« Haut les filles » : le documentaire de François Armanet sur la révolution rock féminine
Fondateur et ex-rédacteur en chef d'Arty Magazine, le grand manitou…
Le journaliste François Armanet revient sur soixante ans de rock français au féminin entre témoignages, images d’archive, et captations de concert. Qui a dit que le rock était une histoire de mecs ?
Le casting laisse rêveur : Jeanne Added, Lou Doillon, Charlotte Gainsbourg, Imany, ou encore Jehnny Beth. Présentées les unes après les autres, les rockeuses sont mises en scène dans des captations live avant de se poser face caméra pour répondre aux questions de François Armanet. Les interviews permettent de brasser un large rayon de sujets : de leur définition du rock à leur rapport au féminisme. Le dispositif, pas vraiment novateur, est cependant magnifié par la personnalité des filles et la réalisation haut de gamme.
François Armanet remonte le temps des années 60 à nos jours, amenant cette idée qu’Edith Piaf a posé en première les bases de l’émancipation rock. C’est aussi l’occasion de recontextualiser la naissance des premières icônes féminines, qui de poupées interprètes manipulées par leurs homologues masculins, s’affranchissent peu à peu du patriarcat pour gagner en indépendance. Les témoignages de François Hardy et de la brute de décoffrage Brigitte Fontaine sont de purs moments de kiff.
Dans les premières minutes, la prestation live de Jehnny Beth nous cloue au siège de sauvagerie maîtrisée, à la fois androgyne, puissante, et terriblement sexy. Le meilleur moyen de battre en brèche les idées reçues. Coup de cœur également pour la confidence d’Imany sur sa personnalité de garçon manqué, et sa célèbre voix rauque longtemps qualifiée de « voix d’ogre ». Et enfin, les rires dans la salle pour Brigitte Fontaine ne trompent pas : la signataire du manifeste des salopes nous dévoile son futur morceau où elle chante « À bas le sexe fort, à mort, à mort, à mort ». Inimitable.
Le documentaire se destine clairement aux aficionados du rock français tout en ayant l’intelligence de rester didactique. On regrette que des icônes de la nouvelle scène française comme Christine and the Queens, Clara Luciani ou encore Yelle n’apparaissent pas – la première est évoquée en filigrane. Si on ne boude pas notre plaisir devant Haut les filles, notre reproche principal serait que François Armanet adopte un dispositif télévisuel très sage, qui tranche avec la révolution menée par les filles. Le réalisateur aurait gagné à fondre son image dans l’énergie rock… Pour porter encore plus fort ce discours essentiel.