aujourd’hui beaucoup plus électro, italo-disco. Si on avait continué sur la voie tracée par nos premiers morceaux (ndlr, leurs deux premiers albums de pop music sortis sur Polydor/Universal Music), on aurait tourné en rond, et je ne pense pas que le projet aurait pu continuer longtemps.

 

Camille : Cet album est celui qui nous ressemble le plus, celui qui est le plus affirmé. Pour le construire, on a puisé dans toutes nos influences : pop, électro, disco… Pas vraiment une en particulier. On aime s’affranchir des cases et des étiquettes.

E. : Est-ce que, selon vous, vous faites partie de ce mouvement de néo French Touch qui n’aime pas les étiquettes ?

E. : Je pense que oui. C’est le propre à la musique d’évoluer en permanence, et on ne fait pas exception. 

 

S. : Aujourd’hui, c’est dur de ne faire qu’un style, d’être purement dans une case. Ceux qui le font très bien, ce sont les pionniers du genre ! Mais après, la musique s’hybride forcément.

E. : Quelles sont vos influences en dehors de la musique ? Dans votre biographie Spotify, vous parlez de Salvador Dalí…

C. : Quand on a créé Jabberwocky , on était dans un trip onirique et surréaliste. Les premiers clips sont d’ailleurs reliés aux thématiques du rêve, de l’illusion, et le surréalisme a fait, très vite, partie de la construction de notre musique.

 

S. : Avoir une image visuelle permet de communiquer plus facilement des émotions dans la construction de nos morceaux. Par exemple, quand on compose, on fait attention à ne pas faire de morceau trop « petit bonhomme » !

E . : « Petit bonhomme » ? Qu’est-ce que c’est ? 

S. : Il y a un rythme récurrent dans nos morceaux, qui nous fait penser à un petit bonhomme qui avance, un peu inarrêtable ! Comme cette image nous parle à tous les trois, on l’utilise souvent en studio.

 

E. : Et on essaie parfois de modifier cette sensation de rythme, soit en l’accentuant, soit en la réduisant.

 

C. : Avoir des images communes nous permet de décrire nos sensations mieux qu’avec des mots, qui ne correspondent pas toujours à ce qu’on voulait dire, ce qu’on ressent. Et puis, comme on est trois, la communication devient plus facile entre nous grâce à ces images.

« Quand on a créé Jabberwocky, on était dans un trip onirique et surréaliste. Les premiers clips sont d’ailleurs reliés aux thématiques du rêve, de l’illusion, et le surréalisme a fait, très vite, partie de la construction de notre musique. » © Arthur Wollenweber
E. : Quelle est l’histoire de votre rencontre ?

E. : Nous avec Camille, ça fait longtemps qu’on se connaît, depuis le collège à Angoulême. On a rencontré Simon à Poitiers, pendant nos études de médecine.

 

C. : Avec Manu (Emmanuel), on fait de la musique ensemble depuis le lycée. Et on a rencontré Simon au moment où on s’intéressait vraiment à la musique électronique : on voulait comprendre comment c’était fait. Avant même d’avoir de projets de groupe, juste pour avoir une activité ensemble et par curiosité, on a fait nos premiers pas sur Abbleton…

 

S. : On passait un temps fou à écouter de la musique électronique pendant nos études, et on a exploré toutes les branches : on avait 20 ans d’histoire à rattraper !

E. : Comment vous avez attisé cette curiosité envers la musique électronique ?

E. : En écoutant de la musique via les disques mais aussi en allant aux concerts. Une fois on s’est retrouvé en loge après un concert de The Toxic Avenger ! Très gentiment, il a bien voulu répondre à nos questions sur des manipulations à faire sur Ableton, alors que ces questions étaient des choses basiques qui nous paraissent tellement simples aujourd’hui.

 

S. : C’est aussi en s’entraînant dans des salles de concert à Poitiers et dans des festivals étudiants que l’on a pu explorer un peu tous les styles de musique électro.

E. : Vous avez des DJ set de prévus cet été… Mais est-ce qu’on vous verra bientôt en live ?

E. : Pour l’instant, on ne fait que des DJ sets. On aimerait bien tenir une heure, voire une heure et demie en live électronique, avec juste nos morceaux. Franchement, ça serait trop cool ! Mais le live, c’est tout une organisation, du matériel, de l’entraînement… 

 

S. : On le travaille, on en a envie, mais c’est pas pour tout de suite. Disons que ça reste dans notre tête en tant que projet à moyen terme.

E. : Vous avez une tournée de prévue ?

E. : Petit à petit, les dates se précisent, mais les organisateurs ne sont pas vraiment confiants et beaucoup annulent face aux contraintes sanitaires. Tout est incertain et dispersé, mais on a normalement 4 dates de confirmées à 100%.

 

S. : Certaines dates prévues cet été seront sans doute décalées en septembre ou annulées au dernier moment. Par contre, les boîtes ouvrent de nouveau et ça c’est vraiment une bonne nouvelle, ça va nous faire du bien de retourner mixer en club.

E. : Comment avez-vous vécu les confinements ? Est-ce que ça a stimulé votre créativité, ou au contraire ça vous a angoissé ?

C. : Le premier était dur, plus que les suivants. On voyait plein d’artistes être productifs sur Internet, enchaîner les lives sur Instagram, les live streams, proposer énormément de contenu sur les réseaux… Ça mettait la pression, on se sentait obligé d’optimiser à fond ce temps passé en confinement.

 

S. : Mais les contraintes nous ont permis de tester des méthodologies de travail un peu différente : on bossait dans des studios différents, donc on s’envoyait des compositions et on travaillait séparément dessus. En octobre dernier, on a décidé de prendre un studio d’enregistrement et de répétition dans le 2ème arrondissement. C’est là où s’est rejoint pendant les deux derniers confinements, assez exactement au moment où on a décidé de faire un album avec nos maquettes.

E. : A posteriori, est-ce que vous considérez que ce temps confiné a été un allié ou plutôt un frein à la création de Feeling Dancing Tempo ?

C. : La pression qu’on a ressenti, et qu’on s’imposait aussi à nous-mêmes, nous a poussés à avancer dans la création. Nous, on fonctionne avec la pression, elle nous permet d’être productifs et créatifs. Finalement, je pense que le confinement a agi comme un moteur pour cet album.

 

E. : On a fait pas mal de démos à ce moment là, on a beaucoup créé. On était dans une bonne dynamique. On peut dire que l’album est né de ces confinements.

E. : Qu’est ce que vous avez hâte de faire ? 

Tous : Jouer ! En club et en festival.

« On fonctionne avec la pression, elle nous permet d’être productifs et créatifs. Finalement, je pense que le confinement a agi comme un moteur pour cet album. » © Arthur Wollenweber
E. : Quels sont vos projets futurs ?

C. : On sort un EP en juillet sur le label indépendant anglais Future Disco. Les morceaux dessus sont encore plus taillés pour le club que sur Feeling Dancing Tempo.

 

S. : Les tracks qu’on a envoyé à Future Disco tombent pile dans l’esthétique de ce label. Ils nous on contacté après avoir écouté Robotonik, ils nous avaient demandés si on était intéressé. Plus tard, on a finalement rassemblé quelques maquettes qui correspondaient à cette direction, on les a envoyées au label et on s’est mis à bosser sur ce prochain EP.

 

E. : C’est très important pour nous d’être indépendant, on veut pouvoir sortir nos morceaux quand on veut, et pas attendre des mois et finir par s’en lasser. On veut pouvoir rester dans cette bonne dynamique de création, et rester sur la même temporalité que le public.

E. : Il est temps pour la question signature d’Arty Mag. Quelle est votre définition d’un artiste ? 

C. : Un artiste, c’est pour moi quelqu’un qui concrétise sa sensibilité et qui la transmet aux autres.

 

S. : L’artiste est non seulement un vecteur de son ressenti du réel, mais en plus il arrive à le faire résonner chez quelqu’un d’autre.

 

E. : Je dirais aussi que l’artiste a besoin de créer, pour lui c’est vital de concrétiser ses émotions. Être artiste, ce n’est pas quelque chose que l’on devient, c’est un besoin que l’on ressent. On. ne se réveille pas un jour en disant : « Je veux devenir artiste. »

Feeling Dancing Tempo de Jabberwocky est à écouter sur Spotify.

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