« Africa Mia » : Sur les traces du groupe afro-cubain qui inspira la World Music
Il mène sa vie une manette à la main, absorbant…
Dix-huit ans. C’est le temps qu’il aura fallu à Richard Minier, producteur de musique, pour concrétiser son projet fou : celui de reformer les Maravillas de Mali, le premier groupe afro-cubain dont l’histoire débute en 1964.
L’histoire des Maravillas, c’est celle de l’entraide des pays révolutionnaires socialistes au milieu du XXe siècle. Des échanges gratuits et sans contrepartie, sous l’égide des amitiés communistes qui deviendront la future Tricontinentale, permettent au Mali d’envoyer à Cuba dix jeunes musiciens inexpérimentés. Menés par Boncana Maïga, le chef d’orchestre prodige, les Maravillas seront hissés au rang de légendes de la world music, un mouvement dont ils posent les premières fondations.
État des lieux d’un Mali en pleine transformation
Au moyen d’une collection d’archives historiques et personnelles pour le moins impressionnante – « Je voulais filmer tout ce qu’il se passait » nous informe le réalisateur – le film met en images un Mali en constante évolution. Il témoigne de l’indépendance des années 1960 au coup d’état militaire de Moussa Traoré en 1968, des rues de terre cuite en 2000 à l’urbanisme travaillé de 2015. Il y a aussi ceux qui sont restés, et celui qui est parti en quête d’une herbe plus verte.
Comble du lien étroit entre l’Histoire des merveilles du Mali et la politique de leur terre natale, Boncana Maïga, lors de la rencontre qui a suivi la projection, nous fait remarquer avec ironie que les Maravillas ont été séparés à la suite du coup de 68. Le nouveau groupe, relève passionnée, tente de faire revivre l’esprit de l’original, alors que survient au Mali un coup d’état armé en août 2020. Temps obscurs et politiques troubles, le film devient nécessaire comme portrait d’une population vivante et enivrée : « L’Afrique attend ce film ! », nous rappelle Boncana.
Un hommage vibrant à la musique des Maravillas
Le documentaire est narré en voix off par Richard Minier himself. Le producteur de musique et réalisateur est totalement investi par son projet, passionné par cette histoire fabuleuse, profondément amoureux de la musique des Maravillas, et motivé par l’idée de pouvoir rééditer leurs titres. Nous sommes plongés au cœur de cette quête, pour retrouver la trace de tous les membres et tenter de les convaincre de prendre part à la réunion, de 2000 à 2018. L’ambiance est chaleureuse, chaque plan serré nous donne l’impression de retrouver un vieux copain perdu de vue, la musique est omniprésente (Prix Sacem du documentaire musical en poche). Le film fait rire, pleurer, chanter – le chef d’orchestre nous a littéralement fait chanter leur titre-phare, qui reste d’ailleurs en tête pour quelques jours – pendant la rencontre.
Le Dernier des…
Africa Mia est également une ode formidable et particulièrement émouvante sur le temps qui passe. Les réunions de vieux amis, les disparitions successives, le nouvel enregistrement de leurs titres, 45 années après, au même studio havanais, sont particulièrement touchants. L’histoire des Maravillas, c’est celle de la vie qui s’écoule, avec ses joies, ses peines, ses décisions irrévocables, ses amitiés indéfectibles, ses opportunités uniques parfois manquées.
Boncana, le maestro, est le dernier représentant du groupe, porteur d’une mémoire collective, gardien de la légende des Merveilles. Approchant aujourd’hui les 80 ans, il mène les nouveaux Maravillas comme il menait les anciens, avec fougue, passion et musicalité. À toi, mélomane curieux, ne perds pas l’occasion de le voir à l’œuvre.