Home Ciné #18 : « Jackie Brown », le Tarantino rétro, cool et féministe
Ses origines ardennaises lui font aimer la bière belge autant…
Pendant toute la durée du couvre-feu et des salles fermées, Arty Magazine te propose ses Home Ciné, un lieu convivial où nos rédacteurs et journalistes présenteront leurs films préférés. Ceux qu’ils ont vu à 6 ans, qu’ils ont découvert suite à leur première rupture amoureuse, qu’ils dévorent avec un paquet de chips chaque dimanche soir depuis dix ans… Bref, tous ces films de leur vie qu’ils souhaiteraient te faire découvrir, là, maintenant.
Aujourd’hui, Camille nous présente Jackie Brown, de Quentin Tarantino, 1997.
Jackie Brown, troisième long-métrage de Tarantino, se révèle être un bel hommage à la « blaxploitation » (courant cinématographique américain qui offre la tête d’affiche à des Afro-américains des années 70) où l’on sent que le réalisateur s’est bien éclaté à recréer une ambiance délicieusement rétro avec des split-screen savoureux. C’est aussi par le truchement de cet hommage que le cinéaste dessine les contours de la femme forte et décidée, dont Uma Thurman incarnera une version augmentée dans le dyptique Kill Bill bourré d’hémoglobine. Tarantino a taillé, avec ce film, un rôle sur mesure pour une Pam Grier devenue une hôtesse de l’air badass, passeuse d’argent sale, chevelure lisse en cascade et sapée à la sauce Q.T., supplément béret Kangol !
Un mélange mélomane des genres et des styles
Jackie Brown s’apprécie comme un film policier haletant, qui emprunte certains codes aux films d’espionnage (on ose penser à Hitchcock, et dans le registre comique, à Charade de Stanley Donen ou à OSS 117 d’Hazanavicius). C’est aussi l’un des rares, si ce n’est le seul, où le bain de sang cède sa place habituelle. La tension n’est pas dans les flingues dégainés mais dans le rythme créé par un scénario captivant. Jackie arrivera-t-elle à entourlouper Ordell (Samuel L. Jackson, fidèle parmi les fidèles du réalisateur), trafiquant d’armes stylé, qui l’utilise comme passeuse d’argent au Mexique ?
Ce rythme s’appréhende grâce à une mise en scène savamment pensée et aux plans audacieux, mais aussi de manière purement musicale. Si finalement l’action se situe ailleurs, l’essentiel réside sans aucun doute dans cette bande son, peut-être la plus réussie de tous les Tarantino. Pendant plus de deux heures, on est porté au rythme de la soul de Bobby Womack, des Supremes, de Randy Crawford et des Delfonics. Ces derniers et leur titre Didn’t I (Blow Your Mind This Time) scellent l’amour tacite qui réunit Jackie Brown et Max Cherry (Bob Foster), l’agent de caution tombé sous son charme. Derrière le film policier se cache donc une histoire d’amour.
Et de manière plus large, cette BO magistrale, qui accompagne le film du tout début à la toute fin, met en relief la personnalité charismatique de Jackie, son esprit libre et aventureux. Elle souligne enfin le chemin que la jeune femme a parcouru, les épreuves traversées, et les rêves qu’elle espère accomplir avec autant de bonheur que de détermination. Un film féministe avant l’heure ?