5 sorties à écouter cette semaine : Flying Lotus, Hania Rani, Sean Christopher…
Fondateur et ex-rédacteur en chef d'Arty Magazine, le grand manitou…
Quel est ton instrument fétiche ? Pour le piano, on rejoint les expérimentations néo-classiques de Hania Rani et l’electro de Slumb. Pour les fans de guitare folk, le second album de Sean Christopher est un immanquable. Et si on s’aventure du côté de la pop cosmique, l’EP de Dude Low est un voyage à ne pas louper. Et pour tout le monde, la réédition du disque culte du producteur de tous les genres Flying Lotus s’écoute en boucle.
Flying Lotus – Flamagra (Deluxe Edition / LP)
Notre morceau préféré : « Takashi »
54 morceaux pour 134 minutes d’écoute. Un double album avec des tracks instrumentaux. La réédition d’un disque culte paru il y a un an jour pour jour. Comment est-on censé apprivoiser la bête Flamagra ? Avec Steven Ellison aka Flying Lotus, on se perd toujours entre mille pistes de lectures et sonorités, si bien que tout un chacun y trouve au final son compte. Notons toutefois que le beatmaker californien s’est inspiré de l’univers de David Lynch, que l’on retrouve d’ailleurs sur le spoken-word du morbide Fire Is Coming, expliquant sûrement son envie de brouiller les pistes entre glitch-hop, électro expérimental et jazz funk. Notre conseil serait d’y aller petit à petit selon ton humeur du moment : pour une envie de sieste (Heroes, Andromeda, FF4, à la limite Land Of Honey avec Solange), un réveil charpenté (Heroes In A Half Shell, Post Requisite) ou des rêves chelous (Takashi, Pilgrim Side Eye, All Spies). Le boss du label Brainfeeder avait plié le game en 2019, il nous a couché avec la version deluxe de Flamagra en 2020.
Hania Rani – Home (LP)
Notre morceau préféré : « Letter To Glass »
Du piano, mais quel piano. Un album, mais quel album. La pianiste et compositrice polonaise Hania Rani dépose un répertoire sublime où le touché des notes est vivace (la folle ronde de Buka), le bruit des marteaux comme perceptible (la pendule de Letter to Glass), et l’invitation au voyage bien présente (les mouettes d’Ombelico). On trouve presque dommage que sa voix, aussi douce soit-elle, ne vienne se déposer sur les notes créant une fêlure dans notre relation exclusive avec l’instrument. Impossible de ne pas penser à Niklas Paschburg, Olafur Arnalds et Nils Frahm des maisons 7K! et Erased Tapes. En ajoutant à ce tour de table les parisiens d’InFiné et Gondwana Records où est signé Hania Rani, on tient la nouvelle dynamique du classique contemporain. La compositrice polonaise est parmi la plus productive au rythme d’un disque par an. Son précédent bébé, Esja, était sorti en avril 2019. Espérons qu’elle garde le rythme pour nous offrir en juin 2021 une nouvelle parenthèse enchantée.
Sean Christopher – Wander (LP)
Notre morceau préféré : « In Circles »
Le chanteur et compositeur néerlandais Sean Christopher nous offre une folk dépouillée avec son second album Wander. Depuis la sortie en 2018 de son premier opus remarqué, Yonder, l’artiste a fait un crochet par le cinéma et la publicité pour mettre du beurre dans ses épinards (les grands albums folk ne paient plus en dehors de Greenwich Village). Son combo guitare-voix d’une incroyable douceur nous balade entre histoires personnelles et questionnements existentiels : l’entêtant In Circles, le divin Glow, le planant Indigo Blue et le transcendantal Colossus. C’est un disque que l’on sait accessible par la puissance émotionnelle de l’artiste, et que on l’espère transcender sa niche pour trouver un nouveau public. Wander ne signifie t-il pas « errer sans but » ? À marcher à tous vents, on espère qu’il fera de belles rencontres.
Dude Low – My Days in Cosmos (EP)
Notre morceau préféré : « Man Spreading »
Tout beau, tout neuf : voici le side-project de Lucas aka l’un des garçons derrière Born Idiot. Son premier EP My Days in Cosmos glisse comme un drift stellaire en Subaru de l’espace, nappes de synthés et magnétisme mélodique plein les oreilles. Tu es invité à enfiler ta combinaison de copilote sur le parcours de la tracklist : la romance cotonneuse de Venus, la charge contre les comètes alpha de Man Spreading, l’embellie enjouée de Turn Back To What Your Love, l’escale en galaxie inconnue de Vila Real et les chœurs célestes de Jude’s Fresh Air. La fusée pop de Dude Low est à garer dans la station spatiale d’Electric Light Orchestra après cette tournée des étoiles. C’est léger et souvent lumineux, ne flirtant jamais avec le vide appréhendé, et chaque nouveau démarrage révèle son lot de petites surprises. On a trouvé notre high dude pour s’envoyer en l’air dans une galaxie lointaine, très lointaine.
Slumb – Reset (EP)
Notre morceau préféré : « Reset »
Le syndrome de la page blanche effraie plus d’un artiste. Slumb, le duo composé du pianiste Julien Marchal et du beatmaker Senbeï, bat en brèche les idées reçues avec Reset. Tout n’est que réinvention d’une partition légère au piano avant que les beats de l’électro ne prennent la relève dans un patchwork étonnant de titres : le single éponyme où la voix d’Ed Tullett se balade allègrement, la douceur feutrée de Sakeshima, la montée en puissance progressive d’Aurora, et le final explosif du drop d’Over and Done. C’est aussi à travers leur univers esthétique et la pochette signée Eddy Loukil que Slumb nous entraîne dans sa remise en question des codes pré-établis, avec cette étrange statue dont on ne saurait dire si elle est réelle et numérique, comme leur EP oscille entre organique et électronique. On a envie maintenant d’en connaître la suite : à savoir si la feuille blanche sera griffonnée de notes noires ou si elle prendra une apparence strictement virtuelle. En tout cas, elle ne s’envolera pas au vent.