Pourquoi « Paris est à Nous » est un film nécessaire ?
Fondateur et ex-rédacteur en chef d'Arty Magazine, le grand manitou…
Tourné clandestinement sous l’impulsion d’un jeune collectif parisien, « Paris est à Nous » est sorti vendredi 22 février sur Netflix. Découverte d’une proposition de cinéma libre, sauvage, et sensoriel.
Personne ne les attendait. Après avoir créé un énorme buzz à la faveur d’un financement participatif, le tout-Paris les connaissait. Une carrière pleine de promesses qui se solde par la sortie de « Paris est à nous » sur le mastodonte Netflix. Le postulat de départ est simple : Anna et Greg se rencontrent dans un festival techno. Un an plus tard, leur couple bat de l’aile. Anna rate son vol pour Barcelone où elle devait rejoindre Greg. L’avion s’écrase. Sous le choc, elle est rivée au sol dans une métropole qu’elle ne reconnaît plus.
Armés d’une Blackmagic Pocket, la réalisatrice Élisabeth Vogler et sa bande de potes ont tourné au contact de Paris, sans une thune, intégrant le réel à la fiction. Leur désir de cinéma chevillé au corps, le collectif révèle la capitale comme on ne l’a jamais vu sur écran, comme on la voit au quotidien. Pendant les commémorations de Charlie Hebdo, au cours des manifestations de la Loi Travail, dans le Canal Saint-Martin vidé, le tarmac prend vie sous les pas d’anonymes ou les bottes des CRS.
On cherchait un nouveau souffle face à l’embourgeoisement du cinéma français. « Paris est à nous » apporte une réponse actuelle et spontanée. Il y a un air de Nouvelle Vague dans la liberté de filmer sans attendre, à vouloir chopper le cœur vibrant d’une génération désemparée. On ne te l’a fait pas à l’envers, tout n’est pas parfait : les limites techniques se font sentir, et les images de l’aéroport (qu’on imagine imposées par Netflix) sont trop sages. Et alors ? L’équipe ne cède rien à son ambition esthétique, affirmant une audace que l’on croyait depuis longtemps perdue.
On s’est abandonné au vertige de cette nouvelle proposition. Les rues en constant mouvement reflètent la perte de repères d’Anna, portée par le charme indéniable de l’actrice suisse Noémie Schmidt. Son agitation intérieure se manifeste par l’accélération du pouls citadin, des artères des Champs-Elysées aux Grands Boulevards. Difficile de traduire un film que l’on aime passionnément, par peur d’en faire trop. Entre des envolées plastiques sensorielles, une voix OFF omniprésente, et des échappées en flashback, ce tourbillon d’émotions nous saisit au rythme de la bande-son de Laurent Garnier.
C’est un long métrage que l’on veut défendre. Envers et contre tous. Car on voit déjà les gardiens de la bien-pensance minorer son importance. Car « Paris est à Nous » est le symbole d’une oeuvre partie de rien obtenant une visibilité internationale, sur la seule base d’une synergie de jeunes parisiens. Peut-être faudra t-il un peu de temps, une fois l’emballement médiatique passé, pour mesurer son importance. Pour retrouver le sens du réel : et une fois pour toutes, s’emparer de notre Paris.
Paris est à Nous Disponible sur Netflix Réalisé par Élisabeth Vogler Écrit par Rémi Bassaler Paul Saïsset, Souliman Schelfout, Élisabeth Vogler avec Noémie Schmidt, Grégoire Isvarine, Marie Mottet