4 sorties à écouter cette semaine : RAC, I Break Horses, Alter Real, Difracto…
Fondateur et ex-rédacteur en chef d'Arty Magazine, le grand manitou…
Tu commences à connaître la rengaine : quelles sorties ne fallait-il pas louper cette semaine ? Alors qu’on retrouve le goût de la liberté dans les rues parisiennes, rares sont les artistes à tenter l’aventure de la sortie. On se contentera d’une sélection de quatre artistes pour cette semaine : RAC, I Break Horses, Alter Real et Difracto. Bienvenue dans la bande-son de notre déconfinement.
RAC – BOY (LP)
Notre morceau préféré : « Get A Life feat. Instupendo »
Le producteur André Allen Anjos (monsieur triple A) plus connu sous le sobriquet de RAC (celui qui fait mention au Rock Anti Communiste est viré) dévoile plus qu’un disque. Non, ici, c’est un album de photos-souvenirs où chaque morceau appelle à une ambiance qu’on a tous connue, ce genre de Madeleine de Proust universelle qui se savoure avec délice sur des arrangements pop house et un glaçage indie dance. Pour danser la cabriole avec Jamie Lidell sur Change The Story, trouver ton crush estival sur le feel-good Passion avec Louis The Child, prendre ta Delorean pour les années 80 sur Better Days avec St. Lucia, te voilà arrivé au paradis du développement d’émotions. OK, on regrette parfois que les chanteurs s’écrasent sous l’omniprésence mélodique, ne laissant que peu de place aux performances vocales et aux respirations salvatrices, si bien qu’on se surprend à plus valider la voix traînante et cabossée de l’outsider Instupendo sur Get A Life. Page après page, l’album déroule ses arguments dans le seul langage qui n’ait pas de frontières identifiées : la pop concoctée avec amour.
I Break Horses – Warnings (LP)
Notre morceau préféré : « Silence »
Un titre pareil pouvait laisser présager le pire. Mais si I Break Horses nous dit de faire gaffe, c’est que leur album Warnings est suffisamment précieux pour qu’on n’y prête pas attention. Après six années de création, ce disque fragile et intime mérite nos deux oreilles mélomanes pour en capturer l’essence magique. Déjà, c’est un survivant qui a failli ne jamais voir le jour : enregistrement dans différents studios, collaborations loupées, perte d’un disque dur avec les maquettes, pour tout reprendre à zéro à la maison. Ensuite, c’est accepter de se laisser porter par la voix de Maria Lindén et les productions expérimentales de Fredrik Balck, autrement dit de s’offrir un break rêveur à l’heure de la frénésie retrouvée. Il suffit de voir l’épopée d’ouverture Turn qui impose son tempo en neuf minutes. C’est une capsule en dehors du temps et de son temps : l’album n’est jamais politisé, ni vraiment pop. Il n’appartient qu’à lui-même, et c’est maintenant à nous de s’en saisir.
Alter Real – Blue Comet (EP)
Notre morceau préféré : « Everytime ft. Safe Travel & Heem Ze Loner »
Si tu as suivi notre matraquage autour de son EP Blue Comet, tu sais qu’Alter Real a quelques affinités avec l’espace. Plutôt deux fois qu’une : dans le clip sci-fi d’Everytime et sur la pochette de son EP. En tant que journaliste dévoué à la quête du bon mot, on pourrait être tenté de filer l’analogie entre musique et univers. À commencer par ses nappes vaporeuses et légères comme une balade sur la Lune, avant que ses kicks lourds et entraînants n’agissent comme un démarrage en vitesse-lumière. En vrai, on se priverait de dire l’essentiel : l’étendue technique du producteur se nourrit d’un matériau lui bien terrestre. Sur son hit Everytime où il fusionne les genres avec une facilité déconcertante, comme sur l’électro pop de Something Wrong et le hip-hop de Cyber Personality avec le rappeur ricain Illa J. Là, on peut parler de voyage référencé. Mais c’est encore mieux quand il rassemble ce que notre Planète Bleue a de mieux à proposer, non ?
Difracto – Inside (EP)
Notre morceau préféré : « Wood »
À l’image de Thems dont on diffusait récemment le live, Difracto fait partie de cette nouvelle génération de producteurs électro née dans le bouillonnement de Soundcloud. Ici, pas de parenté locale étiquetée « French Touch » avec les darons d’Ed Banger, mais une envie de s’ancrer dans les sons allemands de Moderat et australiens de Flume qu’il a dû bien poncer. On sent la passion du synthé rutilant avec Orac, du future beat avec Wood, de la pop vaporeuse avec Nira. On sent l’envie de ne pas s’enfermer tout court. En diggant, on a même trouvé un track à base de rouleau de scotch qui date de 2012. Finalement, c’est comme si le producteur avait dévié sciemment de sa trajectoire rectiligne, qui l’amenait vers la French Touch, pour définir les contours de son EP aux multiples rayons. Il paraît même que ça a un nom, ça s’appelle la diffraction.