« The Dream » d’Alt-J : le rêve avec un grand « D »
Apolline tire autant de satisfaction à écouter un (bon) freestyle…
Quatre ans déjà que Alt-J nous faisait languir, nous amenant à errer dans sa discographie jusqu’à ce que nouveauté vienne apporter (enfin) un peu de vent frais. Non sans ravissement, la planète indie rock a accueilli le nouveau projet d’un des joyaux de la couronne musicale britannique, The Dream, paru le 11 février dernier.
Depuis la sortie de son 3ème album Relaxer, le trio originaire de Leeds avait fait parler de lui en sortant une réédition de remixes, soutenue par un casting aussi prestigieux que varié – de Pusha T à Little Simz, en passant par Lomepal ou encore Rejjie Snow. Entre temps, Alt-J a aussi marqué l’histoire des innovations technologiques musicales, puisqu’en 2018 le groupe a cocréé un spectacle sonore à 360° avec le Forest Hills Stadium de New York. Pour la première fois, grâce à une configuration technique unique, chaque spectateur pouvait bénéficier d’une expérience sonore qui laissait l’impression qu’elle était spécifiquement pensée pour lui.
Pour amorcer son retour, Alt-J a dévoilé quatre singles depuis septembre, laissant présager l’imminence de son nouveau disque : Get Better, U&Me, Hard Drive Gold et The Actor. Les morceaux se sont succédés devant nos yeux, puisqu’ils étaient accompagnés de clips aux univers hétéroclites et décalés. À l’heure où beaucoup d’artistes préparent leur retour à grands coups d’opérations marketing, Alt-J choisit de revenir avec simplicité et sans artifice, à leur image.
Trois musiciens, mille variations musicales
L’album débute avec Bane, qui s’ouvre lui-même sur un sifflement de canette. On avale alors notre première gorgée du retour d’Alt-J, qui nous plonge immédiatement dans un flot discontinu de panaché musical, avec l’arrivée presque immédiate d’un chœur, martelant comme une ritournelle « I sold my soul, for a sip at school ».
Du récit satirique d’un adolescent investi dans les cryptomonnaies sur le titre Hard Drive Gold, à l’élan nostalgique porté par Losing My Mind, le groupe assoit une fois de plus son univers aussi complet que singulier, porté par des textes marquants et imagés. D’un titre à l’autre, l’atmosphère change parfois du tout au tout, quitte à se présenter dans le plus simple apparat avec l’a capella de Delta. La promenade alt-jienne promet d’être de longue haleine avec The Dream.
L’un des morceaux phare du projet est incarné par la magnifique ballade blues Get Better, abordant la perte de l’être aimé et la pandémie mondiale, avec la douceur et l’élégance de la plume si propre au groupe. « I still pretend you’re out of sight, in an other room smiling at your phone » chante Joe Newman, ce qui nous touche d’autant plus que groupe n’a pas habitude de se confier dans ses chansons. Cette frontière longtemps établie entre l’intimité des membres d’Alt-J et le public semble s’effriter au fur et à mesure que l’album livre ses secrets, avec des titres criants d’authenticité.
Alt-J, téléphone maison
Alt-J, c’est aujourd’hui la force tranquille, la sérénité de ceux qui ont retrouvé le plaisir de faire de la musique ensemble. Si certains peuvent reprocher au projet un goût de déjà-vu, on retrouve de notre côté avec délice les basses langoureuses et la voix murmurante de Joe Newman. Et si « la Terre est ronde pour une bonne raison », c’est sans doute pour la même que, face à une surabondance de sorties musicales, écouter le nouvel album d’Alt-J laisse le sentiment de à la maison après avoir fait le tour du monde. Alors, on laisse échapper un long soupir : un plaisir libérateur qui ne se refuse pas.