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Interview : Chéri, popstar de la nuit

Interview : Chéri, popstar de la nuit

Manon Sage

Chéri, c’est un mélange de pop, d’électro, de racines espagnoles, de chanson française et d’urbanité. Aujourd’hui, Chéri sort son second EP, Cheripop, un disque qui nous entraîne dans les limbes de la fête, des clubs, des néons, et des identités singulières qui s’y retrouvent.

Après dix années sans chanter, Chéri affirme son identité et ses valeurs avec son second EP, Cheripop. Un huit titres que l’on écoute en ondulant son corps, en s’ouvrant au monde et en pleurant parfois – le cœur brisé mais toujours combatif. Il s’est accompagné de grands noms pour la réalisation de ce mini-album, parmi lesquels Joanna, Lord Esperanza, Kalika, ou encore de talentueux hommes de studio tels que Nino Vella, Valentin Marso et Balthazar Picard.

Chéri s’impose déjà sur la grande scène de la pop alternative française, avec son esthétique et sa musicalité propres. On rencontre l’artiste qui nous présente les 8 titres de son EP, Cheripop, pour une interview morceau après morceau. De quoi donner lieu à quelques confidences et secrets.

Manon : Salut Chéri ! On te retrouve aujourd’hui pour une interview « track by track », où l’on découvre avec toi chaque morceau de ton EP Cheripop. Le titre d’ouverture est Je vais rester, c’est un titre assez nostalgique, vulnérable, pourquoi ce choix ?

Chéri : C’est pour tout le storytelling de la chanson. C’est un morceau très important pour moi, je l’aime beaucoup. Je l’ai écrit dans un contexte compliqué de ma vie personnelle et professionnelle : pendant un coup de fil à l’un de mes managers, Arthur Sachel, je me suis effondré et je lui ai dit que je voulais faire une pause. Il m’a conseillé de me reposer et d’aller en session d’enregistrement le lendemain, ce que j’ai fait. J’ai rencontré un nouveau producteur, Kaonefy, avec qui j’ai fait Je vais rester.

M. : Comment l’a pris ton manager, Arthur Sachel ?

C. : Arthur a trouvé ça assez drôle le nom de la chanson ! En dehors de ça, Je vais rester raconte tout ce qui a pu se passer dans ma vie pendant le processus de création de l’EP. C’était important qu’elle apparaisse en premier.

M. : Elle semble permettre une continuité avec ton précédent EP, Pour te Toucher, aussi bien dans les sonorités que dans les paroles, c’est ce que tu recherchais ?

C. : Il y a une vraie continuité et une transition avec Cheripop. Je trouve quand même qu’elle a un peu de folie. C’est la chanson la plus étrange de l’EP, la plus diversifiée dans sa musicalité.

M. : On retrouve aussi dans cette chanson les trois langues présentes sur l’album : l’espagnol, l’anglais et le français. C’était important d’emmener cela dès le premier titre ?

C. : C’est drôle, je n’y ai pas réfléchi. Il y a des occurrences inconscientes parfois, peut-être que c’est le cas ici.

M. : Ta première phrase « J’ai comme l’envie d’être en vie » est un symbole de liberté et d’ouverture. Est-ce que tu voulais pour cette première chanson ?

C. : C’est ce que je voulais pour tout l’EP. J’ai créé Cheripop pour moi, mais aussi pour tous les gens qui me ressemblent. Dans ma communauté, on n’est pas toujours libres d’être qui l’on est, parfois on a peur. Les lieux où l’on se sent libres et heureux, ce sont souvent des espaces de fête. Je n’oublierai jamais le premier endroit où je me suis senti safe, libre, vraiment moi. J’ai voulu amener cela avec cet EP, apporter l’envie d’être en vie, d’être soi-même.

M. : Cette liberté passe par la musique pour toi, après un long moment où tu as dû arrêter de chanter pour protéger ta voix (suite à une infection des cordes vocales à l’adolescence) ?

C. : Exactement. L’envie de vivre et d’être ouvert à toutes les expériences est venue de là. J’accepte les choses, car malgré les difficultés, elles vont bien passer.

Chéri avant son concert au Pop-Up du Label © Manon Sage
M. : Le second morceau porte le nom de ton EP, Cheripop, on y retrouve aussi ton nom d’artiste. Pourquoi cette carte d’identité ?

C. : C’est le titre d’un roman de Colette qui parle d’un amour impossible, entre une courtisane qui a déjà un certain âge et un jeune noble. Ils tombent fous amoureux, mais leur relation ne peut pas exister. Quand j’ai commencé à écrire cet EP, je venais de sortir d’une histoire d’amour un peu impossible, j’avais ce livre sur ma table de chevet. Quand mon regard est tombé dessus, je me suis renommé sur tous les réseaux.

M. : C’est une chanson très clubbing, qui nous entraîne dans l’effervescence de la nuit et ses néons lumineux. Que représente ce morceau pour toi ? Il semble marquer une vraie transition entre le précédent EP, Pour te Toucher ?

C. : Oui, je voulais que cette chanson face le point, c’est pour ça qu’on l’a sorti en EP. C’est un EP de danse, de club, d’espoir.

M. : Il représente quoi ce morceau pour toi ?

C. : Tout. C’est l’essence de ce projet, c’est la liberté artistique. Le jour où je l’ai fait, j’ai décidé de ne pas être conforme avec ce qui fonctionne. J’avais soit le choix de m’ouvrir et peut-être passer à la radio, soit faire ce que je voulais faire, du bizarre, qui ne passe pas encore à la radio. Finalement, j’ai écrit Cheripop.

M. : Comment as-tu écrit cette chanson ?

C. : C’était la première fois que je rencontrais Sutus (ndlr, producteur du morceau). On n’a pas réfléchi, on a écouté des sons que l’on aimait bien actuellement, puis il s’est lancé dans cette ligne de basse et c’est venu. Sur cet EP, toutes les chansons ont été faites très vite, en 4h de session, on avait des trames complètes presque à chaque fois. La fluidité fait peut-être la qualité.

M. : Torrent de Larmes est la troisième chanson de cet EP, il s’agit d’un titre en featuring avec Joanna. Quel souvenir gardes-tu de cette collaboration ?

C. : Je voulais travailler depuis longtemps avec Joanna, je suis un vrai fan. On n’arrivait pas à se caler de rencontre, jusqu’au jour où on a tous les deux été invités par Kalika pour chanter nos duos respectifs à la Maroquinerie. Ce jour-là, on a décidé que l’on devait vraiment faire un featuring ensemble. On s’est retrouvé en studio deux semaines plus tard avec Nino (Vella), tous les trois dans des périodes de nos vies difficiles sentimentalement. La tristesse était latente, et finalement, le sujet choisi : le fait qu’on n’arrête pas de pleurer ces jours-ci (rires). On a donc décidé de parler et des larmes, et c’est venu tout seul. On a commencé à 15h et à 19h, on avait la chanson. Cet après-midi là était un vrai moment de grâce.

M. : Que raconte cette chanson ?

C. : Elle parle de cœurs brisés, des larmes qui coulent par tristesse, de se faire écraser le cœur par ceux qui ne sont pas très bienveillants. Joanna et moi, on est des âmes mélancoliques.

M. : Bonne transition avec Relève-moi. C’est une chanson qui traite de rupture, et qui paraît assez sombre : « J’ai la trace de ton manque d’amour » écris-tu. Quel a été son processus d’écriture ?

C. : Tu vois, c’est toi qui me fais remarquer cet ordre de chansons, ce sont des occurrences inconscientes. Évidemment, après le coeur brisé, il y a Relève-moi. Le processus créatif de cette chanson est plutôt drôle : je ne connaissais pas du tout Valentin Marceau et c’est lui qui est venu à moi. J’ai fait un showcase, il était là, et il est venu me trouver en me disant qu’il venait de prendre une grosse claque, qu’il n’avait pas l’habitude de travailler des projets comme le mien, mais que ça lui plairait de collaborer. On s’est retrouvé chez lui en studio, un dimanche pluvieux où l’on était tous les deux malades, et pourtant le travail a été très fluide.

M. : Pourquoi as-tu écrit cette chanson ?

C. : C’est une chanson importante, où je parle pour la première fois d’une relation amoureuse sans être en colère contre la personne concernée. Je parle d’un instant de ma vie qui a duré peu de temps, mais qui est arrivée juste après une relation toxique. Il fait partie de ces gens qui entrent dans ta vie et se sauvent d’une certaine manière, ces gens qui te font du bien et auquel toi, tu fais un peu du mal, car tu les blesses pendant qu’ils te relèvent. Cette chanson est un hommage à cette personne.

M. : Elle semble en quelque sorte marquer la fin d’une période, panser les blessures en mettant des mots sur les maux ?

C. : Tout à fait, elle ferme le chapitre. Elle est en deux parties avec un premier couplet qui dit « Relève-moi » et un second où je lui demande après s’être quittés « M’as-tu seulement regardé m’en aller ? ». Je savais que je l’avais mis très en colère. Aujourd’hui, on est toujours amis et je sais qu’on s’est principalement fait du bien. On n’en garde que du positif.

M. : Lord Esperanza vient apporter de nouvelles sonorités à cet EP sur le titre Tornade. Comment s’est passée votre rencontre ?

C. : On se connaît via Nino Vella qui travaille beaucoup sur mes chansons. Nino lui faisait écouter mes chansons, c’est devenu un soutien de la première heure, et il a laissé l’idée que l’on pourrait faire un titre ensemble. Je me sentais tout petit, je n’avais rien sorti encore. À la fin de mon concert au Pop-Up du Label, il est venu me proposer une session studio dès la semaine suivante. Tout a été très fluide mais la question qui s’est posée était le thème : on n’a pas la même expérience de la vie tous les deux. Par contre, une chose nous relie : le sentiment d’écart, de bizarrerie et donc de normalité.

M. : Mi Feminidad est le sixième titre de l’EP, entièrement en espagnol et français, aux fortes sonorités hispaniques. Tu y répètes « Mi Feminidad » tout comme dans Je vais rester tu annonçais être « un pop boy, une pop girl, un pop queer ». C’était important de présenter ton identité dans cet EP ?

C. : Mi Feminidad est ma chanson la plus politique, parce que j’estime que les problématiques de société sont comme des mille-feuilles. Pour moi, l’homophobie dont j’ai pu être victime est l’une des conséquences de la misogynie. Ce qu’on m’a beaucoup reproché dans mon enfance et mon adolescence, c’est ma féminité. Je me suis rendu compte que d’une manière inconsciente, j’ai joué un personnage plus masculin qui n’était pas moi et que j’essaie de déconstruire depuis des années. J’ai voulu écrire là-dessus, car ça me met en colère d’évoluer dans une société qui n’aime pas les femmes et la féminité chez les hommes. Dans cette chanson, je dis aux gens de se montrer tels qu’ils sont. On ne doit pas demander la permission pour notre liberté.

M. : Avant-dernier titre, J’ai pris la fuite en duo avec Kalika. Je crois savoir que cette collaboration est fruit d’un joyeux hasard ?

C. : Absolument ! Ce titre n’était pas prévu, on avait déjà enregistré un featuring avec Kalika qui sortira un jour. Quand j’ai enregistré J’ai pris la fuite, j’étais en studio avec Balthazar Picard avec qui elle travaille aussi, et elle était dans un autre studio à côté. J’avais du mal sur le refrain de la chanson que je devais faire seul, alors je lui ai demandé un peu d’aide.

M. : Et ça a pris ?

C. : J’ai adoré, sa voix se mariait parfaitement avec le couplet que je venais de poser. Elle m’a demandé si ça se faisait de faire deux featurings et finalement, on s’est lancé comme ça. On a gardé ce titre pour l’EP non par préférence, mais parce qu’il trouve mieux sa place au milieu des autres titres.

M. : On peut en savoir plus sur ce second featuring ?

C. : Oui, il s’appelle Seul dans le noir, il arrive bientôt !

Chéri, dans les coulisses son concert au Pop-Up du Label – © Manon Sage
M. : J’veux Feel clôt cet EP, tu y portes des mots rassurants « Ça va aller / je suis là si tu as besoin ». À qui ces mots sont-ils destinés ?

C. : Le thème global de cette chanson est une lettre à l’enfant que j’étais, ces mots sont donc pour lui. Toutes mes chansons racontent des expériences personnelles, mais visent à aider d’autres personnes. Alors que ces paroles m’étaient destinées pendant un temps, et parleront désormais à mon public. Les morceaux ne nous appartiennent plus une fois qu’ils sont sortis.

Chéri en concert

Les Étoiles, 61 Rue du Château d’Eau, 75010 Paris
Mercredi 29 novembre à 19h00
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Son EP Portamento est à écouter sur Spotify.

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