Fondateur et ex-rédacteur en chef d'Arty Magazine, le grand manitou…
Emblème arty de la photo parisienne, Léo Berne fait partie de notre quotidien sur Instagram avec ses clichés argentiques et ses portraits intimes de Mathilde Warnier, son ancienne muse. On l’a interviewé pour sa nouvelle expo visible jusqu’au 15 janvier à la Galerie &co119.
Septembre 2012, Two Door Cinema Club marque un grand coup avec Beacon. Si l’album est générationnel, c’est autant pour son rock alternatif qu’une pochette iconique : des jambes nues en lévitation et une patte visuelle reconnaissable, à la fois sexy et surréaliste. En collaboration avec Damien Ropero, Léo Berne est l’un des artisans de ce succès à travers son collectif Megaforce.
Depuis, il a bossé avec Madonna, Rihanna, Kid Cudi, Tame Impala ou encore Metronomy. Une carte de visite qui en impose et une marque créative qui s’impose.
Passion pour le charnel pastel
C’est la simplicité désarmante d’une autre facette de son travail qui nous a conquis. Sur Instagram, Léo Berne nous attrape l’œil avec ses photos argentiques, postées au fil de ses souvenirs, nimbées d’un spleen texturé. Il y a des ciels denses de nuages, des danses de voitures et des portraits intimes de son ancienne muse, Mathilde Warnier.
Ce témoignage hautement personnel d’une vie qui se dérobe est présenté dans sa nouvelle exposition, From Dawn to Dusk, actuellement visible à la Galerie &co119, suivi de la seconde partie From Dusk To Dawn, à partir du 24 janvier. On a trouvé l’excuse parfaite pour rencontrer l’indéfectible poète de la pellicule.
Marin : Salut Léo. L’imaginaire de tes clichés nous les rendent très proches et en même temps nimbés d’un voile passé. La notion de souvenir était importante à travailler pour toi ?
Léo Berne : Je pense que la définition la plus juste de ma démarche photographique est celle de touriste. Le touriste collecte ses souvenirs, et parfois il les met en scène. C’est ce que je fais, mais je ne me limite pas au voyage, je fais ça aussi au quotidien. J’ai la même démarche aussi sur les rares commandes d’édito qu’il m’arrive de faire, je n’accepte de travailler que si je peux créer des conditions dans lesquelles j’ai envie de prendre des souvenirs de ce qui est en train de se passer.
M. : Le vernissage de de ton expo From Dawn to Dusk s’est tenu le 12 décembre dernier. Pourquoi ce titre ?
L.B. : Comme ma démarche photographique n’est pas conceptuelle, lorsque vient la problématique d’une exposition, et donc d’une certaine nécessité de storytelling, il faut trouver un concept simple pour présenter les images sans les faire passer pour autre chose que ce qu’elles sont. Des photos de touriste, donc. C’est la galerie &CO119 qui a proposé ce concept en deux parties, une diurne de l’aube au crépuscule From Dawn to Dusk et une nocturne du crépuscule à l’aube From Dusk to Dawn, un peu comme les deux faces d’un disque.
M. : On te connaît pour tes photos intimistes et solaires de ton ancienne muse Mathilde Warnier, peux-tu me raconter l’inspiration qu’elle a représenté ? Certains de ces clichés sont présents dans ta série ?
L.B. : J’ai du mal à parler d’inspiration quand je fais de la photo, je ne trouve pas le terme vraiment adéquat. Il évoque la création. Je n’ai pas l’impression de créer quand je prends des photos, mais de témoigner. Et oui il y a quelques témoignages de ce que j’ai vécu avec Mathilde dans l’expo.
M. : Ce témoignage me marque particulièrement par la texture et le relief de l’argentique. Avec quel appareil photographies-tu ? Quelles en sont les limites ?
L.B. : C’est très contraignant de shooter en argentique. Chaque appareil a ses limites, alors j’en ai plein pour varier les frustrations. Leica M6, Mamiya 7 II, Contax T3 un peu pété, Hallelblad H1, Konika Big Mini, Canon Luna XL, et quand je sors je dois choisir avec quelles limites.
M. : Et qu’est-ce qui va te pousser à cliquer sur l’obturateur ?
L.B. : Il y a quelques années, un ami travaillait comme ouvreur au théâtre de la ville à Paris, il me donnait des places pour les représentations presse. Il y avait toujours une bardée de photographes au premier rang avec leurs gros téléobjectifs. Chaque moment fort du spectacle était ponctué d’une nuée de clic cliclicliclicliclic, et parfois, out of nowhere, un petit clic se faisait entendre par-ci par-là. C’était très amusant. Je pense que ma photographie est liée à ma vie de la même façon, on peut mesurer son intensité aux clics qu’elle a déclenché.
M. : Tu vis à Paris mais tes photos ne sont quasiment jamais situées dans notre bonne vieille capitale. Qu’est-ce qui t’inspires particulièrement en dehors ?
L.B. : Je shoote beaucoup à Paris, mais on ne reconnait pas forcément la ville. Mais oui, je pense que notre perception est plus sensible en voyage. J’aime bien promener des amis étrangers dans Paris et les voir shooter ce que je ne regardais même plus.
M. : Maintenant que ton vernissage vient d’avoir lieu, quel serait ton « achievement » ultime ?
L.B. : Je ne me sens pas très à l’aise avec cette notion, d’ailleurs en français c’est encore plus flippant : « achèvement ». J’aimerais réussir à faire un film, j’y travaille en ce moment même, mais c’est un domaine, avec le foot, où le syndrome Dunning Kruger est le plus fort. Pour ceux qui ne connaissent pas encore, je vous laisse chercher, j’ai la flemme d’expliquer, mais je vous promets que c’est super de connaître ce truc (rires).
M. : Ma dernière question est la signature chez Arty Magazine. Quelle est ta définition d’un artiste ?
L.B. : Dans les conversations, les définitions de l’art induisent toujours un jugement de valeur. « Est-ce que c’est de l’art? » équivaut globalement à « Est-ce que c’est de qualité? ». J’aimerais pouvoir définir l’art et l’artiste de façon suffisamment large pour que le jugement de valeur soit subsidiaire. Je dirais peut-être quelque chose comme : Un.e artiste, c’est quelqu’un qui donne forme à une intériorité.