Interview : Le dessous des cartes de Claire Fanjul
Fondateur et ex-rédacteur en chef d'Arty Magazine, le grand manitou…
En partenariat avec EasyClap.
Exposée régulièrement à Paris, New-York et Bruxelles, Claire Fanjul donne vie à des mondes imaginaires à l’encre de Chine et au marqueur Posca. On part découvrir le dessous de ses cartes.
Ce qui fascine d’emblée chez Claire Fanjul relève de la technique pure. Une sensation de cohérence créative que sa maîtrise hors-pair de l’encre de Chine et du marqueur Posca sert parfaitement. Nos yeux serpentent ensuite de sentiers en cités pour s’accrocher aux détails, plus particulièrement à ses bestiaires fantastiques qui peuplent des continents inexplorés. On pense au pouvoir de l’imaginaire des explorateurs du Moyen-Âge. Sauf qu’aujourd’hui les contes et légendes n’ont plus leur part dans un monde où tout a été cartographié, recensé et documenté. On se sent l’âme d’un Marco Polo ou d’un Christophe Colomb qui navigueraient entre les deux eaux du fantasme et de l’Histoire.
Des œufs d’autruche, des crânes en céramique et des carrés de soie
Passionnée de gravure, Claire aime particulièrement créer sur papier pour la liberté qu’il offre, mais se porte aussi sur des objets en trois dimensions comme des œufs d’autruche, des crânes en céramique et des pièces de mobilier. L’une de ses dernières séries intitulée Utopia a été réalisée sur des sphères de tilleul massif avant d’être exposée à la Halle Saint-Pierre en 2019. L’artiste a aussi réalisé des commandes pour le Bureau du Fooding et dessiné sur du mobilier design dans le cadre d’une vente caritative pour l’association La Source, fondée par G. Garouste. Mais plus que toute autre, sa collaboration récente avec Hermès pour le Carré de soie « La Folle Parade » reste la plus emblématique. Ça tombe bien, elle nous en parle dans son interview.
Marin : Hello Claire. Quelle serait la couleur de ton mood au moment où on se parle ?
Claire Fanjul : Je dirais plutôt encre de Chine noire sur papier blanc, je suis dans une période intensive de dessin à la plume.
M.Aux Grandes Femmes, Claire Fanjul reconnaissante : qui invites-tu, dans ton Panthéon personnel ?
C.F. Je pense d’abord à la reine-pharaon Hatchepsout. J’envisage de travailler sur le thème de son expédition au pays de Pount (lieu que j’imagine comme un eldorado). J’aimerais aussi convier la créatrice de mode extravagante Elsa Schiaparelli et Billie Holiday pour l’écouter chanter.
M. J’ai découvert ton travail avec tes cartographies imaginaires. Où vas-tu chercher toute cette inspiration ?
C.F. : Je mélange des iconographies anciennes de cartes de conquistadors où j’accumule des éléments de la culture actuelle – logos de marques intégrés dans des blasons médiévaux, objets de la société de consommation collectés dans des catalogues publicitaires… J’y ajoute un bestiaire fantastique, des objets symboliques et des typographies imaginaires pour compléter ces territoires fantasmés.
M. Tu travailles également sur des supports en trois dimensions tels que des œufs d’autruches et des crânes en céramique. Qu’est-ce que ça change dans ton approche créative ?
C.F. : C’est la matière, la texture et la forme des supports qui vont m’inspirer différents thèmes. Les œufs d’autruches sont précieux, délicats et avec un grain naturel. J’y dessine un bestiaire, des formes organiques ou encore des bactéries. Sur les crânes, j’aborde le thème de la dysmorphophobie – une maladie qui reflète bien notre société actuelle – et plus récemment celui des Yōkai. J’ai aussi démarré une série de crânes de femmes célèbres qui ont marqué l’art ou l’histoire.
M. Plus récemment, t’as collaboré avec Hermès pour créer un Carré de soie intitulé La Folle Parade. Quelle était l’intention de départ de ce projet ?
C.F. : C’est un projet que j’ai développé avec l’équipe du Studio dessin d’Hermès qui, à partir de mon univers graphique très personnel, m’a guidé pour imaginer ce char de carnaval fantastique et excentrique. Ma marque de fabrique c’est l’accumulation d’éléments, comme une boite remplie de jouets et de créatures qui s’animent et batifolent.
M. Pour finir, tu n’échappes pas à la question signature chez Arty Paris. Quelle est ta définition d’un artiste ?
C.F. : C’est quelqu’un qui invente une ligne directrice très personnelle et qui s’impose des contraintes techniques pour produire un travail s’inscrivant dans la durée. Son travail fait sens au fil du temps. L’artiste poursuit son délire et son projet comme une nécessité, car ils sont indispensables à sa vie et à son bonheur.