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À voir : Le bouleversant discours féministe d’Agnès Jaoui

Marin Woisard

Membre du collectif 50/50, l’actrice et réalisatrice Agnès Jaoui a livré un témoignage bouleversant sur son parcours en tant que femme jusqu’à sa prise de conscience féministe, au cours de la troisième édition des Assises pour l’égalité, la parité et la diversité dans le cinéma et l’audiovisuel.

On connaissait son interprétation césarisée pour On connaît la chanson en 1998, son association indéboulonnable avec Jean-Pierre Bacri à l’écran comme sur les planches, mais un peu moins son engagement féministe à la ville. Agnès Jaoui, grande femme du paysage audiovisuel français, a livré un discours bouleversant mercredi dernier à la troisième édition des Assises pour l’égalité, la parité et la diversité dans le cinéma et l’audiovisuel, organisée par le Collectif 50/50 au Théâtre de la Porte Saint-Martin, à Paris. Diffusée sur les réseaux sociaux, crise sanitaire oblige, la prise de parole de l’actrice a noué la gorge des spectateurs en abordant frontalement la problématique des agressions sexuelles, des normes de beauté et de la représentation des femmes au cinéma.

Le collectif 50/50 a pour but de promouvoir l’égalité des femmes et des hommes et la diversité dans le cinéma et l’audiovisuel

De la domination masculine inconsciente à une prise de conscience féministe

Les yeux penchés sur sa feuille, la diction claire et distincte, Agnès Jaoui déroule le fil de sa vie. « Vers 5 ans, je me suis fait abuser par un inconnu dans la cage d’escalier de mon immeuble » ouvre-t-elle sans préambule, avant d’évoquer un nouvel abus à 11 ans par son oncle. Mal dans sa peau, l’adolescente qui succède à la petite fille tente de se conformer aux injonctions de minceur et « d’éradiquer ces rondeurs, cette graisse, qui semblaient poser tant de problèmes, de désir et de dégoût« . Des décennies plus tard, le protocole du tapis rouge cannois la renvoie face aux mêmes diktats de beauté « à force d’hésiter entre 12 robes, j’ai eu envie de monter les marches du festival de Cannes toute nue » confie-t-elle.

De son discours intime et poignant, se dégage une force d’insoumission face à la domination masculine systémique dans la représentation des femmes à l’écran. Et cela, dès le plus jeune âge par une acceptation docile des modèles qu’on lui donnait à voir : « Vers 13 ans, j’ai vu des films avec Marilyn Monroe et j’ai chanté devant le miroir, la bouche en cœur, comme elle, tous ses succès« , à laquelle succède une prise de conscience, dix ans plus tard : « Vers vingt-quatre ans, j’ai revu des films avec Marilyn Monroe, et je me suis rendu compte que j’avais voulu ressembler à une idiote« .

Agnès Jaoui a depuis renoué avec le Festival de Cannes, puisqu’elle a intégré le Jury de la 70ème édition

« Des chiffres minables »

Agnès Jaoui revient aussi sur la difficulté à trouver des propositions adéquates de rôles, loin du parcours idyllique que d’aucuns pourraient s’en faire. De ses premiers cours de théâtre où « pour 10 rôles d’hommes, il y en avait 2 ou 3 de femmes, et qui offraient peu de possibilités d’identification » à l’un de ses castings où « l’on recherchait pour un film d’auteur, une actrice prête à se faire sodomiser en vrai« , le constat est sans appel. D’autant que, d’après les chiffres dévoilés fin novembre par le CNC, les actrices françaises disparaissent considérablement en proportion sur les plateaux à partir de 30 ans.

Écrivant ses propres rôles avec Jean-Pierre Bacri depuis qu’elle a 26 ans, l’actrice signifie la nécessité d’une représentation plus diversifiée, que ce soit sur le petit écran avec les héroïnes de la série Les Soprano, sur le grand avec Marilou Berry dans Comme une image en 2004, ou en redécouvrant l’œuvre de la grande oubliée de la Nouvelle Vague, la réalisatrice Jacqueline Audrey. Au terme de son discours, Agnès Jaoui ne manque pas de pointer du doigt qu’une seule femme a remporté le César de la meilleure réalisatrice depuis sa création, et de conclure par une citation porteuse d’émancipation : « Les filles obéissantes vont au ciel, les autres vont où elles veulent » .

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