Netflix : Faut-il voir « Da 5 Bloods » de Spike Lee ?
Défenseure activiste du Sun Spirit, proclamant à tue-tête qu’A stands…
Sorti le 12 juin sur Netflix, Da 5 Bloods raconte la guerre du Vietnam du point de vue afro-américain. Spike Lee signe son retour tant attendu deux ans après l’acclamé Blackkklansman.
Quatre hommes en colère et un trésor
Depuis plus de 30 ans, Spike Lee raconte l’histoire de la communauté noire aux États-Unis. Da 5 Bloods adopte le point de vue de quatre vétérans afro-américains qui retournent au Vietnam récupérer leur cinquième coéquipier, le « Blood » du titre, tombé au combat et enterré sur place. À ses côtés, une importante quantité d’or. Le film développe deux tonalités. D’un côté, l’histoire émouvante de ces soldats qui retournent sur des lieux traumatiques pour rendre hommage à leur frère d’arme. Leur but : ramener la dépouille à sa famille restée aux États-Unis. De l’autre, on découvre l’effet comique de quatre hommes d’un certain âge revivant leurs exploits d’antan, se prenant pour des mercenaires à la recherche du pactole, mais avec des problèmes de hanches, de dos… Et de forts caractères.
Quand la fiction se mêle au réel
Dès les premières minutes du film, Spike Lee étaye son propos avec des images d’archives mélangées à des images tournées. À certains moments, le parti-pris est un peu lourd, inégal, avec des tunnels de dialogues et la confusion que cela peut engendrer chez le spectateur. La majorité du temps, c’est au contraire un vrai atout pour le film. Cette ambivalence permet d’ancrer la fiction dans le réel, et de renforcer les émotions des scènes par les faits historiques. Même si ce n’est pas toujours parfaitement réussi, cette narration nous plonge de manière immersive dans une histoire complexe et importante, surtout dans le contexte actuel.
Une réalisation expérimentale au service du propos
Spike Lee n’hésite pas à proposer une réalisation à la frontière de l’expérimental avec plusieurs étalonnages, ratios d’image et habillages visuels. Cette liberté qu’il s’offre nous aide à adhérer plus naturellement au concept de mélange entre documentaire et fiction. La musique et le montage jouent également un rôle très important dans la structure du film qui oscille entre deux tons différents. C’est parfois un thriller jouissif à la bande originale spectaculaire – par exemple lorsqu’il rend hommage à Apocalypse Now avec l’emploi de la « Chevauchée des Walkyries » de Richard Wagner. D’autres fois, c’est un film qui flirte avec la comédie en s’amusant du décalage entre le montage et la bande sonore. L’objet final est innovant et très agréable.
Un film en écho avec l’actualité
Le film a surtout recours à l’intrigue pour parler de la condition des soldats afro-américains pendant la guerre du Vietnam : traités comme de la chair à canon et manipulés psychologiquement. On revit notamment leur douleur et leur incompréhension à l’annonce de la mort de Martin Luther-King. Spike Lee parle de ces discriminations en tissant des liens avec celles d’hier et d’aujourd’hui : ce que ressentent les soldats afro-américains après la guerre du Vietman, ceux qui ont réussi à trouver la paix, ceux qui en souffrent tellement qu’ils en viennent à porter des casquettes « Make America Great again ». Mais aussi ce que ressentent les Vietnamiens, leurs descendants et ceux qui ont vécu la guerre, comme les femmes prostituées qui ont eu des relations avec les soldats et qui ont été traitées ensuite comme des pestiférées. La réalisateur américain contrebalance avec un point de vue plus léger sur la place des français dans le conflit. Le film résonne fortement avec la situation actuelle, comme les manifestations contre les violences raciales du mouvement « Black Lives Matter ». Pour résumer, Da 5 Bloods multiplie les nuances et les points de vue en 2H30 de film.