« Helmut Newton, l’effronté » se dévoile dans un documentaire d’exception
Depuis qu’elle a pleuré de rire devant Charlot essayant de…
Le photographe le plus controversé du 20ème siècle se dévoile dans un documentaire légèrement convenu, mais qui rend un bel hommage à un artiste somme toute d’exception. Pour les retardataires, voici Helmut Newton, l’effronté.
Le titre du documentaire du réalisateur Gero von Boehm, Helmut Newton : The Bad and The Beautiful, n’est pas sans rappeler la célèbre phrase qu’utilisait le photographe pour parler de son travail « the famous and the infamous ». Projeté en avant-première au festival de Tribeca, le film nous invite à découvrir l’un des artistes les plus talentueux et subversifs de la seconde moitié du 20ème siècle, rendu célèbre pour ses clichés reconnaissables entre mille et ses modèles féminins triés sur le volet. Femmes nues, à la fois fortes, sexualisées et objectifiées, ce sont elles qui, cette fois, dressent le portrait du mauvais garçon de la photographie.
Parole aux femmes
Gero von Boehm donne la parole aux femmes de la vie d’Helmut Newton, et tout d’abord à son épouse June Newton qui l’accompagna partout. À travers certaines interviews, il est possible de sentir la grande influence qu’elle a eu sur son œuvre, mais surtout avec quelle poigne elle structura la vie et la carrière son mari. Ensuite, le réalisateur fait la part belle à celles qui ont posées pour lui : Charlotte Rampling, Isabella Rossellini, Sylvia Gobbel, Anna Wintour, Grace Jones, Claudia Schiffer, Marianne Faithfull ou encore Hanna Schygulla… Toutes parlent de l’artiste avec la même chaleur, évoquant des anecdotes de plateau ou des moments plus drôles comme c’est le cas pour Anna Wintour qui, terrorisée par l’aura du photographe, préféra se faire porter pâle plutôt que de se retrouver sur un plateau avec lui. Quelques années plus tard, elle porte un regard très différent sur celui qu’elle désigne comme une sorte de grand enfant qui aimait à jouer « à la poupée ».
La première moitié du documentaire s’attache à présenter les plus grands clichés d’Helmut Newton, parfois même à les défendre car le photographe provoqua de nombreuses controverses, que ce soit pour le shooting High and Mighty de Vogue où il mit en scène Nadja Auermann en fauteuil roulant ou encore la couverture de Grace Jones enchaînée qui déclencha des manifestations. Cependant, ces sujets sont vites balayés par les modèles en question et le film peine un peu à prendre son envol. Seule peut-être la séquence de télévision où Susan Sontag, essayiste, tient tête à Helmut Newton, permet de ramener un peu de nuance dans le propos du film.
La complexité derrière l’image
En comparaison, la deuxième moitié du documentaire est plus intéressante car elle creuse plus profondément le portrait de l’homme derrière l’appareil photo. De son enfance de jeune enfant juif au milieu d’une Allemagne nazie, au voyage qui le conduit en Australie, Helmut Newton se dévoile comme un homme plus complexe. Les histoires qu’il raconte à travers ses photographies trouvent leurs racines dans des souvenirs et des influences diverses. Malgré les années et le succès, Helmut Newton ne s’est jamais coupé du réel qu’il aimait à réinterpréter comme il l’entendait. Il cherchait son inspiration partout, des États-Unis à Paris, mais aussi et surtout à Berlin où il retourna toute au long de sa vie. Il y fit de nombreuses photographies notamment avec la modèle Hanna Schygulla. Ses interviews sont très touchantes, très objectives sur ce que Helmut Newton voyait en elle, n’hésitant pas à dire qu’elle représentait sans doute pour lui l’obsession de la bonne.
Dans son ensemble, le documentaire donne pourtant une impression d’un film relativement consensuel. Les controverses qui entourent aujourd’hui le travail d’Helmut Newton et la volonté pour certains de voir quelques œuvres censurées sont des sujets abordés, mais de façon si expéditive qu’il est difficile pour le spectateur de se faire un avis éclairé. Le film reste un bon point de départ pour celles et ceux qui voudraient découvrir le travail d’Helmut Newton, un véritable artiste qui comme le souligne Anna Wintour, adorait justement qu’on parle de lui… En bien certes, mais surtout en mal.