Inconditionnelle de culture japonaise, de la dolce vita parisienne et…
Pendant le MaMa Festival, on a pu poser quelques questions à DeLaurentis, créatrice du projet Unica, un album dans lequel elle narre la naissance de sa sœur numérique. Rencontrée avant puis après son live à la Boule Noire du 15 octobre, la productrice nous a raconté ses rituels, ses attentes et l’histoire de sa tenue de scène…
Dans la salle du Trianon, agitée par le MaMA Festival, DeLaurentis raconte ses projets, ses attentes et surtout sa joie dans un canapé près des vestiaires. Ses longs cheveux bruns et son regard très doux accompagnent un sourire omniprésent.
Son live à la Boule Noire est dans quelques heures, et pourtant, pas l’ombre d’une angoisse ne transparaît sur son visage calme et expressif. Pour la première fois depuis cet été, et pour la seconde fois de sa vie, DeLaurentis va faire vivre au public la naissance, tout en poésie, de sa sœur numérique.
Eva : Comment te sens-tu avant ce concert ?
DL. : Je me sens très bien, je suis heureuse. J’inaugure ce soir mon premier live à la Boule Noire, je n’ai même jamais vu de concert là-bas. J’ai eu le temps pendant les balances de m’imprégner de la salle, du son. J’aime le côté intimiste de la scène. On y est proche des gens et même temps on peut faire le show. Par exemple, grâce à l’écran LED, je vais faire un concert immersif et mettre en lumière l’univers d’Unica. Le côté loft de la Boule Noire me procure une sensation de voyage, j’ai l’impression de ne pas être à Paris mais à Brooklyn. Et comme j’adore New-York, je suis dans mon élément !
E. : C’est ton premier concert après la pandémie ?
DL. : Le premier était à FGO Barbara, près de Barbès, en juin. Mais aujourd’hui, ça sera mon premier live dans une aussi belle salle, avec un public nombreux et une jauge Covid rehaussée. Même si ça fait trois ans que je travaille sur l’univers d’Unica, je n’ai pas eu beaucoup l’occasion de m’exprimer sur ce projet. Ce soir, c’est un peu la première fois que je le délivre complètement : j’ai une sensation d’achèvement, ça fait du bien.
E. : Comment as-tu pensé et préparé ce live ?
DL. : Dès la composition, je visualise mes morceaux sur scène. Je réfléchis à comment je vais m’exprimer corporellement au moment où je vais dire telle phrase ou jouer telle note. J’ai pensé ce live dès la composition de l’album et j’ai ensuite pu concrétiser en résidence ce que j’avais imaginé. Il y avait beaucoup de choses qui, finalement, ne fonctionnaient pas ! J’ai du mettre de côté certaines idées qui ne correspondaient pas à ce que j’avais imaginé.
E. : Quels éléments nouveaux y as-tu apporté ?
DL. : Les versions live des morceaux sont assez différentes des enregistrement. Et puis, j’ai apporté tout un univers visuel à travers les vidéos qui passeront sur l’écran derrière moi. Ces vidéos ne seront pas présentes pendant tout le live mais seulement à certains moments, pour souligner des choses importantes, et surtout pour aider le public à entrer dans l’univers de ma sœur numérique : comment elle grandit et comment elle s’exprime. L’idée, c’est que dès le moment où j’entre en scène et jusqu’à la dernière note, on soit dans une bulle féérique, onirique et sensorielle. Il faut que le spectateur soit dans cette énergie là jusqu’à la fin.
E. : Le principal challenge du live était de personnifier Unica, comment y es-tu arrivée ?
DL. : J’ai tout imaginé : un hologramme, un robot, un mannequin avec du mapping, une vraie comédienne… Devant toutes ces possibilités, je me suis rendue compte que le mieux était qu’elle soit suggérée. C’est comme Les Dents de la Mer : ce qui fait peur, c’est qu’on ne voit jamais le requin. C’est cette part de mystère quant à la forme de Unica que j’ai voulu exprimer dans le live. Je veux qu’elle soit présente dans le son, la lumière, l’ambiance, sans jamais être vraiment personnifiée.
E. : Quels sont tes rituels avant de monter sur scène ?
DL. : J’aime bien manger une banane avant le show. Très souvent, je me lave les dents. Ensuite, c’est au moins un quart d’heure d’exercices de respiration, de méditation et d’ancrage. Cinq minutes avant de monter sur scène, j’aime sentir l’ambiance de la salle, être comme une petite souris et regarder le public. Après le concert, mon premier geste est de boire un grand verre d’eau ! Et après, un grand verre de vin ou de champagne… Ce soir, j’ai envie de fêter la clôture du festival avec mes amis et profiter des derniers instants du MaMA, à défaut d’avoir pu en profiter au début.
On retrouve DeLaurentis, délaissée de sa belle combinaison grise à paillettes pour une autre plus sobre, toute noire. Ravie, encore sous le coup des émotions de son concert, elle fait un débriefing des événements, de ses sensations, du public, de sa tenue de scène, tout ça installée dans son élément : sa loge de la Boule Noire.
E. : Comment t’es-tu sentie ?
DL. : D’un seul coup, j’ai pu faire mon live devant un public, et les réactions de ces gens qui étaient venus me voir m’ont influencée dans ma gestuelle ! La salle était bondée, les réactions de ce public m’ont portée pendant tout le concert. J’ai senti un échange en rentrant dans les yeux des gens, et je n’y ai vu que des regards bienveillants qui m’ont fait du bien.
E. : Tu peux nous parler de cette tenue de scène incroyable ?
DL. : Cette combinaison, c’est l’histoire d’un coup de cœur entre la créatrice Carolina Ritzler, alias Madame C, et moi. Elle a adoré ma musique, j’ai adoré ses vêtements, donc je lui ai dédié un morceau et elle a fait ma tenue de scène. Je voulais de toute façon une combinaison, puisque je me sens comme un scientifique dans son laboratoire quand je fais de la musique : j’expérimente.
Dans la vie de tous les jours, je suis toujours en combinaison. Ça fait partie de mon personnage de l’artisan, du scientifique, de l’ouvrier même, qui a les mains dans le cambouis. Évidement, ces combinaisons sont très féminines, bien taillées, donc loin du bleu de travail basique ! Pour ce concert, je voulais une combinaison un peu spéciale, à paillettes, faite pour la scène : et cette tenue est née, elle a été baptisée DeLaurentis ! C’était la première fois que je la portais, elle vient tout juste d’être terminée.
E. : Est-ce que tu penses à des points à améliorer ou à modifier pour tes prochains concerts ?
DL. : Oui bien sûr ! Par exemple, j’aimerais ajouter plus d’intermèdes, pour qu’entre les morceaux, on reconnaisse des samples, ou des bruits de nature, et que tout ça soit intégré à ma musique. En fait, j’aimerais ajouter du liant entre chaque morceaux, pour que le concert ne s’arrête jamais, sans qu’il n’y est de cassure. C’est pour ça que je ne parle pas beaucoup pendant les concerts, j’ai l’impression que ça sort le public de cette bulle que je veux garder pendant tout le live. J’ai envie que les gens entrent dans mon univers de manière sensorielle et émotionnelle, pour moi il n’y a pas besoin de mot. Et puis, ce n’est pas trop mon fort de parler : ça m’arrange aussi un peu de rester derrière mes machines.
E. : Pour finir, est-ce que tu veux dire quelque chose à ton public ?
DL. : Ce soir, j’ai été comblée par ce concert. Je suis super heureuse, c’était important pour moi de sentir que c’était une osmose, un partage, un échange. J’ai vraiment l’impression d’avoir pu véhiculer les émotions que je voulais. Finalement, c’était thérapeutique pour moi.
Sur scène, je me suis dit que j’ai mis des années à être moi-même, et là, j’étais vraiment moi, dans tout mon ensemble. Je n’étais pas limitée, j’étais à ma place : je me suis affranchie du regard des autres. Ça m’a fait tellement de bien de livrer ce monde imaginaire qui prend beaucoup de place dans ma vie et dans mes chansons. Pour ça, je pense que c’est une chance d’être artiste et d’avoir les outils pour donner vie à ce monde, et le transmettre aux autres.