Grande amatrice de vin rouge et de comédies romantiques, Zoé…
Il y a près d’un mois, pour la Saint-Valentin, Pi Ja Ma nous a offert « bien plus qu’un cadeau » avec son single Bisou, une douceur qui a rempli nos cœurs gélatineux d’amour fou.
En 2019, le duo porté par Axel Concato et Pauline de Tarragon dévoilait son premier album Nice To Meet U. Un opus à la fois tendre, mélancolique mais surtout très décalé. Pi Ja Ma nous a offert un Bisou le 12 février de cette année, prémisse d’un second album qui, on l’espère, sera encore plus déjanté que le précédent. Nous avons eu l’occasion d’en discuter avec Pauline, toujours entre deux écrans, comme l’impose la période.
Zoé : Hello Pauline, comment vas-tu en cette drôle de période ?
Pauline : Ça va plutôt bien. Je me considère chanceuse parce que déjà je suis autorisée à sortir mon single, ce qui est quand même un sacré coup de boost en tant qu’artiste de juste pouvoir sortir de la musique en ces temps de pandémie, c’est le feu ! Si je n’avais pas pu le faire, je me sentirais découragée, je me serais dit « change de métier » (même si j’en fais déjà trois donc ça aurait été compliqué de trouver autre chose).
Mais voilà, je me dis que malgré tout, en tant qu’artiste on est quand même des gens d’intérieur, et le fait qu’on ait été bloqué chez nous autant de temps m’a permis de me concentrer sur l’apprentissage : écrire des chansons, composer, jouer de la guitare, etc. J’essaie de me plaindre le moins possible, même si ce n’est pas forcément ma nature première en tant que bonne française (rires). Enfin bref, à part le fait qu’on vient de me retirer mes 4 dents de sagesse, ça va.
Z. : Tu as sorti ton premier album Nice To Meet U en 2019, peux-tu nous raconter ce qu’il s’est passé depuis ?
P. : Alors ma vie depuis a été un chaos ! (Rires). Il s’est passé beaucoup de choses, cet album m’a permis de comprendre que j’avais vraiment envie de faire de la musique parce qu’à l’origine, je doutais et me laissais un peu porter par le projet. J’aimais surtout dessiner et la musique était plutôt secondaire. C’est au fur à mesure des concerts que j’ai pris confiance mais je sentais que je voulais aller plus loin encore et m’essayer à la composition : l’écriture est vraiment devenue ma passion, j’adore ça et depuis Nice To Meet U, j’ai compris que ce n’était pas qu’un passe-temps réservé à une certaine élite et que d’écrire et ça demandait juste un peu de courage.
Z. : Quand est arrivé Bisou ?
P. : Bisou est l’une de mes premières compos, j’ai commencé à la travailler avec Axel (ndlr : seconde moitié de Pi Ja Ma), tout en assumant davantage mes idées, j’ai vraiment pris les rênes du projet.
Z. : Et avant ?
P. : Avant ça, il y a eu un ou deux ans d’expérimentation où j’étais comme une folle à toucher tous les instruments, faire des maquettes sur Garage Band, qui au début, étaient un carnage total pour finalement commencer à ressembler à quelque chose. La grande nouveauté, je dirais que c’est mon implication !
Z. : Pour les plus curieux, tu nous parlerais de ta rencontre avec Axel (seconde moitié de Pi Ja Ma) et de ta volonté de jouer ensemble ?
P. : C’était en 2017. J’avais participé à la Nouvelle Star et Axel avait vu une vidéo de moi sur Internet puis m’avait contactée par mail en m’expliquant qu’il écrivait des chansons qu’il ne souhaitait pas chanter. C’était le deal idéal pour moi, qui initialement, ne souhaitait qu’interpréter. Quelqu’un m’apportait de belles chansons sur un plateau et pendant un temps, on a fonctionné comme ça : il composait et j’interprétais. Je m’occupais davantage de l’image, des clips, des pochettes, etc.
Z. : Et Axel ?
P. : Axel fait de la musique depuis plus de 20 ans et l’aborde de manière très carrée, il joue notamment de tous les instruments. Alors que moi, j’ai commencé il y a environ 5 ans, mon approche est plus intuitive et animale. On se complète bien, il peut parfois passer genre 15h sur un son de batterie, alors que moi, je vais arriver avec mes gros sabots et lui dire « non, il faut prendre ce son-là… et d’ailleurs on change de chanson » (rires). On est encore en train de réfléchir à comment se présenter sur scène, pour le moment, tout est un peu improvisé. Mais ça fait du bien aussi, cette spontanéité.
Z. : Tu as récemment collaboré avec plusieurs artistes (TRENTE, Fantastic Mister Zguy, Refuge). Comment sont nées ces collaborations ?
P. : Avec TRENTE (Hugo Pillard), Fantastic Mister Zguy et Refuge, ce sont des démarches plutôt amicales, ça s’est un peu fait pendant le confinement, où on s’envoyait des choses sur Instagram. Dès que l’un a besoin d’une voix ou l’autre d’une guitare, on s’entraide. Qui plus est, Hugo Pillard a réalisé le clip de Bisou, on forme une équipe ensemble. Avant je n’avais pas ces envies de collaborer, parce que j’avais peur de me laisser porter par des projets qui ne me plaisaient pas, sans oser le dire. Mais finalement, j’adore tout ce qu’on a réalisé à plusieurs, ça fait de bons souvenirs. Quand on retrouve les chansons plus tard, on y repense avec nostalgie.
Z. : Quel serait l’artiste avec lequel tu rêverais de collaborer ?
P. : Parmi les artistes avec qui j’aimerais collaborer, je stalke pas mal Juan Wauters en ce moment, il vient de faire un featuring avec Mac DeMarco d’ailleurs. Il est trop cool, il vient d’Uruguay et ça fait 4 ans que je l’écoute. Il a ce truc très spontané, il a fait une magnifique session Blogothèque à Paris complètement à l’arrache. Il défend des chansons assez folk des années 70, ce n’est pas du tout un artiste marketé. Sur Instagram, il se fiche de l’image qu’il renvoie, il est drôle et je me dis que c’est le genre d’artiste avec qui je me verrais travailler plutôt que de m’associer à quelqu’un de connu.
Z. : As-tu d’autres envies de collaborations ?
P. : Parallèlement, j’aimerais beaucoup écrire pour des gens que j’aime. On a souvent l’exemple d’hommes qui écrivent pour des femmes et j’aimerais être la femme qui écrit pour des mecs plus vieux et tout. J’ai un peu fait ça pendant le confinement et c’était chouette !
Z. : Tu a sorti Bisou pour la St. Valentin, ton single en français qui se démarque de tes précédents projets. Peux-tu me raconter l’histoire derrière ce titre ?
P. : J’ai composé Bisou il y a 2 ans, le lendemain de la Saint-Valentin. Pour le coup, c’est la première ou deuxième chanson que j’ai écrite de toute ma vie. J’avais cette peur de composer. Là j’étais en gueule de bois, je me suis forcée en me disant qu’au pire ce serait pas terrible mais c’est tout. J’avais passé une super soirée de Saint-Valentin, j’avais rencontré quelqu’un et j’avais vraiment envie de le chanter, j’étais assez euphorique de la veille ! Je l’ai faite écouter à Hugo Pillard qui m’a poussée à la finir.
J’ai ramené ma session Garageband toute pourrie à Axel et là on a commencé à chercher des arrangements ensemble et à la dynamiser. Axel a eu l’idée de ce pont un peu robotique à la fin. On en a conclu que ce serait une bonne première chanson pour l’album.
Z. : On retrouve dans le clip un univers coloré et exubérant…
P. : Pour le clip, j’avais envie de faire un truc entre amis, bordés de choses un peu absurdes en lien avec la Saint-Valentin, je ne saurais même pas raconter le clip, je voulais juste mettre des images sur cette chanson. On a adoré le réaliser et je trouve qu’il matche super bien avec la chanson. Hugo l’a tourné à l’iPhone, il est assez inné, comme la chanson. Ce sont des procédés qui me ressemblent bien plus, parce que c’est vrai que dès qu’il y a trop de réflexion derrière je me lasse assez vite.
Z. : As-tu une vision plutôt romantique de la St Valentin ou ta volonté est davantage sarcastique ?
P. : Je pense que c’est 50/50 comme dans tout ce que je fais. J’ai un côté méga cul-cul mais aussi assez cynique donc le mélange est souvent un peu absurde. J’ai ce truc où je tombe amoureuse en une demi-heure et 2 jours après, je déteste la personne. C’est assez paradoxal. Cette chanson devrait être une chanson d’amour mais commence par « Je ne t’ai offert que ma salive » ce qui montre bien que je parle juste d’une personne que j’ai pécho une fois et que je ne reverrai jamais.
J’aime bien l’idée d’écrire une chanson d’amour pour quelqu’un que tu as rencontré une fois et que tu ne croiseras sans doute pas. Le projet Pi Ja Ma repose beaucoup sur le second degré. Je suis un peu premier-degré-phobe mais je me soigne (rires). J’essaie de mettre un peu d’humour dans mes titres, ne pas me prendre trop au sérieux parce que sinon je me laisse envahir par mes angoisses.
Z. : Ce single est l’annonce d’un prochain album, peux-tu m’en parler ?
P. : L’album va sortir en 2022 avec des collaborations de prévues. On va avoir des titres au compte-goutte, avant l’été, puis à la rentrée en septembre/octobre. Mais bon j’avoue qu’avec la Covid et Jean Castex, je ne me prononce pas trop (rires). Certaines chansons de l’album sont un peu étranges car pour la première fois, comme je l’expliquais, j’ai pas mal composé dessus, et j’ai parfois placé les refrains à des endroits improbables. Mais j’aime bien ce côté-là, c’est mon côté un peu comédie musicale.
Je pense que Bisou, le premier single paru le mois dernier, donne un peu le ton de l’album, qui sera malgré tout assez éclectique. Le second single sera sûrement en anglais pour vraiment montrer que ma musique ne repose pas sur son langage.
Z. : Peux-tu me raconter ton meilleur souvenir en tant que Pi Ja Ma ?
P. : C’est la fois où on a joué à la Maroquinerie en janvier 2019, c’était complet, il y avait une ambiance de grosse teuf, de la transpiration, des gens partout, on a eu le temps de bosser la scénographie, moi j’étais hyper à l’aise. C’était un bon souvenir, c’est la première fois où j’ai réalisé qu’il y avait des gens qui connaissaient les chansons, étaient contents d’être là et avaient compris toute l’essence du projet. Moi je racontais n’importe quoi sur scène et ça plaît aux gens, donc ils ont cerné l’humour à travers Pi Ja Ma. C’était l’un de nos meilleurs concerts.
Z. : Tu as récemment créé ta marque d’illustrations sur Etsy puisque tu es illustratrice de métier. Quel a été le déclic, c’est toujours une volonté de diffuser de l’amour ?
P. : Toujours une volonté de diffuser de l’amour (rires). J’ai lancé ma boutique fin août, quand j’ai attrapé la Covid. Je repoussais toujours le moment du lancement en me disant que c’était compliqué, qu’il fallait acheter les enveloppes, et gérer 10 000 trucs, et quand j’ai eu la Covid, je ne me voyais pas ne rien faire durant la quatorzaine, alors je me suis dit que c’était le bon moment.
C’est un peu pour le côté financier aussi, j’ai pu gagner des sous en faisant un travail trop sympa, ma vie c’est de mettre des autocollants et de les envoyer avec des lettres d’amour. Il y a ce truc très artisanal. Là j’ai mis la boutique en pause avec la sortie de Bisou, mais j’avais envie de faire plein de choses, musique, illustration, etc.
Z. : As-tu déjà lié musique et illustration ?
P. : Pour la Saint-Valentin, j’ai envoyé 200 lettres d’amour pour la sortie du single, j’ai passé 2 jours à écrire des mots d’amour et c’est le genre d’intention qui fait beaucoup de bien en ce moment je trouve. C’est une période où il ne faut pas hésiter à être méga cul-cul et envoyer plein d’amour (rires).
Z. : Comment as-tu été impactée par la situation sanitaire ?
P. : J’ai été assez privilégiée : je peux créer et j’ai mes propres horaires. De plus, ma mère vit à Avignon donc j’ai pu passer un peu de temps là-bas pendant le confinement. Je n’étais pas enfermée à Paris. Ce que j’aimerais pouvoir faire, c’est évidemment de défendre ma musique sur scène, rencontrer des gens, être en communauté. À l’époque, mes semaines étaient vraiment rythmées par les concerts et les films que j’allais voir.
Z. : Qu’est-ce que je peux te souhaiter pour l’année 2021 ?
P. : Si on peut juste se faire vacciner ce serait cool (désolée les anti-vaccins). Ne plus pouvoir se retrouver en communauté va commencer à nous rendre un peu foufou ! Je me sens malgré tout assez chanceuse et tellement désolée pour tous les étudiants en ce moment.
Z. : Enfin, notre question signature chez Arty Magazine, quelle est ta définition d’un artiste aujourd’hui ?
P. : Un artiste pour moi, c’est quelqu’un d’un peu hypersensible. Ce sont souvent des gens qui ne vont pas hyper bien et qui pleurent beaucoup (rires), ils ressentent un besoin d’exprimer beaucoup de choses. Par mes études et mon métier, j’ai l’occasion d’en fréquenter pas mal, la plupart de mes amis sont musiciens, et je les vois comme des gens qui sont arrivés dans un monde où ils n’ont pas forcément tout compris, et qui aimeraient faire changer les choses.
Ils ont beaucoup de poésie en eux, de l’humour aussi et de « noirceur » en eux. Quand on y réfléchit, on a tous notre part d’artiste en nous, je pense qu’être artiste c’est un peu une question de survie. Je suis née dans un monde où je me sentais oppressée par tout et le fait de pouvoir chanter ou dessiner, ça m’a un peu redonné une place comme si être une artiste me donnait le droit d’être parfois un peu bizarre ou inadaptée.