Mission Impossible 7 : Tom Cruise court toujours
Fondateur et ex-rédacteur en chef d'Arty Magazine, le grand manitou…
Septième opus d’une saga inépuisable, Dead Reckoning: partie 1 signe le retour en grâce de Tom Cruise dans le costume d’Ethan Hunt. Un blockbuster qui alterne entre vieilles marottes et nouvelles menaces.
Ethan Hunt et l’équipe du FMI doivent traquer une nouvelle arme terrifiante qui menace toute l’humanité si elle tombe entre de mauvaises mains. Avec le contrôle de l’avenir et le destin du monde en jeu, une course mortelle autour du globe commence. Confronté à un ennemi mystérieux et tout-puissant, Ethan est obligé de considérer que rien ne compte plus que la mission, pas même la vie de ceux qui lui tiennent le plus à cœur.
Le Buster Keaton des années 20
En 1996, quand Brian de Palma sort de derrière les fagots la franchise Mission : Impossible, alors cantonnée au statut de série d’espionnage culte mais un peu vieillote, personne ne s’attend à un tel carton financier et artistique. Quelques tours de maestria plus tard, à l’image du fameux braquage en lévitation d’une chambre forte de la CIA, le cinéaste réussit le tour de force de titiller James Bond sur ses platebandes. Surtout, il confirme la mise en orbite du nouveau chouchou d’Hollywood : Tom Cruise. C’était il y a presque 30 ans.
Mais à 61 ans, l’acteur a t-il encore assez de souffle pour jouer les danseurs de corde des salles obscures ? Propulsé nouveau roi du box office avec Top Gun : Maverick, qui a récolté une recette monstre de 1,5 milliard $ en 2022, Tom Cruise repousse toujours plus les limites de l’âge. Depuis l’arrivée de Christopher McQuarrie sur la licence avec Mission impossible : Rogue Nation en 2015, le suspense et la lenteur chirurgicaux de De Palma ont laissé place à de l’action tous azimuts, où Cruise défie constamment les lois de la gravité terrestre. C’est devenu une tradition : à chaque Mission impossible sa cascade jamais vue au cinéma. L’acteur se doit de tenir sa réputation de Buster Keaton des temps modernes.
Après un opus testostéroné qui avait placé la barre très haute (Mission impossible : Fallout en 2018), Cruise confirme qu’il assure toujours le spectacle avec Dead Reckoning : partie 1. Pas de rides mais plus de rixes. Pas de lenteurs mais toujours plus d’apesanteur. Et si l’on commence cette critique par le voltigeur Cruise, c’est qu’il est au cœur de ce que l’on attend d’un bon Mission impossible, à savoir nous couper la chique quand sa soixantaine devrait plutôt l’amener à se balancer sur un rocking chair. Mais quand l’acteur a les pieds dans le vide, c’est pour sauter d’une falaise en moto. La scène, dont on nous a longuement rabattu les oreilles au cours de la promotion, est étonnamment réussie avec son sens du suspense, du montage alterné, et des punchlines de son acolyte Simon Pegg. Suffisamment réussie en tout cas pour que notre bouche s’entrouvre.
C’est donc plutôt une bonne nouvelle, Cruise n’accuse pas le coup de l’âge. Et si Dorian Gray aurait quelques leçons à en tirer, le tableau de ce nouveau Mission impossible n’est pourtant pas aussi glorieux qu’il en a l’air. Son maître à sauter Buster Keaton aurait dû lui souffler que c’est bien beau de s’époumonner, encore faut-il avoir une destination en tête.
À bout de souffle
La saga, qui s’est toujours définie par des verbes d’action, s’essaie à une lecture méta du monde. Bref, de jouer dans la cour des intellos d’action. Une longue introduction verbeuse définit les enjeux de ce monde contemporain, où une IA constitue une nouvelle menace pour l’humanité. Cette alerte à la bombe 2.0 n’a quasi aucune incidence sur l’évolution du scénario – on espère qu’elle en aura davantage dans la partie 2, et s’incarne à travers un œil géant sur des écrans. Plus embêtant, il faut remonter en 1985 pour se rendre compte que James Cameron l’avait déjà théorisée dans Terminator avec Skynet. Avec 38 ans d’avance. Oups.
En définissant une menace actuelle, à l’heure des deepfakes et Big data, Mission impossible se cherche un second souffle. Or, ce qui nous plaisait dans la licence était sa capacité à ne jamais se justifier, allant trouver n’importe quel prétexte pour faire courir Ethan Hunt – tant que ladite menace pouvait perturber l’ordre du monde. Et cela, jusqu’à la plus grande désinvolture dans Mission impossible 3 de J.J. Abrams, qui avait recours au MacGuffin ultime de la « patte de lapin », dont on ne saura jamais ce qu’elle était.
Alors retournons à ce que sait le mieux faire Mission impossible : de l’action intelligente par son découpage, ses situations et sa narration. À Rome, Christopher McQuarrie nous sert l’une des courses-poursuites les plus mémorables de la saga, où tous les personnages se retrouvent successivement confrontés les uns aux autres, dans un immense bac à sable qui s’étend du Colisée au métro. Ethan Hunt qui fait un drift en Fiat 500 jaune, ça ne s’invente pas. Mais même dans ce tableau, jouissif pour sa débauche totale d’inventivité, on ne peut pas s’empêcher de voir la référence à Fast and Furious grosse comme un camion – ou plutôt comme un SUV-Tank dans lequel débarque une antagoniste.
Au dénouement final, c’est un train en chute libre qui évoque une séquence culte d’Uncharted 2. Plus tôt, on pensait à la séquence de Skyfall dans le métro londonien. Avant d’être à bout de souffle, Dead Reckoning : partie 1 semble surtout à bout d’idées. Ce qui ne l’empêche pas d’être un excellent divertissement qui nous sert son lot d’Ethan Hunt malmené, pour notre plus grand plaisir. Un Mission impossible un peu décevant pour les fans de la première heure, mais fidèle à sa promesse de super blockbuster contemporain.