Rencontre avec Tora, les prodiges australiens de la chillwave
Fondateur et ex-rédacteur en chef d'Arty Magazine, le grand manitou…
Le quatuor a sorti le 9 août un nouvel album « Can’t Buy The Mood » touché par la grâce : voix évanescentes, arrangements subtils, délices mélodiques. Ils nous en confient les secrets de production.
Quand on habite sur une île-continent isolée au milieu de l’océan, Internet s’impose comme l’outil privilégié pour voir plus grand. Comme Flume et Chet Faker, Tora a rapidement tiré parti de l’explosion des chaînes musicales sur Youtube, et c’est par The Sound You Need et La Belle Musique que le groupe s’est forgé une solide réputation internationale. Si bien que même sans connaître leur nom, leur musique n’est inconnue à personne d’une playlist ou des algorithmes Youtube.
Comme Flume et Chet Faker, Tora fait partie de la nouvelle vague australienne révélée sur Youtube
Quelques 100 millions de streams plus tard, Tora est devenu l’un des chefs de file de la nouvelle vague australienne. Les résidents de Byron Bay dévoilent leur second album « Can’t Buy The Mood », preuve s’il en fallait que le bon goût n’a pas de frontières lorsqu’on sait le diffuser. Après deux années d’absence, leur touche n’a pas perdu la finesse des grandes heures : voix évanescentes, arrangements subtils, délices mélodiques. Agrémentée de clips splendides, leur pop fond sous la langue à en bénir notre confiserie préférée : Youtube.
Marin : Bonjour Tora. Depuis 2013, vous faîte partie de la scène chillwave qui a émergé avec les chaînes Youtube The Sound You Need, Majestic Casual et La Belle Musique. Quelle est votre vision de ces années avec le recul ?
Tora : En regardant en arrière, c’est un peu fou de penser à la chance qu’on a eu. C’était l’âge d’or de la musique indie : on a pu gagner une certaine notoriété grâce à quelques chaînes qui relayaient notre musique, sans l’aide d’un label. Je pense qu’aujourd’hui c’est beaucoup plus difficile pour un groupe de se faire remarquer sans l’aide d’un label, car le monde du streaming est complètement dominé par Spotify et Apple Music. Il est bien plus nécessaire d’avoir de bonnes connections aux bons endroits. On a été très chanceux d’avoir le soutien de ces blogs et de ces channels, ça nous a vraiment aidé à lancer notre carrière !
Marin : Vous avez récemment dévoilé les clips de « Mother Forgot », « Paramount » et « Similar ». Quelle est votre approche de la création vidéo?
Tora : Pour cet album, nous avons travaillé avec notre ami Onil de Rever Media sur toutes les vidéos des singles. À chaque fois on se retrouvait pour discuter, lui expliquant le sens caché des chansons, puis on échangeait des idées jusqu’à que l’on sente que le concept était à la fois puissant et représentatif du message sous-jacent de la chanson. Nous avons passé des semaines et des semaines à s’envoyer des mails et à partager des moodboards et des idées. C’était un gros défi, mais finalement très enrichissant.
Marin : Le single « Tiger » porte notamment votre marque de fabrique : une voix lascive associée à une production électro évanescente. Quel a été le processus de création de ce morceau ?
Tora : Nous avons commencé Tiger avec l’intention de faire une chanson entraînante. Au tout début Jo [Jo Loewenthal au chant, à la guitare et aux samples] frappait une chaise avec un bâton, puis Thorne [Thorne Davis à la batterie] le rejoignait. Ça a commencé à sonner comme un battement. Nous avons donc saisi le micro le plus proche et enregistré ce qui est l’intro de la chanson, et une partie de la rythmique sur tout le morceau. Lentement, en quelques heures ce jour-là, nous avons simplement superposé l’idée avec des synthés et la production jusqu’à ce qu’on ait la plupart des instruments. Jai [Jai Piccone au chant et à la guitare] a écrit et interprété les voix, et en deux mois nous avons progressivement affiné la structure et les éléments de production dans les différents studios où on travaillait.
Marin : La pochette de « Tiger » représente un aventurier safari qui cache son visage avec un chapeau. Ce serait une bonne définition de votre musique : une exploration perpétuelle qui brouille les pistes ?
Tora : L’observation est très intéressante, je pense que t’as mis le doigt sur quelque chose. Nous recherchons constamment de nouvelles façons d’explorer et de repousser les limites de notre son. Nous nous efforçons d’être créatifs et aventureux, en ça c’est juste de dire que cette photo reflète en quelque sorte notre approche de la musique.
Marin : Vous avez sorti le 9 août votre album « Can’t Buy The Mood ». Quelles ont été les influences principales de ce nouvel opus ?
Tora : Étant donné que le processus d’écriture s’est étalé sur deux ans à travers le monde, on s’est inspiré de nombreuses personnes et de nombreux lieux. C’était une période intense d’introspection sur nous-mêmes et la société dans son ensemble, le titre « Can’t Buy The Mood » rappelle que l’argent, la renommée et le matérialisme ne créent pas à eux seuls le bonheur et la satisfaction. L’album contient des chansons qui abordent un large éventail de sujets allant de l’amour au changement climatique, en passant par la désillusion de la société, la maladie mentale, le développement personnel et même la polarisation politique entre l’extrême droite et la gauche. Nous voulions créer quelque chose qui puisse inspirer les gens à être plus ouverts les uns aux autres, à accepter les croyances de chacun, et en fin de compte on espère que ce disque renforcera les relations humaines.
Marin : Pour terminer nous avons une question incontournable chez Arty Paris. Quelle serait votre définition d’un artiste ?
Tora : Un artiste est une personne qui possède la capacité d’exprimer son opinion de manière authentique sous n’importe quelle forme. Les artistes les plus visionnaires sont ceux qui s’efforcent de s’exprimer d’une manière inédite.