4 sorties à écouter cette semaine : Bruno Major, Jumo, Bolivard, Michelle Blades…
Fondateur et ex-rédacteur en chef d'Arty Magazine, le grand manitou…
Tu commences à connaître la rengaine : quelles sorties fallait-il écouter cette semaine ? Pour accompagner le retour du froid en pleine dépression météorologique du mois de juin, on joue la carte de la mélancolie : Bruno Major, Jumo, Bolivard et Michelle Blades. Le spleen n’a pas de saison, qu’on se le dise.
Bruno Major – To Let A Good Thing Die (LP)
Notre morceau préféré : « Regent’s Park »
Quelques lettres distinguent Bruno Major de Bruno Mars, un goût commun pour la culture afro-américaine pourrait les réunir, mais deux mondes les séparent. Ici, pas de pop funky survitaminée taillée pour les charts, mais une soul mélancolique propulsée par un bouche-à-oreille indémenti. Le guitariste et chanteur british donne suite à son album A Song For Every Moon aux quelques 400 millions de streams qui l’avait propulsé en première partie de la tournée de son vieux pote Sam Smith. Le spleen prégnant de son nouvel opus To Let A Good Thing Die fait vibrer en nous une sensibilité romantique avec Old Fashioned, nous emporte dans un torrent de souvenirs nostalgiques avec Tapestry, et se conclut avec la résignation étincelante du titre éponyme To Let A Good Thing Die. Mais un titre plus que tous les autres fait battre une puissante mélancolie attrayant à l’enfance, Regent’s Park, où l’artiste sample le piano des 101 Dalmatiens quand Pongo regarde par la fenêtre au début du film. Membre intégrante de l’aristocratie internationale du spleen – aux côtés de Sam Smith, Tom Misch ou Finneas (le frère de Billie Eilish avec qui il a collaboré), Bruno Major fait briller une musique intemporelle où la nostalgie n’a plus rien à envier au passé.
Jumo – Et le vent ? (LP)
Notre morceau préféré : « L’Exode »
Le premier album, enfin. Le producteur signé chez la maison de qualité Nowadays Records avait sorti successivement quatre EP en 2019 : Les autres (4 mars), Périodes aléatoires (3 avril), Que des gens de passage (14 juin) et C’est déjà demain (19 septembre). On peut dire que Jumo sait se faire désirer. Son électro cristallin nous entraîne avec ce premier format long sur de nouveaux territoires sentimentaux où l’on hésite entre danser et pleurer, ou tout à la fois. Sa mélancolie dansante à faire pâlir le dancefloor s’accompagne de collaborations soigneusement choisies avec son groupe Hier Soir pour Hope, le rappeur Hyacinthe pour Première Fois, ou encore la diva Penelope Antena pour Holy. Cette folle consécration se nappe comme à son habitude de visuels pour celui qui est également graphiste dans la vie, projetant les titres des tracks en mouvement dans différents décors, une manière de présenter ses créations à travers sa sensibilité littéraire et filmique. Jumo parvient dans sa réduction de moyens à faire souffler son minimalisme poétique au fil de nos rêves et de ses ambitions pluridisciplinaires.
Bolivard – Dr. Bolivard (EP)
Notre morceau préféré : « La Mort »
Le producteur, chanteur et multi-instrumentiste signé sur Cookie Records fait partie de nos chouchous chez Arty Paris. On l’avait l’interviewé pour la sortie de son single La Vie, on l’avait retrouvé non sans plaisir sur la compilation Tasty Tunes, et il nous avait aidé à s’en sortir pendant le confinement. Bref, l’homme à la casquette noire et blanche truste notre feed depuis des mois (pardon, des années). Son EP Dr. Bolivard consacre l’univers décalé d’un artiste en proie aux tourmentes du monde moderne : « J’ai un petit peu l’impression que l’existence est un immense tas de merde », nous dit-il en préambule. Ses morceaux aussi cinglants que burlesques auscultent l’absurdité quotidienne au rayon discoïde, où l’on retrouve avec plaisir ses hits La Vie, Réalité ou Focus, et où l’on découvre les accrocheurs Mélancolie et La Mort. Si ses titres entre fausse décontraction et vraies inquiétudes feraient d’excellents noms pour les nouveaux films de Quentin Dupieux, Bolivard flirte parfois avec l’école Ed Banger dont il aspire l’efficacité déglingo d’un Mr. Oizo avec une velléité pop. Alors, qu’est-ce que vous nous recommandez docteur ? Une gélule euphorisante de Dr. Bolivard midi, soir et coucher.
Michelle Blades – Nombrar las Cosas (EP)
Notre morceau préféré : « Amor Sin Destino »
Midnight Special Records est la maison de l’excellence française alternative. Entre Cléa Vincent et Kumisolo, on retrouve dans leur belle discographie une artiste nomade dont le nom n’est pas inconnu aux puristes : Michelle Blades. La songwriteuse échappée d’un recueil de poésie hispanique s’exprime pour la première fois entièrement dans sa langue maternelle, renouant avec ses racines panaméennes et la culture mexicaine de sa mère. Passée par la Floride pour fuir la dictature de Manuel Noriega, puis s’entichant de la France où elle vit désormais, l’artiste nourrit sa musique de ses influences underground cosmopolites où cohabitent les sentiments amoureux sur le sublime Amor Sin Destino, la solitude électrique de Mota o perreo, ou la chronique tendre d’un vieux vendeur de ballons sur Globitos. Par sa pop hétéroclite réconciliant rock et folk, Michelle Blades fait valoir la puissance des sentiments avant tout.