Son avidité pour l’écriture et son gros penchant pour la…
Le sextet parisien de disco-pop sortira son deuxième album Tako Tsubo le 26 mars prochain.
Composition mouvementée suivie par une agitation confinée, c’est ainsi que Tako Tsubo est né. La composition du second album des têtes couronnées de L’Impératrice, qui sortira le 26 mars prochain, a débuté à Tanger au Maroc et s’est poursuivie dans la campagne normande en passant par une tournée aux Etats-Unis. Post écoute, nous avons été littéralement pris dans ce piège à poulpes… Rencontre avec Flore et Charles.
Anaïs : Bonjour Flore et Charles ! Tako Tsubo dénote avec ce que vous aviez l’habitude de faire avant. C’est l’album de la rupture ?
Charles : On peut dire ça comme ça. Il y a plusieurs ruptures avec cet album. D’abord, dans la musique, que ce soit dans la voix, les textes, la composition ou la production. Matahari avait été enregistré en live tandis que Tako Tsubo a été travaillé en studio pour en faire quelque chose de plus produit, moderne, avec différentes textures et arrangements, le choix du son d’une batterie par exemple. Il est aussi en rupture avec notre approche franco-française de la musique. Matahari s’inscrit clairement dans l’héritage laissé par La Femme et poursuivi par Juliette Armanet. Entre nos deux albums, nous avons énormément voyagé et découvert de nouvelles cultures qui nous ont influencés. Et enfin, en rupture harmoniquement. Ce nouvel album s’approche plus du jazz, un genre que l’on aime depuis longtemps.
A. : Cet album sort en pleine crise sanitaire mondiale. Le contexte actuel vous a-t-il inspiré ?
Flore : L’album était quasiment fini quand le premier confinement est tombé. Il y a un seul morceau que nous avons composé pendant et enregistré à distance qui s’appelle Submarine. Je ne pourrais pas dire que le confinement nous a inspiré parce que je trouve que cette période est assez difficilement inspirante, voire très vide…
C. : Tu ne vois pas de gens, tu ne vis pas grand chose, à l’exception de ton quotidien très lisse. En revanche, le confinement nous a permis de nous réapproprier le disque. J’ai pu retravailler les sons une fois sortis du studio pour que les morceaux aient une sonorité qui nous ressemble plus. Grâce à lui, nous avons pu en faire quasiment un album concept dans lequel tous les titres des morceaux évoquent le titre de l’album.
A. : Tako Tsubo signifie littéralement « piège à poulpes » en japonais. On voudrait bien en connaître le sens caché…
F. : C’est un hommage au poulpe. On adore les poulpes (rires) ! Non plus sérieusement, un piège à poulpes est en fait lié au syndrome des cœurs brisés donc une déformation du cœur suite à une émotion trop intense. On aimait bien cette idée du burn-out émotionnel, le fait de se laisser complètement emporter par une émotion. C’est une chose que l’on ne fait pas forcément beaucoup aujourd’hui. Tous les morceaux de l’album parlent d’une rupture avec la norme et de se retrouver en marge. Par exemple, Submarine parle du droit à être triste et à s’autoriser à être mal. Voodoo? évoque le fait de ne pas aller danser parce que t’as honte. Fou aborde le fait de péter les plombs. Un « tako tsubo » est une rupture soudaine dans la continuité.
C. : Autant les textes que la musique font état de cette rupture de la norme. Aucun morceau ne se suit ou peut être lié à un autre et même à l’intérieur des morceaux, il y a des ambiances qui arrivent très soudainement.
A. : Vos nouveaux sons dévoilent des sonorités plus funk. Une envie d’explorer de nouvelles sonorités ?
C. : Plus funk ouais, ou alors on est allés jusqu’au bout de nos idées cette fois. La base funk, on l’a déjà. C’est quelque chose qui nous influence et qui nous plaît depuis toujours. C’est aussi la caractéristique de notre formation live. On aime le groove, la pop et le funk. On a tout mélangé !
A. : Au niveau des textes, ils sont plus engagés. Par exemple, Fou parle des injonctions de la société auxquelles il faut se plier. Pourquoi est-ce important pour vous d’élever la voix en 2021 ?
F. : Dans Matahari et dans nos précédents EP, il était important pour nous de ne surtout pas prendre position, en tout cas pas politiquement. Nous ne voulions pas faire de la chanson à texte. J’écrivais toujours des paroles qui sonnaient bien. Je faisais mes mélodies avec un yaourt en chantant des trucs qui ne veulent rien dire. Et quand j’écrivais, j’essayais de trouver des mots jolis qui sonnaient bien et qui groovaient. Mais je ne m’attachais pas du tout au message, à la signification profonde du morceau. C’était plus des mots et des histoires un peu floues, assez poétiques. Pour Tako Tsubo, c’est venu très naturellement. Je pense que déjà c’est parce qu’on a grandi entre temps. Et, c’est un album beaucoup plus intime et personnel. J’ai écrit plus toute seule et j’ai eu moins peur de parler de moi. Je n’osais pas trop le faire avant parce que je suis la dernière arrivée du groupe et la chanteuse dans un groupe de mecs ! Je n’ai pas voulu tirer la couverture en arrivant.
A. : Autre engagement dans cet album : le féminisme avec le titre Peur des filles. Cette peur des filles est-elle bien réelle ?
C. : Ah mais moi j’ai super peur des filles ! La peur des femmes est réelle. Enfin, il y a une réelle peur autour de cet élan féministe. Les hommes ont peur des féministes, particulièrement dans les hautes sphères où il y a des hiérarchies, et chez les traditionalistes pour qui le rôle de la femme est encore d’éduquer les enfants et de faire la cuisine. Ces hommes là sont dérangés à l’idée d’une émancipation des femmes, qui est complètement normale. Ils ne reconnaissent pas cette demande d’égalité et de respect parce qu’elle remettrait complètement en question leur autorité, leur virilité et leur rôle de patriarche.
F. : La peur des filles est un schéma qui existe encore beaucoup, quand on voit que des termes comme celui de « féminazi » existent… Cela montre bien à quel point le féminisme est encore considéré comme un truc d’hystériques !
A. : En tout cas, vous parlez de féminisme avec beaucoup de légèreté et d’autodérision.
F. : Oui, le message est dit avec légèreté, humour et ironie. Le morceau est très second degré. Il y a même des gens qui l’ont pris comme un truc antiféminisme. C’est possible s’ils ont lu le morceau au premier degré sans aucune ironie…
A. : D’ailleurs, le clip de ce titre est réalisé comme un thriller avec pas moins de 10 000 litres de faux sang utilisés ! Pourquoi penser au cinéma d’horreur des années 60 pour votre clip ?
C. : En général, on laisse toujours le réalisateur s’exprimer pour le clip. C’est vraiment Aube Perrie qui a eu ces références. Mais je trouve qu’il a bien cerné les nôtres. On toujours eu un penchant pour le cinéma d’horreur. Sur Sultans Des Iles, on avait fait un clip sur le slasher. En plus, c’est assez marrant de reprendre le contexte des années 60 où la femme avait quand même un rôle bien assigné pour parler de féminisme.
A. : Vous êtes plutôt Dario Argento ou Rob Zombie ?
C. : Clairement Dario Argento !
A. : Ma dernière question est la signature chez Arty Magazine. Quelle est votre définition d’un/e artiste ?
C. : Je pense que c’est quelqu’un qui sait un tout petit peu plus que les autres exprimer ses sentiments sous quelque forme que ce soit.
F. : Oui, et de transformer ces sentiments en quelque chose de beau. La beauté est subjective mais j’ai l’impression qu’elle est toujours là dans l’art. Pour moi, un artiste est capable de créer quelque chose de beau. Une beauté qui transperce et traverse l’âme de celui qui reçoit l’œuvre…