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Lo Bailly : « Le texte a une place centrale dans ma musique »

Lo Bailly : « Le texte a une place centrale dans ma musique »

Anaïs Delatour

Rencontre avec le jeune bedroom musicien venu tout droit de Bruxelles, qui mélange chanson française et spoken word pour parler de ses états d’âme, et un peu malgré lui, de ceux du monde.

Lo Bailly est du genre autodidacte. Et tout part de la chambre du jeune artiste belge : son apprentissage du piano, ses premières maquettes et ses premiers états d’âme. Deux ans après la sortie de son premier EP, Parades, l’artiste amoureux des mots revient avec une première partie d’album, Prosaïque, sortie le 27 janvier dernier sous le label 30 Février.

Son style est toujours inclassable, entre slam, rap et spoken word. À travers des morceaux piano-voix maîtrisés, il revendique l’urgence de vivre et fait un réel témoignage de son époque. La suite de l’album est prometteuse.

Anaïs : Tu as aujourd’hui une relation particulière avec le piano, qui est ton instrument de prédilection. Et pourtant, tout commence en autodidacte…

Lo Bailly : Oui, il y avait un synthé qui traînait à la maison. Pourtant, personne n’était musicien chez moi. Je pense que c’est mon père qui avait dû l’acheter mais je ne l’ai jamais entendu résonner ! C’est vers 14-15 ans qu’il a vraiment attisé ma curiosité. J’ai commencé le piano en regardant des vidéos sur Internet. J’ai appris à déchiffrer les partitions des morceaux que j’aimais bien, ce qui m’a permis de comprendre comment ils étaient construits et de commencer à composer mes propres mélodies.

A. : Et l’écriture, comment est-elle arrivée dans ta vie ?

L. B. : À peu près au même moment, au début de l’adolescence. Je faisais du foot mais j’en avais marre donc je me suis mis au tennis, mais j’en ai eu marre aussi ! À ce moment-là, l’écriture est arrivée et ne m’a plus jamais vraiment quitté. Assez naturellement, je me suis dit que j’aimais écrire et composer des mélodies, donc je me suis mis à écrire des chansons.

A. : À quel moment as-tu commencé à te dire que ta passion allait devenir professionnelle ?

L. B. : J’ai longtemps travaillé tout seul dans ma chambre jusqu’au jour où j’ai commencé à avoir quelques maquettes que je trouvais cohérentes. J’ai donc commencé à chercher des gens pour avoir des retours, et naturellement, j’ai commencé à m’entourer.

A. : Ton univers est très éclectique. On est entre du hip-hop, du slam, de l’électro et de la chanson française. Comment le décrirais-tu ?

L. B. : Je me reconnais bien dans tous ces genres, qui font clairement partie de mes influences. J’ai grandi dans les années 1990 avec une grande soeur qui m’a fait écouter MC Solaar et IAM. Adolescent, j’ai découvert le rock avec Damien Saez et Noir Désir par exemple. Plus tard, je me suis mis à écouter de la musique électronique et du trip-hop, notamment Bonobo et Massive Attack. Dans cette musique, c’était beaucoup plus l’aspect instrumental qui m’intéressait. Donc tous ces genres et influences font partie de mon bagage et forcément de mon univers.

En plus d’avoir du goût pour les mots, le jeune artiste belge a le sens du cadrage.
A. : Donc clairement, il ne faut pas chercher à te mettre dans une case ?

L. B. : Non, j’ai toujours eu du mal à me mettre dans un style. Et je considère que c’est une force. J’ai l’impression que si on n’arrive pas à me placer dans une case, cela veut dire que ce que je fais est original, même s’il peut y avoir des incidences négatives parfois.

A. : Comment ça ?

L. B. : Pour les programmateurs par exemple. Certains vont avoir du mal à me classer et donc à me programmer en disant que je ne suis pas assez hip-hop ou pop. En réalité, si je devais vraiment me définir, je dirais que je fais de la musique électronique avec du piano et que j’écris des textes en français dans la tradition du spoken word.

A. : Tu citais tout à l’heure MC Solaar parmi tes influences, et dont on retrouve l’empreinte dans ta musique. Je pense aussi à Eddy de Pretto ou à Vald.

L. B. : Ce sont bien évidemment des artistes que je connais mais je ne visualise pas l’ensemble de leur univers artistique. Dans la même ambiance qu’Eddy de Pretto, mais plus ancien, il y a Fauve que j’ai beaucoup écouté. Et je pense qu’on ne peut pas faire de la musique aujourd’hui en 2023 sans être un peu influencé par Orelsan. Le lien entre tous ces projets et le mien est peut-être d’ailleurs qu’on est issus de la même génération, et donc que l’on a écouté et été influencés par les mêmes artistes. Des connexions inconscientes se sont forcément insérées entre nos univers. Et après, j’ai aussi des sources d’inspiration un peu intemporelles comme Odezenne, Air et Alt-J qui ont chacun une identification musicale très forte.

A. : Il y a un autre point commun, au-delà de la génération, avec les artistes dont on a parlé et toi, c’est la place du texte dans vos chansons. Dans ton projet, c’est le texte qui est complètement mis en avant.

L. B. : Carrément ! Déjà, j’aime un artiste quand son texte me fait frissonner. Même si je trouve qu’une production est géniale, je suis capable d’attendre un long moment si je ne suis pas tout à fait convaincu du texte. Je n’ai pas peur de prendre mon temps pour construire un morceau. Le texte, la narration et le storytelling ont vraiment la place centrale.

A. : Tu écris beaucoup sur toi-même, tes émotions, ton quotidien, ce qui t’entoure. Te considères-tu comme un artiste ultra-sensible ?

L. B. : Pas qu’un artiste. Je suis un être humain ultra-sensible. De manière plus générale, je pense qu’on est dans une époque et une génération qui sont très à fleur de peau, très réactive. Donc je corresponds bien à l’époque dans laquelle j’évolue. Et j’ai l’impression qu’en parlant de ce que l’on vit, on fait une sorte de témoignage de l’époque.

A. : Deux ans séparent Parades et Prosaïque, tes deux EP. Quelle évolution peux-tu noter entre les deux ?

L. B. : Prosaïque, qui est sorti en janvier, est plutôt la première partie de l’album, qui sortira en avril. Et depuis Parades, je pense avoir évolué à tous les niveaux, comme je suis à la fois auteur, compositeur et producteur de mes projets. Quand j’ai sorti mon premier EP, je faisais de la production depuis à peine deux ans. Et musicalement, je pense aussi que ce que je sors maintenant ressemble plus à ce que je veux faire. Il y a toujours un temps de découverte et d’adaptation quand on commence une nouvelle pratique. Retranscrire ce que l’on a dans la tête prend du temps.

A. : Qu’est-ce qui t’a inspiré pour la première partie de l’album ?

L. B. : On était à la sortie du Covid, à la sortie d’un moment hyper angoissant, j’avais un sentiment d’urgence, le sentiment qu’il fallait se dépêcher et profiter car tout pouvait de nouveau s’arrêter. Cet état d’esprit m’a beaucoup nourri. Dans mes textes, j’ai l’impression de souvent parler du fait qu’il faut fuir une situation d’inconfort ou d’oppression.

A. : Et à quoi ressemblera ton album qui sortira le 21 avril prochain ?

L. B. : La deuxième partie sera un peu différente. Dans la première, le personnage parle de lui, de son état d’esprit. L’introduction parle quand même de ma chambre et de ce que je ressens en disant que le bordel qu’il y a autour de moi correspond au bordel qu’il y a dans ma tête. Dans la deuxième partie, le personnage se tourne un peu plus sur l’extérieur et parle d’autres personnages. On part donc de questions existentielles personnelles jusqu’à l’état du monde. Peut-être que finalement le bordel qu’il y a dans ma tête correspond à l’état du monde… Au niveau musical, il y aura aussi plus d’éléments acoustiques, des trucs un peu plus assumés, moins électroniques. Les deux parties offriront un choix de contraste.

A. : Quelle est ta définition d’un artiste ?

L. B. : C’est quelqu’un qui n’a pas peur d’essayer et de se tromper, qui affronte le regard des autres, non pas sans une petite appréhension, car le regard des autres est toujours un peu tétanisant. Mais, en tout cas, l’artiste est quelqu’un qui ose. Puis advienne que pourra.

Prosaïque (Face A) est disponible sur Spotify.

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