Interview : Gracy Hopkins, le rappeur français évolue ENCORE
Diggeur compulsif, Arthur a toujours de bonnes histoires musicales à…
Photo © TheJayneral
À l’occasion de la sortie de son nouvel album ENCORE [TIME2020], nous avons rencontré l’acteur musical Gracy Hopkins pour parler de son histoire, son collectif IXI et de la transition musicale qu’il est en train d’effectuer. Des billets pour une date supplémentaire le 31 octobre 2020 au FGO-Barbara viennent d’être remis en ligne.
S’initiant à la musique dès son plus jeune âge, c’est sous le nom de Kaisy Jay que s’écrit la génèse de celui qui se fera appeler par la suite Gracy Hopkins. Remarqué dès 2017 avec son titre Acrophobia : High – qui le conduit à devenir le premier artiste français à réaliser une Colors Session, Gracy Hopkins est un artiste singulier qui maîtrise les rimes et les mots de la langues anglaise. À 23 ans aujourd’hui, Gracy Hopkins continue de faire évoluer sa musique et nous propose avec Encore [Time2020] un nouvel album plus introspectif et nuancé, associant le rap West Coast à un Rnb plus moderne.
Arthur : Hello Gracy. Le 20 novembre sort la réédition du projet Time intitulé ENCORE [TIME2020]. Quelle est l’histoire de ce projet ?
Gracy Hopkins : Time était un récit qui n’était pas terminé. J’ai commencé le développement d’Encore pendant le confinement, à un moment où s’opérait déjà une transition dans ma musique. En 2018, j’avais initié un tournant majeur que j’ai pleinement pu mettre en œuvre à partir de 2019. C’est pour ça que le projet s’appelle Time, il correspond à cette période d’évolution. Et c’est pour ça que Encore vient le compléter.
A. Quels sont les sujets que tu as voulu mettre en lumière ?
GH. C’est un album très introspectif. Je parle du mal-être, de la recherche identitaire, des injustices raciales, des stéréotypes et des attentes artificielles. Le morceau Pichet raconte le ressenti d’une histoire d’amour que j’ai vécue.
Le confinement m’a permis de réapprendre la valeur du temps et j’ai réévalué l’importance de l’amour et du partage. Ça m’a permis de prendre du recul et de me recentrer pour mieux distinguer l’essentiel. J’ai pu retrouver des choses auxquelles j’avais tourné le dos sans m’en rendre compte. Cette fois, il n’y a pas d’alias, c’est directement moi qui m’exprime. Il n’y a qu’un personnage qui m’accompagne : Nina. C’est un métamorphe dont les représentations et les identités sont changeantes. Chacun peut l’imaginer comme il le souhaite.
A. Visuellement, c’est aussi nouveau par rapport à ce que tu réalisais. Que représente le clip du morceau Perfect ?
GH. Perfect est dans le projet Time. Ça parle de passé, de présent et de futur. Le clip représente des histoires, des rêves et des scénarios possibles. Le message s’adapte à celui qui le reçoit. Ce qu’il est important de voir avec le morceau Perfect, c’est que je finis par détruire la ville que j’avais créée. Tout l’univers de Gracy Hopkins et les repères que l’on pensait avoir vont changer.
A. Le fait que tu décides de chanter en anglais est une thématique récurrente que l’on aperçoit sur Mad, Fear, MBATA et qui semble à part entière, pourquoi ?
GH. Aujourd’hui, ce n’est pas quelque chose de commun de voir un français rapper en anglais. Ça peut être compliqué de m’identifier comme un rappeur francophone. Je viens de Torcy (Seine et Marne), la première fois que j’ai été aux États-Unis, c’était en 2018. L’anglais, c’est un outil. Pour moi je fais du rap français car j’ai l’approche française. C’est ce que je dis dans Fear et dans MBATA : « Je fais pas de franglais, je parle juste français et anglais […] Je ne rappe pas en français ». Le confinement m’a remis face à l’essentiel : c’est moi qui fais la musique. Au-delà de l’écoute, je veux que ma musique se ressente. L’anglais c’est naturel pour moi, ça fait partie de l’univers de Gracy Hopkins et je n’ai pas envie de choisir la facilité lorsque je le représente. Rien n’est normal jusqu’à ce que ça devienne normal. J’ai grandi avec cette conviction.
A. Réintroduction est une série de freestyle que tu as partagée sur Youtube et Instagram, pourquoi ce projet était-il important ?
GH. En vrai, tout est dans le nom : la réintroduction, c’était pour tout clarifier. Je répondais aux questions directes qu’on me posait. La première phrase du premier freestyle est hyper importante et pose la première pierre. Il y a un des deux noms que j’utilise dans mon nom de scène qui est celui que ma mère m’a donné : Gracy. Ça a une grosse signification. Avant de présenter tous les personnages que je développe, il fallait que je commence par ça. C’était là où c’était important de se réintroduire : que les gens sachent qui je suis pour de vrai et d’où je viens. C’était important de reposer les bases pour que ceux qui m’écoutent ou qui vont me découvrir sachent avec qui ils s’engagent. En partageant le premier, j’avais annoncé 7 freestyles alors qu’un seul était prêt. Ca été un projet vraiment intense.
A. Qui sont ceux qui t’ont aidé à réaliser Encore et quelle a été leur place dans le projet ?
GH. Gracy-Anthony c’est moi, mais Gracy Hopkins, c’est une équipe. Pour la conception du son et la production générale du projet, il y a beaucoup de monde qui nous a apporté son aide. Au niveau de la prod’, il y a Earnotik qui est toujours très présent. Sur les nouveaux titres présents sur ENCORE, je suis principalement seul à la production mais j’ai reçu de l’aide aux arrangements : Earnotik, Tices, The Hop et de Guy Nwogang. Earnotik, lui, a toujours été présent depuis le tout début. La personne qui m’a poussé à commencer la prod’, c’est mon frère, mais celui qui a élevé mon niveau, c’est Earnotik. C’est mon mentor, je le connais depuis 2012. Même quand il a fait sa pause musicale, il était encore là pour mes projets.
A. Outside, c’est aussi un morceau où tu recommences à chanter ?
GH. Avec Outside, on s’est fait plaisir mais effectivement c’est une chose à laquelle je veux revenir. Je suis un chanteur avant d’être un rappeur. J’avais commencé par le RnB et c’est vraiment à partir de 2009 que j’ai commencé à rapper comme on me connait aujourd’hui. Ma voix a changé, j’ai changé aussi, le contexte n’est plus le même. J’ai envie de revenir à cette base et de l’explorer pour rendre mon rap encore plus mélodique.
A. Sur Twitter tu fais référence à Isaiah 53: 1-3. Quelle est ton rapport à la foi ?
GH. J’ai été élevé dans la foi avec la notion qu’elle te protège de la peur. Avoir foi en soi, avoir foi en ton projet, en ton entourage, en ton équipe… J’ai un rapport avec la foi qui est très puissant et qui est très important pour moi. Je n’aurais pas pu me dépasser et commencer à 13 ans à faire des prods et à écrire si je n’avais pas eu foi en mon projet et en moi-même. Elle me donne de la force incroyable et me permet de réussir à vivre selon mes règles.
A. Quel a été pour toi un des meilleurs accomplissement durant la réalisation de cet album ?
GH. Le projet est rempli de bons souvenirs mais je pense que Outside est l’un des morceaux qui m’a le plus marqué. On a réussi à réunir Paris, Bruxelles, Serris, Bussy-Saint-George, Orléans et Torcy dans un même clip. Il y avait la vision de ce que je voulais réaliser mais c’était un défi que d’arriver rassembler toutes les identités musicales. C’était important qu’ils me fassent confiance et ça s’est super bien passé.
A. À quoi ressemble aujourd’hui une de tes journées types ?
GH. Ça a changé. Avant, je faisais du studio de 20h jusqu’à 13h le lendemain, mais ce n’était pas le bon rythme. Maintenant, je refuse les nocturnes, c’est plus sain. Le matin je fais du sport, ensuite je fais un point avec l’équipe puis studio. J’ai toujours des projets qu’il faut arranger ou mixer. En parallèle, je participe aux projets de TheJayneral, de LYNN, de Bino… C’est le crew.
A. Jusqu’où veux-tu emmener Gracy Hopkins ?
GH. Il y a un message que j’ai envie de délivrer. J’ai envie de faire honneur à ceux qui me soutiennent ou qui participent. J’ai envie de montrer que c’est possible de faire la musique que je veux produire. Rien n’est normal jusqu’à ce que ça devienne normal. C’est ça qu’on défend. On m’a montré l’exemple, là c’est mon tour de montrer l’exemple avec la nouvelle génération.
A. Quels sont tes projets à court et moyen terme, qu’est ce que tu as envie d’explorer ?
GH. Pour l’instant, il y a Encore qui arrive, on a les concerts au FGO-BARBARA et des singles qui sont prévus. Pour le prochain gros projet, je peux juste dire que ça ira au-delà de la musique. Mais soyez prêts, les icebergs arrivent : avec le crew IXI on compte déclencher un raz-de-marée.
A. Est-ce que la scène rap américaine et des artistes comme Denzel Curry, Isaiah Rashad, Mike Jenkins, YGTUT ont influencé la musique que tu produis ? Qui sont les artistes qui t’inspirent, toi et ta musique, aujourd’hui ?
GH. Oui, ce sont des artistes que j’aime écouter, mais aujourd’hui, mes inspirations sont autour de moi. Dans la scène actuelle française il y a : Rizzy Wallace, Sika Deva, TheJayneral, LYNN. Ce sont des gens avec qui j’évolue, qui sont dans mon collectif IXI et qui m’inspirent quotidiennement. Après, plus largement, il y a Varnish La Piscine, Rilès, James BKS, Anna Kova (et plein d’autres) qui m’inspirent aussi. Et bien sûr LYNN, Bonnie Banane et Sabrina Bellaouel sont très importantes. Ce sont des femmes qui font changer et avancer les choses. Je crois qu’ils vivent tous guidés par cette âme artistique aussi, celle qui devient une révolution à chaque inspiration. Ça se ressent dans leur musique
A. Ma dernière question est notre signature chez Arty Magazine. Quelle est ta définition d’un artiste ?
TA. Un artiste c’est quelqu’un qui a écrit ses propres règles en lesquelles il a foi et qui arrive à vivre selon elles. Respirer devient une action artistique quand tu choisis comment respirer.