Fondateur et ex-rédacteur en chef d'Arty Magazine, le grand manitou…
Deux ans après leur dernier album, le trio Jabberwocky signe un retour en grande pompe avec deux EPs taillés pour le dancefloor. De la pop entraînante de Photomaton aux ambiances italo-disco, il n’y a qu’un pas de danse.
Remontons dans le temps. Le trio formé par Camille Camara, Emmanuel Bretou et Simon Louis est encore en études de médecine quand Jabberwocky explose avec le tube générationnel Photomaton, où chante la niçoise Elodie Wildstars, elle aussi étudiante. En 2015, le point d’orgue du groupe est atteint avec leur premier album, Lunar Lane, sa panoplie de collaborations séduisantes, de clips audacieux et une signature chez Polydor – division de la major Universal Music.
Rétrospectivement, déjà en 2017, la tournure plus dansante de leur second album Make Make marque déjà la volonté du trio de renouer avec les synthés vintage et les boîtes à rythme, et c’est aujourd’hui que le groupe confirme sa volonté de tourner le dos à la pop pour prendre la direction du dancefloor. Plus question de faire de concessions : Camille, Emmanuel et Simon veulent faire bouger les foules avec leur touche rétro-futuriste.
Jabberwocky, rois du dancefloor
En 2018, le groupe pose ses valises à Paris et réorganise son studio. L’occasion de se lancer en total indépendance avec leur structure Fait-Maison Productions où sortent deux EP. En 2019, la première pierre à leur édifice italo-disco est un Maxi composé d’Italobingo et La Yara en featuring avec Elisa Jo, seule rescapée de leurs précédents coups d’éclat pop. Leur EP suivant composé de Robotonik et Under UFO est quant à lui uniquement instrumental.
Véritables capsules temporelles, les quatre titres flirtent avec la nostalgie d’une dolce vita éternelle, dont il nous tarde de tester l’efficacité sous la boule à facettes. Car oui, le disco risque de nous enterrer tous. Mais avant qu’on y arrive, on aura bien usé nos semelles avec Jabberwocky.
Marin : Salut tous les trois ! Vous vous êtes fait connaître en 2013 avec les sonorités pop de Photomaton. Quel a été le cheminement vers l’italo-disco ?
Jabberwocky : L’évolution s’est faite toute naturellement. Après deux albums plutôt orientés pop nous avions besoin de faire quelque chose de différent, c’était important pour nous de se renouveler et de surprendre. Déjà en live on éditait tous nos morceaux pour proposer quelque chose d’inédit et de clairement orienté dancefloor.
Parmi nos inspirations, la musique de club et l’italo-disco ont toujours été présents et nous avions envie d’aller plus franchement vers cet univers. Quand on a changé de studio, l’idée était de bouleverser notre façon de composer pour provoquer ce changement, en privilégiant les synthétiseurs vintages et les boîtes à rythme.
M. : Vous avez surpris tout le monde avec les sonorités rétro-futuristes d’Italobingo et La Yara. Si je vous donne les clefs de ma Delorean, quel est le collaborateur avec qui vous auriez aimé travailler dessus ?
J. : Si on pouvait revenir à l’époque, c’est vrai que ça aurait pu être cool de travailler avec des artistes comme Pino D’Angiò ou Patrizia Saroni, mais aussi des producteurs comme Casco, ou bien sûr Giorgio Moroder… Bien que ce dernier soit toujours dans le game. On emmènerait avec nous Julien Galner qui travaille avec nous depuis le deuxième album. C’est un grand fan de voitures, surtout si elles sont vintages. On pourrait se faire une belle virée ensemble (rires).
M. : Vous avez dit en interview que vous étiez producteurs parce que vous ne saviez pas chanter. L’absence de chanteurs sur les deux derniers titres est volontaire ?
J. : Ça fait sens avec notre démarche, on voulait s’écarter des formats où l’on avait nos habitudes. Se concentrer plus sur la musique oui, mais on n’écarte pas les voix pour autant. Sur La Yara par exemple, on cherchait un chant différent de nos précédents featurings, c’est pour ça qu’on a opté pour le chant brésilien d’Elisa Jo. Ce morceau est un peu la transition dans notre évolution. On continuera à utiliser des voix mais différemment.
M. : Le retour disco est très fort en ce moment avec Corine, Ambeyance, Dombrance, et bien sûr Giorgio Moroder. Vous sentez portés par cette vague ? Qu’est-ce que vous pensez du label Kwaidan Records ?
J. : La disco est indémodable ! Giorgio Moroder est un classique de nos playlists et on aime beaucoup les artistes que tu cites. On a justement sorti un remix pour Alex Rossi, qui est signé chez Kwaidan Records, pour son titre Tutto va bene quando facciamo l’amore. Après, même si on se sent proche de la disco, nos inspirations et références viennent surtout de ses enfants comme l’italo-disco ou la Hi NRG, qui étaient déjà plus électroniques avec pas mal de synthétiseurs, ou de choses plus modernes. La scène scandinave actuelle comme Todd Terje et Lindstrøm nous inspirent aussi beaucoup.
M. : J’ai un souvenir émerveillé de vos précédents clips : l’animation de Fog par Ugo Bienvenu & Kevin Manach, ou encore Pola avec Golshifteh Farahani. Si on prend les choses dans l’autre sens, pour quel film vous rêveriez de composer la BO ?
Simon : Un Nolan avec des extraterrestres en forme de Raies mantas.
Manu : Un film de Ridley Scott sur les Atlantes.
Camille : J’aime beaucoup les dystopies donc une adaptation de Brave New World (Le Meilleur des Mondes) au cinéma.
M. : Ma dernière question est la signature chez Arty Magazine. Quelle est votre définition d’un artiste ?
Simon : Quelqu’un qui crée des émotions qui font écho à celui qui les reçoit.
Manu : C’est celui qui travaille à faire exister au-delà des sens.
Camille : Un artiste, c’est quelqu’un qui arrive à faire ressentir quelque chose à travers une création. Ça peut être une émotion, une sensation, un état particulier, un souvenir, une envie… Même si souvent le ressenti est différent suivant les personnes, il est comme un appel pour rentrer (ou non) dans l’univers de l’artiste.