« Drunk » : Le nouveau film de Thomas Vinterberg à consommer sans modération
En attendant de s’installer en Islande entourée de ses films…
Quatre amis décident de mettre en pratique la théorie d’un psychologue norvégien selon laquelle l’homme aurait dès la naissance un déficit d’alcool dans le sang. Avec une rigueur scientifique, chacun relève le défi en espérant que sa vie n’en sera que meilleure ! D’abord encourageante, la situation devient rapidement hors de contrôle.
Ode à la joie et à la liberté, le nouveau film de Thomas Vinterberg explore, grâce au jeu particulièrement touchant de Mads Mikkelsen et de ses trois a(l)colytes, ce moment de désir de vivre intense, ce désir de ressentir, d’aimer et de rire quand tout semble gris. Le film parvient à retranscrire avec une justesse étonnante un sentiment d’enlisement routinier, que nous avons tous connu, je pense : ce moment où l’on se rend compte que l’on s’est perdu quelque part, en chemin, derrière les journées de travail qui se ressemblent et les soirées monotones.
La réinvention d’un cinéaste sans artifice
Sans tragique quelconque, Vinterberg trace une sorte d’état des faits de l’aliénation que nous vivons tous dans nos métros-boulots-dodos. Jusqu’au jour où quelqu’un nous dit que l’on n’est plus bon à rien, ni à enseigner l’Histoire, ni à aimer sa femme. Voilà la réalité dans laquelle se réveille Martin (Mads Mikkelsen) lorsque le film débute. Alors intervient cette fameuse théorie selon laquelle il manquerait à l’homme 0,5 g d’alcool dans le sang. Entre humour et désir de provocation, le film s’immerge dans l’ivresse.
La caméra garde sa distance, elle étudie, à l’instar des personnages, les effets de l’alcool sur les relations sociales et le comportement. Elle continue à donner un « état des faits », comme une forme d’argumentaire, c’est une étude. Bien loin du Dogme 93 qu’il a institué avec Lars Von Trier, Thomas Vinterberg se réinvente dans une image plus esthétisée, tout en gardant son désir initial de montrer les choses sans artifice, et de laisser l’histoire et les acteurs guider la caméra, et non l’inverse.
Quatre garçons pleins d’avenir
Cela dit, le film ne fait en aucun cas l’éloge de l’alcoolisme. Il s’agit surtout d’un prétexte à la mise en place d’un portrait humain complexe. L’alcool comme thème permet de réintroduire l’erreur, la vulnérabilité, la dépression, autant que la joie, la fête et le désir au sein d’une vie qui, trop souvent, doit être vécue et montrée sans fautes et sans défauts.
Entre dénonciation de l’hypocrisie des bonnes mœurs d’une société danoise (pas forcément si éloignée de la nôtre) et portrait complexe, le cinéaste s’attèle également à un démantèlement d’une masculinité toxique, sujet particulièrement sensible dans les pays d’Europe du Nord (plus encore que chez nous). Le portrait de ces quatre hommes en dépression, sensibles et perdus est un acte politique en soi, surtout dans ces pays du Nord, ici le Danemark. Il s’agit ici de faire de ces failles quelque chose de beau et quelque chose de drôle, et non plus quelque chose de tabou.
Éloge de l’anti-héros, Drunk nous touche par son jeu d’acteur sans artifice et son histoire à échelle humaine. Plein d’humour et d’amour, il se regarde comme un feel good movie, sans pour autant se perdre dans le superficiel, et le film nous transporte avec joie dans une ivresse cinématographique toute en subtilité.