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Interview : Tallisker, l’artiste et la femme derrière le masque doré

Interview : Tallisker, l’artiste et la femme derrière le masque doré

Marin Woisard

Tallisker sillonne le monde en le nappant de son électro-pop, faite d’accents urbains et d’instrumentaux traditionnels perses. Elle nous livre un EP aux 4 titres envoûtants, balbutiements d’une triple histoire d’amour Paris / Téhéran / New York.

Du succès fulgurant de sa reprise du tube iranien des années 70, Gole Yakh (2016), en passant par la mélancolie lancinante de Blind (2018), avant le climax de la live session magique de Somewhere sur les toits de New York (2019), on n’a jamais cessé de suivre les pas de Tallisker.

Dévoilé le 14 février dernier, son nouvel EP Azadi entrelace les sonorités classiques et urbaines et se laisse irriguer d’influences iraniennes, signant le début d’une histoire d’amour entre trois villes : Paris, Téhéran et New York.

Azadi, c’est littérallement la « liberté » en perse. Alors pas de hasard s’il naît à la confluence d’un road-trip en Iran en 2018, et de l’inébranlable conviction que la musique rapproche les cultures. La productrice y troque le violoncelle contre son alter-ego perse, le kamancheh, glane les samples au gré des rencontres et des improvisations, et capte l’urgence de la vie à Téhéran qu’elle transforme en un élan positif et viscéral.

De l’urgence de Téhéran à la cadence organique de New York

Restait à y instiller la cadence organique de New York et la poésie de la langue française. La chanteuse nomade s’entoure de la rappeuse du Bronx Quay Dash pour livrer un Azadi entêtant, et du chanteur irano-américain Davood Sarabadan pour L’Arène, second featuring de l’EP. Mais c’est Désir, magnifiquement clippé par Mateusz Białęcki, qui fait éclater la charge poétique des paroles en français, déjà pressentie dans la douceur ondoyante de Concorde. Cette ode libre et optimiste finit d’attiser notre désir de découvrir le futur album.

Pour nous faire patienter, l’inconditionnelle du voyage a déposé son sac-à- dos à la rédaction d’Arty, le temps de se confier dans une interview fleuve sur son double hyperactif, celle qui fait sauter les frontières géographiques, musicales, et humaines.

Tallisker sort les muscles sur les toits de Brooklyn
Marin : Salut Tallisker ! Commençons par le clip de Désir qui a tant fait parler de lui. Ce qui est intéressant, c’est qu’il y a deux narrations en parallèle : la fille avec sa grand- mère et une séquence de danse avec d’autres filles. Qu’est-ce qui en a guidé l’écriture ?

Tallisker : Ce sont plusieurs rites de passage éprouvés par des femmes qui se déroulent en même temps : de la vie à la mort, d’un état de grâce paradisiaque à un état d’asservissement. Le vieux monsieur qui me trouve dans la forêt, c’est un personnage peu sympathique, un être cupide qui m’enferme. Je pense que le réalisateur Mateusz Białęcki a voulu jouer des contrastes de passage d’un monde à un autre.

M. : Et la chanson, de quoi parle t-elle ?

T. : Désir, c’est une chanson qui parle de la fin d’une époque, d’une rupture, du départ symbolique ou physique de quelqu’un. C’est aussi le début d’autre chose, de pire ou de mieux, mais ce n’est jamais vraiment la fin. C’est comme ça que le réalisateur Mateusz Białęcki a construit ces deux narrations : moi qui passe du paradis à l’enfer – et je pense que pour lui l’enfer c’est le feu, le côté un peu païen, un peu fou, et ce bar moite à chicha du futur, avec une atmosphère très peu lumineuse. Et la transition de la vie à la mort de la grand-mère.

M. : J’ai interprété les paroles comme une ode à l’émancipation, quand tu chantes « Sans navire / Sans roi », je pense aussi à Ta Reine d’Angèle. Est-ce que tu voulais parler de ça, de l’émancipation d’une femme ?

T. : Le fond c’est que la vie m’a appris par la force des choses à rebondir très vite dans des situations dramatiques, à ne pas rester victime de ce qui peut sembler être un drame. C’est l’idée que rien ne se perd et tout se transforme, et qu’à partir de quelque chose qui s’arrête, il y a autre chose qui recommence derrière, souvent plus vite qu’on ne l’espère. J’ai l’impression que les femmes ont un super-pouvoir, un peu supérieur aux hommes, de se remettre des choses. Elles rebondissent très vite après une rupture, un départ. Elles apprennent très jeunes à gérer des situations de crise ou émotionnellement très chargées. On met ça sur le dos des femmes parce qu’elles savent le faire. Je les trouve hyper fortes et les paroles de Désir le reflètent : « J’ai su vivre sans toi. »

M. : Désir a souvent été interprétée comme une chanson d’amour. C’était une volonté ?

T. : C’était une volonté. J’aime bien donner plusieurs grilles de lecture quand j’écris des chansons. Au tout départ, j’ai écrit cette chanson en pensant au décès d’un ami et à sa sœur Élise, ma manageuse. Je me suis mise dans sa peau. Moi aussi, j’ai perdu une sœur. Élise est aussi devenue ma manageuse parce qu’on a cette connexion-là, d’avoir vécu une mort accidentelle, prématurée, et soudaine, un peu trop tôt dans la vie. J’ai écrit cette chanson pour soutenir Élise dans son deuil, et aussi un peu pour moi, en me disant : ce n’est pas parce que t’es partie que ma vie va s’arrêter.

M. : Et en écrivant ton histoire personnelle, tu as donné à la chanson une portée universelle ?

T. : Quand j’ai écrit les paroles, je me suis rendue compte que ça s’apparentait à une situation de rupture amoureuse, et j’ai façonné les paroles de façon à ce que les gens puissent y trouver cette histoire : une fille qui quitte son couple du jour au lendemain. Que ce soit une rupture ou une mort, la narration est la même. Ce sont les mêmes émotions, la fin de quelque chose.

M. : C’est aussi l’un de tes premiers morceaux en français…

T. : C’est très facile d’écrire un mauvais texte en français. Le danger, c’est que ce soit trop personnel et qu’on raconte un peu trop les détails du vécu. Ça peut vite devenir autocentré. Il faut élargir le sens pour impacter le plus de gens possible, et que chacun puisse s’y retrouver avec son interprétation des mots, se projeter dans ce qu’il entend.

M. : Jusqu’à maintenant tu chantais exclusivement en anglais et en perse, le français est donc venu avec cet EP Azadi. Pourquoi maintenant ?

T. : C’est une bonne question. Je ne sais pas pourquoi, ça s’est imposé en français. Avec le projet Azadi et plus largement Contrepoints (ndlr, son futur album) il fallait que j’aie à peu près autant de français que d’anglais et de perse. Cette chanson (ndlr : Azadi, extraite de l’EP éponyme), je l’ai composée de manière très linéaire. C’est une boucle de kamancheh qui se répète, une espèce de rouleau marin, une houle qui ne s’arrête jamais. Il n’y a pas vraiment de couplet, de pré-chorus, de chorus, comme dans les autres chansons où je joue sur des changements de dynamiques pour passer d’une langue à l’autre.

M. : Les autres morceaux sont construits de manière plus traditionnelle ?

T. : Désir est construite de manière très horizontale, c’est une boucle qui ne s’arrête jamais, qui s’enrichit du kamancheh, qui arrive, qui repart et du coup, ça me semblait casser un flow que de mêler plusieurs langues dans cette chanson. Et comme j’avais commencé avec le français, il s’est imposé tout du long. Dans Concorde, c’est plus vertical, dans Azadi aussi, il y a des segments distincts et nets, c’est presque des legos.

M. : La seconde grande surprise de cet EP, c’est que ça ne soit pas un album… Le fameux Contrepoints que l’on attend. Où en es-tu sur ce format long ?

T. : L’album arrive. Il y a deux raisons qui nous ont poussé à sortir un EP avant l’album. D’une part, l’ambassade française de Téhéran m’a dissuadée de retourner en Iran, donc toutes les collaborations que j’avais projetées et organisées avec des musiciens iraniens n’ont pas pu se faire. J’ai été obligée de finaliser certaines chansons à distance sur Telegram et WhatsApp. Ça va évidemment beaucoup moins vite. Je savais dans quoi je mettais les pieds dès le départ, il devait y avoir des grains dans la machine et ça en a été un.

M. : Le plan initial a dû être revu…

T. : À force de poster des stories, des vidéos de mes voyages, des infos sur le projet, de plus en plus de personnes se sont greffées au projet. Plus je demandais l’avis des gens, et plus on me disait : « Le projet est vraiment fou, ça vaut le coup de prendre le temps de bien faire les choses. Ton audience comprendra si tu as six mois ou un an de retard, mais elle ne comprendra pas si tu sors quelque chose dont les finitions ne sont pas correctes. » Voilà les deux raisons qui font que l’album arrivera sans doute début 2021.

M. : La première fois qu’on s’était rencontré, tu m’avais parlé des musiciens que tu avais rencontré en voyage. Qui seront ceux présents sur l’EP ?

T. : Sur l’EP, il y a un joueur de santour, une violoncelliste, une chanteuse iranienne, une joueuse de kamancheh, et Ramin Aziziram qui nous a laissé entrer dans son magasin de percussions à Téhéran. On s’est installés là-bas avec l’ordi, les micros et on l’a embêté pendant trois heures. On a posé l’ordinateur, on l’a branché et on lui a annoncé : « Maintenant, on va sampler les sons de tous les instruments de ton magasin. »

M. : Ça va, il ne l’a pas trop mal pris (rires) ?

T. : Ramin était super content, bien qu’on lui prenne son espace. On a ouvert Ableton en direct, découpé les samples, on les a mis sur un pad et on les a joués et il a trouvé ça complètement fou. Ce qui était sympa dans ce projet c’est qu’on montrait aussi notre manière de travailler : on prenait quelque chose des musiciens que l’on rencontrait, et on leur donnait autre chose en retour.

Tallisker tombe le masque © Laurie Tedone
M. : L’EP est aussi une carte de visite pour tous ceux qui ne connaîtraient pas ton projet ?

T. : J’espère que cet EP va me permettre de travailler avec des gens à qui je n’aurais pas pensé. Il y aura une collaboration avec mon ami Laake. Pour moi, il incarne la scène parisienne actuelle classique et électro, et c’était assez évident que je l’invite sur cet album. Il y aura une collaboration avec Mo Laudi aussi. C’est un ami qui fait partie de la grande famille Yum Yum Records. Il est d’origine sud-africaine et il a amené l’afrobeat et l’afro-house en Europe il y a dix ans. Il a vécu à Londres et il est maintenant à Paris où il est DJ dans toutes les soirées afro-house. Pour moi la scène parisienne est tellement multiple que je ne veux pas choisir des gens qui font comme moi.

M. : Et aux États-Unis, puisque t’es connectée à la scène new-yorkaise ?

T. : Il y a une rappeuse de New York qui s’appelle EllaMaeFlossie qui fait du Hip-hop jazz, soit du Hip-hop avec le retour des groupes live. La mode à New York c’est de retourner à un beat organique. Elle est l’une des représentantes de cette scène. Et puis il y a d’autres collaborations dont je rêve et qui sont dans les petits papiers, mais je suis superstitieuse… Donc je ne vais pas parler des choses qui ne sont pas faites.

M. : Dans le film Les Chats persans (ndlr : documentaire de Bahman Ghobadi, 2009), on voit l’ambiance de Téhéran, l’énergie de la ville, ses nuits secrètes. Ça m’a fasciné. Comment raconterais-tu cet état d’esprit à quelqu’un qui n’y est pas allé, comme moi ?

T. : L’énergie de Téhéran a quelque chose d’insécurisant, parce que tout peut bouger d’un jour à l’autre. Par exemple, un matin, on s’est levés et il y avait une sanction américaine : toutes les applications des détenteurs d’iPhone ne fonctionnaient plus. Du jour au lendemain, en Iran, la moitié des gens ne pouvaient plus utiliser un taxi… Pour nous, ce serait impensable qu’il y ait des applications qui bloquent plus de deux heures ! C’est une ville pleine d’imprévus. Il y a aussi les fêtes religieuses qui font que les magasins sont fermés pendant quatre jours. Il y a quelque chose Téhéran de vibrant, il se passe toujours quelque chose, les gens sont très accueillants, connectés et altruistes, et en même temps le sentiment que tout peut s’arrêter d’un jour à l’autre. Dès qu’on peut faire un projet, on le fait. Peut-être qu’on vit trois fois plus que quand tout va bien.

M. : Ça t’a donné une énergie particulière dans la création ?

T. : Il y a une mélancolie dans tout ça. On voit les jeunes générations apprendre à vivre dans ces conditions, qui portent une énergie hyper tonique et hyper optimiste. Je pense que ça s’entend aussi dans l’EP, ça envoie, et en même temps une espèce de lenteur.

M. : Ton album Contrepoint sera accompagné d’un documentaire tourné en Iran. Tout ce que tu me racontes sera documenté ?

T. : Il ne sortira peut-être pas en même temps que l’album, parce qu’on aimerait faire vivre ce projet le plus longtemps possible. Ça pourrait être intéressant de le sortir trois ou six mois après, pour que tout ne soit pas donné d’un bloc. Les gens pourront écouter l’album et ensuite découvrir comment il a été façonné, le réécouter avec une autre oreille. Je trouve ça plus intéressant de permettre une respiration entre les deux formats, qui sont complémentaires mais différents.

M. : Le visuel est l’une des forces de ton projet, que peut-on attendre prochainement ?

T. : Il y a de fortes chances pour qu’il y ait un clip de Somewhere. C’est un single qu’on a sorti l’année dernière et qui mérite un clip. On ne sait pas encore qui le réalisera, mais il sortira autour de l’été (ndlr : l’interview a été enregistrée avant le confinement et la crise du Covid).

M. : Tu me parles des visuels de Somewhere et de Désir… Le lien, c’est toi bien sûr, mais aussi le masque, un vrai personnage en lui-même. Est-ce qu’il a un sens, au-delà du lien avec la culture perse ?

T. : Le masque me permet de dissocier mes différentes personnalités : le moi en tant qu’individu et ma personnalité d’artiste. Au quotidien, je suis la Éléonore sérieuse et raisonnable. Pour monter ce projet, j’ai passé deux ans en sous-marin à tout organiser, trouver des subventions, sonder la scène Iranienne sur SoundCloud. Ça, c’est mon côté « première de la classe » qui réfléchit beaucoup. Et la personnalité avec le masque, c’est Tallisker dans un esprit de représentation, de provocation, le côté électro, punk, road-trip. Parfois, j’ai besoin d’ouvrir les vannes, partir en stop ou faire une nuit blanche. Le masque, c’est ce petit démon de ma personnalité. Les gens le voient comme quelque chose d’enfermant mais c’est justement une liberté : avec ce masque je ne suis plus Éléonore et je fais ce que je veux.

M. : Maintenant que t’es revenue en France, qu’est-ce que je peux te souhaiter ?

T. : Retrouver une vie normale, ce serait bien. Faire de la musique, je trouve que ça isole paradoxalement du monde. J’ai vraiment investi beaucoup d’énergie et de temps dans ce projet mais j’ai perdu en vie sociale : voir mes amis, passer des week-ends avec ma famille. J’espère retrouver un rythme, en tout cas une vie où tout ne tourne pas autour de la musique, parce que le reste est précieux aussi. Je me suis un peu épuisée et je suis contente du résultat mais c’est important aussi que je pense à ma santé. J’aimerais trouver cet équilibre. Ça prend du temps d’être à la fois dans son personnage d’artiste hyperactif et à la fois dans une vie personnelle épanouie.

M. : Le fait d’avoir beaucoup voyagé entre Paris, Téhéran et Brooklyn, ça a joué dans le fait que tu aies eu du mal à te poser ?

T. : J’étais déracinée tout le temps. J’ai lâché mon appart comme je savais que je ferai ces voyages. J’étais tout le temps avec mon sac-à-dos à l’épaule, chez des copains. Je n’ai pas eu de chez moi pendant un an. D’ailleurs dans Désir, quand je dis « J’ai su vivre sans toi », il y a un petit jeu de mot sur le « sans toit ». Là j’ai un appartement depuis deux mois, c’est le grand luxe ! Se lever, avoir sa brosse à dents sur le lavabo, ne pas se demander chaque matin chez qui squatter ensuite. J’en avais marre du déracinement absolu, ça m’a épuisée et il fallait vraiment que je me pose. C’est excitant de voyager tout le temps, mais on finit par envier les personnes qui sont posées.

Son road-trip l’a menée pendant plus d’un an sur trois continents, de l’Iran aux États-Unis jusqu’à son retour en France
M. : J’ai une toute dernière question pour toi, notre question signature chez Arty Magazine : quelle est ta définition d’une artiste ?

T. : L’art en soi, ça ne sert à rien. Ça n’a pas d’utilité dans l’absolu. Si ton album ne sort pas, on ne s’en rendra jamais compte. Mais toute la matière artistique est là pour donner du sens. Je pense que les artistes donnent du sens à l’existence de certaines personnes, et aussi à ce qui se passe dans la société, parce que c’est l’expression d’un état général.

M. : Alors le rôle de l’artiste est plus que jamais essentiel…

T. :Un artiste, c’est un artisan qui donne du rêve. Il parle un langage dont tout le monde a besoin, mais qui manque au quotidien. C’est un poète. C’est quelqu’un qui semble ne servir à rien, et qui est en fait complètement indispensable dans une société où beaucoup de choses manquent cruellement de poésie. J’ai une dernière petite anecdote par rapport à ça.

M. : Je suis venu pour ça (rires).

T. : J’avais contacté Masih Alinejad, une Iranienne qui habite à New York et qui pilote les mercredis blancs en Iran. Ce sont des mercredis où les femmes se dévoilent en public, sur un petit piédestal. Il y a dix-quinze femmes qui font ça dans Téhéran tous les mercredis. Je voulais l’interviewer, savoir pourquoi elle faisait ça. Surtout, elle habite à New York donc ça me semblait intéressant de voir comment elle pilotait de là-bas une campagne politique en Iran. Je lui ai parlée de mon projet et elle m’a répondu : « Ton projet ne sert à rien, tu ne changeras rien, tu ne permettras jamais aux Iraniennes d’avoir le droit de se dévoiler en public. La musique ne sert à rien pour changer une société. »

M. : Ah oui, ça pourrait être mal perçu.

T. : Être un.e artiste, c’est recevoir des emails pareils, et continuer de se dire qu’au contraire, la musique est fondamentale pour connecter. Peut-être pas pour faire des révolutions, mais connecter des gens, des Iraniens et des Américains. C’est déjà beaucoup. Un.e artiste est quelqu’un qui crée de la matière poétique pour connecter les gens.

Écoutez Azadi de Tallisker sur Spotify.

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