Home Ciné #25 : « First Reformed », l’hommage de Schrader à Bresson
En attendant de s’installer en Islande entourée de ses films…
Pendant toute la durée du semi-confinement et des salles fermées, Arty Magazine te propose ses Home Ciné, un lieu convivial où nos rédacteurs et journalistes présentent leurs films préférés.
La rubrique Home Ciné, c’est l’occasion de revoir les films que nos rédacteurs ont découvert à 6 ans, ceux qui les ont consolés suite à leur première rupture amoureuse, ou qu’ils dévorent avec un paquet de chips chaque dimanche soir depuis dix ans… Bref, tous ces films de leur vie qu’ils souhaiteraient te faire découvrir, là, maintenant.
Aujourd’hui, Alma-Lïa nous présente First Reformed, de Paul Schrader, 2017.
Un hommage libre et intimiste
Réécriture libre du Journal d’un curé de campagne de Robert Bresson, que le cinéaste admire tant, Paul Schrader (scénariste de Taxi Driver, Obsession ou encore Raging Bull) réalise ici un film qu’il considère être l’accomplissement de sa carrière et qui est, selon lui, le meilleur film de la décennie (il n’est pas loin d’avoir raison).
Toller, prêtre alcoolique interprété par Ethan Hawke, écrit dans son journal, au jour le jour, ses réflexions sur l’église, sur ses rencontres, et sur le monde qui l’entoure. Le film, profondément intimiste de par cette forme subjective, nous plonge dans la pensée obsessionnelle et dépressive de ce prêtre, écorché vif par la vie. Alors commence le récit d’un descente aux enfers, comme Schrader sait si bien les écrire. Et, dans une Amérique toujours plus puritaine et hypocrite, la remise en cause de la foi, la détresse et les démons de Toller résonnent ici avec la catastrophe écologique dont il prend peu à peu conscience.
Un cri d’espoir intense et bouleversant
De plus, c’est un film dont on ressort bouleversé, submergé. Les problématiques que le cinéaste soulève sont retranscrites à échelle humaine ; celles de l’impuissance, celles de l’incompréhension face aux monde, ou encore celles de la colère qui peut nous assaillir face à un quotidien qui part en vrille. Ethan Hawke propose ici une interprétation sans faute, en esquissant le portrait d’une vulnérabilité palpable, et d’une colère qui ne peut que résonner en chacun de nous. Enfin, le film se démarque par la qualité de ses images, qui alternent entre des décors épurés et le chaos des décharges industrielles. En effet, avec ce film, Schrader se libère esthétiquement et s’amuse à repousser les limites de l’image, sans avoir peur, par exemple, d’incrustations numériques au milieu de décors bressoniens.
Entre l’hommage cinématographique, le militantisme écologique et l’émotion à l’état brut, Schrader propose ici un film vibrant d’actualité et bouleversant, qui secoue jusque dans les tripes avec ce cri de désespoir d’un homme complètement perdu face à un monde détruit, face au deuil et face à la solitude. Mais là où la douleur résonne, Schrader propose aussi, en écho, un cri d’espoir, tout aussi intense et tout aussi poignant.