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Entretien pop avec Ingrid Maillard, la dessinatrice qui sculpte les corps

Entretien pop avec Ingrid Maillard, la dessinatrice qui sculpte les corps

Marin Woisard
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Traduction par Bibbi Abruzzini / En partenariat avec EasyClap.

[English version below] Avec un sens du détail à mettre Apollon dans tous ses états, la dessinatrice Ingrid Maillard crée des corps sculpturaux et contorsionnés à la mine graphite. Une bonne motivation pour filer à la salle de sport soulever un peu de fonte.

Si t’étais là aux débuts d’Arty Paris, le nom d’Ingrid Maillard ne t’est pas inconnu. Car depuis notre exposition collective en novembre 2016 à l’Hôtel Particulier, la jeune dessinatrice s’est frayée un sacré bout de chemin. Fraîchement lauréate du prix d’honneur aux Big Awards, Ingrid ne cesse de perfectionner son style à la lisière du maniérisme en faisant ressortir les particularités de notre anatomie. Ces œuvres à la mine graphiste nous sont à la fois familières et complètement étrangères, excitantes et repoussantes, photo-réalistes et irréelles. Un peu comme si on sortait d’une nuit d’amour avec un dieu grec, tous nos membres emberlificotés dans des draps de lit. Poésie quand tu nous tiens.

De la mine de graphite, des corps sculpturaux et des drapés grecs

Nos exploits de la veille ne sont pas le sujet ici… À part si on s’appelle Io. Car dans ses compositions, Ingrid recrée les grandes scènes de la mythologie grecque en leur donnant corps et vie. La sensation de mouvement est particulièrement saisissante par sa minutie apportée aux textures et aux ombres, qui nous donnent envie de glisser sur un toboggan de peau et de drapé. C’est moderne et terriblement beau, si bien que les fans de l’artiste pourront s’offrir le coffret de ses 12 œuvres en édition limitée, le bien-nommé « Mythology« . Avec Ingrid, tous les chemins mènent à Athènes.

Marin : Hello Ingrid. Peux-tu te présenter en 3 emojis ? Tu nous expliques leur signification ?

Ingrid : Je suis restée au stade du smiley content/pas content, c’est trop évolué pour moi les emojis du coup je vais faire simple (rires).

🔭 Passionnée d’astronomie, je pense avoir passé une bonne partie de ma vie les yeux rivés vers le ciel parce qu’il n’y a rien de plus beau que l’univers et tous ses secrets qu’on ne comprendra jamais.

🎧 La musique dirige ma vie en quelque sorte et influence mes émotions.

😴 Parce que j’ai commencé une nouvelle série de dessins d’après mes rêves en lien avec l’actualité, ça tombe bien, je suis une grosse dormeuse.

M. Une journée type de création pour Ingrid Maillard, comment ça se passe (c’est la question lifestyle) ?

I. Ça commence tôt, très tôt si possible, entre 7h et 8h. À peine sortie du lit, je me pose en face du chevalet dans mon salon. Eh oui, n’ayant pas les sous pour payer le loyer d’un atelier parisien, j’ai au moins la chance d’avoir une colocataire qui me laisse la moitié du salon pour mettre mon bazar. Finalement, c’est pas plus mal ça m’évite de perdre du temps dans des allers-retours maison/atelier.

En sirotant mes premières gorgées de thé, j’insulte mon chat pour le carnage nocturne habituel (il est possédé par Satan le pauvre), puis je définis mon mood du matin pour y adapter ma playlist (la musique étant indissociable à la création). En général, ça commence par du classique ou de la bossa nova. Bien entendu, ces playlists évoluent tout au long de la journée et deviennent de plus en plus énervées. Finalement, il n’y a rien de spécial, je dessine mes petits traits toute la journée jusqu’à ce qu’un début de tendinite me stoppe pour de bon.

M. Ce qui m’a particulièrement frappé en découvrant ton travail, c’est la puissance sculpturale des corps que tu dessines. Où vas-tu piocher tes sources d’inspiration ?

I. Majoritairement au Louvre ! La Cour Marly regorge de sculptures de corps en tension, c’est mon terrain de jeu préféré. Dans les peintures de Rubens ou Jordaens aussi, les mouvements et torsions des muscles sont juste impressionnants.

Aussi, j’ai travaillé sur la mythologie grecque pendant environ cinq ans. Tu te doutes bien que je ne suis pas allée chercher des corps squelettiques mais que je me suis plutôt inspirée des peintures ou sculptures représentant des scènes mythologiques où les corps sont pris dans de puissants mouvements.

Enfin, mon travail est profondément influencé par le mouvement maniériste, tu connais ? Si toi aussi tu t’es endormi en lisant « L’Histoire de l’Art » de Gombrich, laisse moi te faire un résumé (rires). Le maniérisme est un mouvement artistique apparu à la fin de la Renaissance en réaction à l’hégémonie de la perfection classique. En gros, les artistes ont commencé à s’ennuyer parce qu’ils avaient tout compris aux proportions anatomiques, architecturales, perspectives, etc (sorry les gars).

Du coup, ils ont commencé à exagérer les formes et les proportions des personnages de leurs peintures. Tu vois où je veux en venir ? On n’était pas encore au stade des figures de Picasso mais les artistes du maniérisme se sont amusés à rajouter une vertèbre par ci, ou faire un cou trop long par là, ce qui donne toujours des peintures très réalistes mais ce petit détail déformé te titille l’œil. Tu connais certainement « La Madone au long cou » de l’italien Parmigianino, mais regarde un peu aussi le travail des maniéristes flamands comme Cornelis Cornelisz van Haarlem ou Hendrik Goltzius.

M.Tu nous montres ton œuvre préférée ?

I. C’est « Io », ma plus grande pièce (100 x 135 cm), donc celle sur laquelle j’ai passé le plus de temps, où j’ai eu le plus de doutes, de tendinites mais dont le résultat final est le plus « impressionnant ». Aussi, le mythe d’Io, représenté ici, est mon préféré. J’ai donc pris le temps et l’espace nécessaires pour insérer tous les éléments et événements marquants de sa vie. Cette pièce est un condensé de la vie du personnage mythologique.

M. T’as sorti les coffrets « Mythology » cet été, tu nous expliques ce qu’ils contiennent ?

I. La série « Mythology » est initialement une commande du centre d’art bruxellois Le Lac. L’idée était de créer un dessin mensuel selon le signe du zodiaque du mois en question. C’est à ce moment que j’ai commencé à travailler sur la mythologie grecque, car comme tu le sais, c’est durant l’antiquité que ces douze constellations ont reçu leurs noms que nous utilisons toujours, ainsi que leurs origines mythologiques.

Chaque dessin est donc une représentation du récit mythologique attaché au signe du zodiaque. Après avoir eu l’occasion d’exposer ces pièces à plusieurs reprises, je me suis rendue compte de l’intérêt du spectateur à connaître l’histoire de chaque mythe pour mieux en saisir mon interprétation. C’est ainsi que j’ai décidé de créer une édition limitée de cinquante coffrets regroupant les douze dessins imprimés, signés et numérotés avec un livret explicatif (clique clique).

M. Bon Ingrid, tu connais notre dernière question… On se sépare avec la signature chez Arty Paris. Quelle est ta définition d’une artiste ?

I. Je pense que c’est juste quelqu’un qui se fait plaisir en s’exprimant à sa manière et qui arrive à créer des émotions chez les autres via son art. Tout simplement.

Retrouvez Ingrid Maillard sur EasyClap.

Armed with her graphite pencil and a sense of detail able to impress the Greek god Apollo, designer Ingrid Maillard creates sculptural and contorsionated bodies that remain engraved in your mind.

If you were present at the inception of Arty Paris, the name of Ingrid Maillard will ring a bell. Since our collective exhibition in November 2016 at the Hotel Particulier, the young designer has come a long way. Freshly conferred the honorary award at the Big Awards, Ingrid continues to refine her style at the edge of mannerism by highlighting the peculiarities of the human anatomy. These graphic works are both familiar and completely foreign, exciting and repulsive, photo-realistic and unreal. A bit like a night of love with a Greek god entangled in bed sheets. Poetry, when you hold us.

Graphite pencil, sculptural bodies and Greek draperies

Our past exploits are not the subject here… except if your name is Io. Because in her compositions, Ingrid recreates the great scenes of Greek mythology by giving them body and life. The sensation of movement is particularly striking because of her meticulousness to textures and shadows, which makes us want to slide on a toboggan of skin and drape. Her art is modern and terribly beautiful. Fans of the artist can now get their hands on a limited edition coffret with 12 of her unique creations. The name? « Mythology ». Yes, with Ingrid, all roads lead to Athens.

Marin : Hello Ingrid. Can you introduce yourself in 3 emojis and explain their meaning ?

Ingrid Maillard : 🔭 Passionate about astronomy, I think I have spent a good part of my life staring up at the sky. There is nothing more beautiful than the universe and all its secrets that we will never understand.

🎧 In a way music directs my life and influences my emotions.

😴 Because I started a new series of drawings based on my dreams, that’s good, as I’m a big sleeper.

M. A typical day of creation for Ingrid Maillard, how is it ?

I. It starts early, very early if possible, between 7am and 8am. Just out of bed, I jump in front of the easel, carefully placed in my living room. Yes, not having the money to pay the rent of a workshop in Paris, I have the chance of having a roommate who kindly leaves me half of the room to set up my “bazaar”. Finally, it’s probably better this way as I avoid wasting time on multiple home / workshop trips.

Swallowing my first sips of tea, I insult my cat for the usual night carnage (the poor cat is possessed by Satan), then I define my morning mood and adapt my playlist to it (music is inseparable to the creative process). In general, I start with classical music or bossa nova. Of course, these playlists evolve throughout the day and become more and more edgy. Finally, there is nothing special, I draw my small features all day long until I feel the beginning of tendonitis, which stops me for good.

M. What struck me most when I discovered your work is the sculptural power of the bodies you draw. Where are your sources of inspiration ?

I. Mostly at the Louvre! The Marly Court is full of sculptures with bodies in tension, it’s my favorite playground. In the paintings of Rubens or Jordaens too, the movements and twists of the muscles are just incredible.

Also, I worked on Greek mythology for about five years. Naturally, I did not go for skeletal bodies but I was rather inspired by paintings or sculptures representing mythological scenes where bodies are caught in powerful movements.

Finally, my work is deeply influenced by the Mannerism movement, have you heard of it? If you too fell asleep reading Gombrich’s « The Story of Art », let me give you a summary (laughs). Mannerism is an artistic movement that appeared at the end of the Renaissance in reaction to the hegemony of classical perfection. Basically, artists started getting bored because they had understood everything about anatomical proportions, architectural, perspectives, etc. (sorry guys).

As a result, they began to exaggerate the shapes and proportions of the characters in their paintings. You see what I mean ? We were not yet at the stage of Picasso’s figures but Mannerist artists had fun adding a vertebra here and there, or making a neck too long, which always gives you a very realistic painting but with a little distorted detail tickling the eye. You certainly know the « Madonna with the long neck » of the Italian Parmigianino, but look as well at the work of Flemish Mannerists like Cornelis Cornelisz van Haarlem or Hendrik Goltzius.

M. Can you show us your favorite creation ?

I. It is « Io », my biggest piece (100 x 135 cm), so the one on which I spent the most time, where I had the most doubts, tendinitis, but whose final result is the most « impressive ». Also, the myth of Io, pictured here, is my favorite. So I took the time and space to insert all the elements and milestones of his life. This piece is a summary of the life of this mythological character.

M. You released your « Mythology » coffrets this summer, can you explain what they contain ?

I. The « Mythology » series was initially commissioned by the Brussels art center Le Lac. The idea was to create a monthly drawing according to the zodiac sign of the month in question. That’s when I started working on Greek mythology, because as you know, it was during antiquity that these twelve constellations received their names, which are still in use today, as well as their mythological origins.

Each drawing is therefore a representation of the mythological story attached to the zodiac sign. After having had the opportunity to exhibit these pieces several times, I realized the interest of the viewer to know the history of each myth, in order to better understand my interpretation. This is how I decided to create a limited edition of fifty coffrets grouping the twelve drawing, printed, signed and numbered with an explanatory booklet.

M. Ingrid, you know our last question …our sort of signature at Arty Paris. What is your definition of an artist ?

I. I think it’s just someone enjoying expressing oneself in his or her way and who manages to create emotions in others through their art. As simple as that.

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