Expo : Bienvenue dans les mondes intérieurs d’Andy Dixon
Son avidité pour l’écriture et son gros penchant pour la…
C’est la première exposition française d’un artiste canadien déjà bien connu. Le peintre et musicien de Vancouver, qui vit désormais à Los Angeles, Andy Dixon, livre une série de 16 tableaux, intitulée My Patrons’ Homes, que l’on peut découvrir à la galerie parisienne OTI. On y retrouve sa palette unique de couleurs vives dans cet ensemble de toiles qui révèlent d’anciennes œuvres de l’artiste dans les intérieurs de leurs heureux acquéreurs.
Si tu es un fan inconditionnel de punk rock canadien, tu connais sans doute déjà Andy Dixon. C’est en effet en tant que musicien professionnel que l’artiste a d’abord fait ses preuves au sein du groupe D.B.S. etThe Red Light Sting. Il est aussi à la tête, depuis 1999, d’un label indépendant vancouvérois, Ache Records, pour lequel il avait déjà commencé à explorer des techniques de sérigraphie et de superposition de couleurs. Andy Dixon ira même jusqu’à développer sa propre théorie des couleurs à partir d’une exploration des interactions d’une palette contenant 20 peintures sur mesure. Cette fascination pour les nuances et les teintes ne le quittera pas et fera complètement partie de sa signature visuelle au regard de la palette de couleurs riches et vives dont il se sert pour ses œuvres.
C’est cette curiosité pour les couleurs et un talent brut autodidacte qui l’ont poussé à se tourner vers les beaux-arts, non sans un regard critique, puisque l’artiste de 43 ans n’a de cesse de repousser les frontières de l’art établi pour en faire émerger une nouvelle forme. Il se plaît à jouer avec les tropes de l’histoire de l’art, à mélanger références historiques et objets de pop culture, ou à mettre du rose bonbon dans ses toiles. Et pour cette nouvelle série, ce sont un peu tous ces éléments qui se retrouvent au cœur de ses toiles, avec de curieux tableaux à l’intérieur qui sont en fait d’anciennes œuvres de l’artiste.
Une mise en abyme complexe…
Cette série est sans doute la plus aboutie de l’artiste. Non seulement parce qu’elle reprend des peintures antérieures de sa série Masterpiece. En effet, chacune a été photographiée chez le collectionneur qui l’a acquise puis repeinte par l’artiste dans son espace actuel, d’où le nom de cette série : Patrons’ Homes. Mais aussi, parce que le peintre en profite pour montrer toute l’étendue de sa technique en acrylique et pastel en peignant ces intérieurs qu’il sublime. L’exercice est également inédit car il révèle une partie de l’intimité des mécènes qui lui ont acheté ses toiles, ou plutôt de leurs intérieurs. Parmi ces intérieurs, on peut d’ailleurs retrouver celui du chanteur The Weeknd à Los Angeles. Si la tradition des artistes-peintres peignant leurs propres œuvres dans de nouvelles toiles n’est pas inédite – Le Studio Rouge de Matisse est un exemple connu -, elle révélait plutôt les ateliers des artistes.
Cette mise en abyme avait pour effet de souligner un certain romantisme du processus créatif en se concentrant sur la genèse de la peinture à travers le prisme de l’atelier de l’artiste, le spectateur pouvant se trouver flatté d’être au cœur du génie créatif, tout comme l’ego du peintre. Ici, ce sont dans leurs nouvelles demeures que l’on peut retrouver les peintures originales d’Andy Dixon, portant l’attention sur leurs propriétaires et à l’origine d’une nouvelle source de créativité pour l’artiste. Andy Dixon disait à ce propos : « Cela déplace l’accent du romantisme vers le pragmatisme ; au lieu de mettre en avant la créativité de l’art, je mets en avant le commerce de l’art, en positionnant ma propre oeuvre comme un simple objet acheté pour être accroché dans une pièce. »
… Au service d’une critique du luxe et de la richesse décadente
Le moins que l’on puisse dire de ces intérieurs, est qu’ils ont en commun richesse et goût du luxe. Mais comment savoir qui de l’artiste ou des propriétaires des toiles crée le tableau ? Car une certaine mise en scène de ces intérieurs est indéniable. Le procédé d’Andy Dixon nous en apprend beaucoup à ce sujet. En fait, c’est l’artiste lui-même qui s’est le plus souvent déplacé au domicile des propriétaires de ses œuvres pour photographier la pièce dans laquelle se trouve l’œuvre, afin de créer sa nouvelle toile. Il est aussi parfois arrivé que les clients lui envoient directement les photos de leurs intérieurs. Mais quoi qu’il en soit, le résultat est plus ou moins similaire. Le mécène a ce besoin de créer une nature morte de son salon et de ses biens avec ce désir de montrer ses possessions matérielles. C’est pourquoi, les toiles nous apparaissent saturées d’objets, de tableaux prestigieux, de sculptures, de livres, de bouquets de fleurs, de céramiques et de tout ce qui peut faire référence à l’univers du luxe. Quelle est alors la part de l’artiste dans la création du décor de ses futures toiles ? Il n’est pas en reste. Au contraire, Andy Dixon ne contrarie en aucun cas ses acquéreurs, mais au-delà, il joue même davantage l’amoncellement d’objets, ce qui crée souvent une mise en scène frisant l’absurde.
Parce qu’au fond, si Andy Dixon s’inspire du luxe et de la richesse de ces intérieurs, c’est bien pour s’en moquer. Et plus il y a d’objets en tout genre présents dans la toile, plus cela renforce un thème cher à l’artiste : la décadence qu’il aborde à travers ces toiles. Mais aussi, le mécénat et la relation entre l’art et la richesse. Une manière pour lui de remettre en question la valeur inhérente des objets de luxe, la place accordée à l’art par des collectionneurs boulimiques, les dérives consuméristes de la société, ou encore de réinterroger l’idée même de valeur. Les intérieurs sont donc volontairement mis en scène pour être décadents. Aux côtés des références historiques, se mêlent des références plus modernes qui font écho à la pop-culture ou à la société de consommation. On peut ainsi apercevoir Mickey ou les Simpson. Les détails ne trompent pas non plus. C’est parfois une sculpture d’homme qui fait littéralement un pied de nez au spectateur ou des smileys qui ornent les vases de compositions florales somptueuses et extrêmement travaillées. Les couleurs utilisées par l’artiste pour ces toiles renforcent aussi cette idée de décadence. Il en devient presque un jeu d’aller de tableaux en tableaux et de se demander qui a le plus riche et bel intérieur.