Interview : Katuchat nous fait battre la chamade au rythme de son BPM
Fondateur et ex-rédacteur en chef d'Arty Magazine, le grand manitou…
Fraîchement signé sur Roche Musique, Katuchat impose sa vision de la musique électronique, éthérée et à la lisière de l’expérimental.
Quand on a appris que le producteur tourangeau venait sur Paris pour un DJ Set, on a saisi l’occasion au vol pour le rencontrer. Tête d’affiche de la troisième édition des Clubsessions au Petit Bain, on a suivi l’artiste jusqu’à la nuit tombée et son set électrisant aux côtés des autres artistes programmés, Tommy Kid et Disques Flegon. Monté sur ressorts derrière les platines, l’artiste vit sa musique, fusionne avec avec sa tracklist, balance un inédit au titre sans équivoque, Hypertension. À ce moment, on sait qu’il se passe quelque chose de magique entre lui et le public, entre sa musique et nous : Katuchat nous fait « battre la chamade ».
Extérioriser des maux intérieurs
Produit avec les tripes, son nouvel EP Anaesthesia paru chez Roche Musique puise dans son histoire personnelle. Affecté par une maladie incurable, le registre médical imprègne son identité musicale et visuelle – sa cicatrice visible à l’arrière de son crâne est présente sur toutes ses photographies et ses pochettes. Loin de la performance survitaminée au Petit Bain, le producteur nous confie avec une pudeur qui l’honore : « J’ai juste mis mon histoire dans l’artwork et les titres, mais j’aimerais que les gens se fassent leur propre opinion. Libres à eux d’écouter l’EP comme ils le souhaitent, s’ils veulent danser comme des tarés ou chialer dessus. »
Derrière le performeur d’une nuit, l’humilité affleure dans une conversation autour d’un café : « Le culte de la célébrité, ça me fait flipper… Les gens de la scène électronique sont beaucoup plus calmes » une frénésie publique qu’il expérimente en tant que producteur du rappeur Lonepsi : « Il touche un public ultra-large, il croule sous les groupies. C’est génial et très flippant à la fois. Je le suis sur ses concerts notamment en première partie d’Eddy de Pretto. »
Les deux complices de scène déplacent les foules en puisant leur inspiration dans leur expérience intime. Qualifiés de mélancoliques par la presse généraliste, leur connivence naît en studio : « Avec Lonepsi, je co-produis certains de ses morceaux, c’est un travail à deux. Je lance une boule de bowling dans tout ce qu’il fait. Il sonne droit et compact, j’essaie que ça parte dans tous les sens. »
De Radiohead à Portishead
Du hip-hop à ses expérimentations électroniques, Katuchat affirme une insatiable ouverture musicale. Quand il cite ses références, c’est autant pour nous dévoiler une philosophie de vie que déclarer son amour à la diversité musicale : « Je suis tout le temps heureux d’entendre de nouvelles productions, ma copine n’en peut plus (ndlr : elle est à côté, rires). J’ai l’impression d’avoir découvert le morceau du siècle tous les jours. C’est cool de ne pas être hautain, fermé. Je suis influencé par Massive Attack, Radiohead, Portishead, mais aussi par des mecs complètement barges comme Tyler the Creator. Il y a aussi Frank Ocean, un artiste qui restera pour moi pendant des décennies et des décennies. »
Derrière l’éclectisme transgénérationnel, on décèle une fascination pour les années 90. En plaçant les tauliers de l’ancienne génération au même niveau que les rappeurs d’aujourd’hui, on se dit que la maturité n’a pas d’âge. En partageant la réflexion à voix haute, Katuchat rebondit : « Il n’y a pas vraiment de maturité, à part quand tu as trente ans de carrière… J’ai peur de devenir vieux, pas musicalement mais physiquement. Musicalement, on ne devient jamais vieux si on reste en constante évolution. Il ne faut pas se contenter d’un morceau qui a bien fonctionné. »
Tout le monde peut être artiste, personne ne l’est vraiment
Avant de se quitter, on pose notre éternelle question à Katuchat : « Quelle est ta définition d’un artiste ? » Là où certains marquent habituellement un temps de réflexion, il nous dégaine du tac au tac : « Faire de l’art, bonne soirée (rires). On l’est tous un peu, il faut pousser le domaine auquel on est le plus attaché. Tout le monde peut faire de la peinture, de la musique. Tout le monde peut faire de tout, avec de l’envie, de la patience, et du travail. Dans le monde où l’on est aujourd’hui, il n’y a plus vraiment de talent. »
Plus de talents aujourd’hui, vraiment ? Notre esprit de contradiction nous convainc que l’on tenait un contre-exemple à la sortie de notre entretien. Qu’est-ce que le talent, à part nous émouvoir en restant accessible ? « De l’envie, de la patience et du travail », nous dit-il. À l’écoute de son EP Anaesthesia sorti le 27 avril chez Roche Musique, on transforme sa maxime en « énergie, pertinence, et vitalité ». De (quasi) anagrammes pour mêler sa vision rationnelle à la nôtre, un tantinet plus mystique.