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Moodoïd, au féminin plurielles avec « PrimaDonna »

Moodoïd, au féminin plurielles avec « PrimaDonna »

Marin Woisard

Moodoïd, de son état civil Pablo Padovani, a déclaré sa flamme aux femmes artistes chères son cœur avec PrimaDonna, un mini-album de 5 titres sorti fin avril.

À l’orée de l’été, Moodoïd a surgi avec PrimaDonna. Aussi face à nous, dans une suite du splendide palace des Bains où on le rencontre alors, fenêtre ouverte sur Paris et chemise boutonnée en satin. Le décor est séduisant. Pablo Padovani est élégant. Tout autant que son mini-album qui convie cinq artistes féminines françaises et internationales.

Cinq grandes dames et un producteur

Les amoureux de la pop légère et pailletée de Moodoïd attendaient un 3ème album. Finalement, il sera injuste de crier déception face à l’orfèvrerie délicate de PrimaDonna alignant les collaborations toutes plus prestigieuses les unes que les autres : la comète indienne Juliette Armanet sur Idéal, l’iconique Stéphanie Lange tirée de sa retraite artistique sur Puissance Femme, ou encore son amie de longue date Melody’s Echo Chamber sur Only One Man.

Charme de l’esthète, PrimaDonna bénéficie aussi d’une déclinaison japonaise, ô combien sensée quand on connaît l’affection de Moodoïd pour le pays, mais c’est surtout une inscription qui retient notre attention : Volet 1. Si PrimaDonna s’est fait plus petit qu’espéré, c’est peut-être pour s’étoffer ensuite. Un mini-album en cache parfois un autre…

Marin : Salut Moodoïd. Comme ton EP s’appelle Primadonna, j’ai ouvert mon Larousse franco-italien à la page 128…

Moodoïd : Mais non, c’est pas vrai ?

M. : Je me suis un peu arrangé avec la réalité…

M. : Je me disais, le mec est super deep (rires).

M. : Donc dans mon fameux Larousse franco-italien, le mot « PrimaDonna » est traduit par « Première Dame ». Pourquoi ce titre ?

M. : Déjà parce qu’en français « Première Dame » c’est assez ringard (rires). PrimaDonna c’est aussi la première chanteuse dans l’opéra italien. Pour moi, plus encore que les femmes, c’est très important de symboliser les chanteuses et musiciennes. PrimaDonna regroupe cette mise en avant de l’artiste féminine et pose un décor de spectacle qui m’est très cher, à la fois glamour, onirique et magique.

M. : Dans « PrimaDonna » j’entends aussi « Madonna » et l’appel des années 80…

M. : Complètement ! Je me suis posé la question de l’appeler Madonna. La Madone, aussi.

M. : Est-ce qu’on peut dire que tu es fan de Madonna ?

M. : Oui, de sa période années 90 / début 2000. Les albums avec Mirwais et celui qui précède, Ray of Light, que j’ai écouté hier.

M. : Ton album Cité Champagne est très influencé par les années 80. Quel a été le cheminement jusqu’à cet EP ?

M. : Je voulais revenir à quelque chose de plus organique. J’ai conçu les squelettes à partir d’instruments acoustiques comme une guitare classique ou un piano, et ensuite je suis venu ajouter de la production. C’est ce que l’on entend sur Puissance Femme ou French Boy. J’avais envie de revenir à quelque chose de plus simple et de plus direct, de me concentrer sur les chansons. Les collaborations m’ont poussé à travailler chaque chanson comme une entité à part entière.

On a retrouvé Moodoïd dans une suite splendide aux Bains Paris, l’hôtel palace du 7 Rue du Bourg l’Abbé © Anoussa Chea
M. : Comment conçoit-on chaque chanson indépendamment ?

M. : PrimaDonna a été une drôle d’expérience… C’est la première fois que je faisais un album sans faire un album. D’habitude, je maquette le disque, puis on va en studio, on l’enregistre, on le mixe et on le sort. Là, j’ai travaillé chaque chanson séparément. Il n’y a pas eu le jour J où je devais aller en studio. Ça s’est fait selon les collaborations et les expériences avec chacune des artistes. Ça m’a autonomisé, je me suis créé un studio, c’est moi qui ai fait les prises et le travail de production à part entière. C’est une première pour moi.

M. : Quelle expérience en gardes-tu ?

M. : L’expérience a été très enrichissante par les collaborations et le fait que je sois producteur en solitaire de ma propre musique. L’expérience a été de l’ordre de l’apprentissage. J’ai beaucoup appris sur moi-même, comment synthétiser les choses pour obtenir le son que je voulais, et aussi des questions d’ordre technique. L’album précédent (ndlr, Cité Champagne) était davantage une machine à fantasmes où j’avais le rôle de directeur artistique.

M. : Comment se traduit cette autonomie techniquement ?

M. : L’autonomie, c’est d’avoir une batterie dans mon studio, de pouvoir faire venir un batteur et qu’on n’en parle plus. Avant, il fallait booker un studio, que le label soit d’accord pour le budget, avec toute l’organisation que cela implique. Cet aspect-là disparaît. J’ai une idée, tout de suite le son de mon idée, et je peux travailler pour améliorer la matière. Je suis comme un cuisinier qui a tous ses ingrédients et qui peut expérimenter seul, je ne suis plus dépendant de quelqu’un qui va devoir travailler pour moi, et me mettre dans une situation d’attente. Ça m’a amené aussi à produire pour d’autres artistes…

M. : Quel artiste as-tu produit récemment ?

M. : L’album acoustique Simple Minds de Sébastien Tellier. J’ai été tellement heureux d’être 10 jours en studio à l’accompagner. C’est une nouvelle partie de mon travail que j’adore découvrir.

M. : Quel était ton rôle sur Simple Minds ?

M. : Tellier est arrivé avec ses morceaux sans savoir comment les arranger. Ce qui était intéressant, c’est qu’il fallait revenir à l’origine acoustique des morceaux en trouvant la justesse des arrangements. Surtout, pour un artiste comme Tellier qui a une forte personnalité, il fallait se positionner dans un espace où tu ne prends pas trop de place, mais où tu es aussi là pour trouver la bonne idée : « La guitare ce serait une bonne base pour ce morceau, ou cet instrument là… ». Ce qui était génial, c’est qu’il était dans la démarche collaborative de travailler à quatre mains. Il est venu dans mon studio, je me suis retrouvé dans un rôle décisif. Ce genre d’expérience m’apprend aussi beaucoup pour ma propre musique.

M. : Tu as également remixé The Sun de Myd ?

M. : J’anticipe le travail de remix comme un musicien qui fait une reprise. Pour Myd, j’ai chanté en français et réarrangé la structure pour que le morceau devienne une vraie chanson de pop française. Ma première étape c’est d’écouter toutes les pistes de la chanson indépendamment les unes des autres. J’enlève tout ce qui ne m’inspire pas et je garde l’élément qui me plaît pour en faire la base du nouveau morceau. Ensuite, je vais aller chercher de nouveaux accords et un nouvel environnement pour la chanson. C’est un travail d’épure et de sélection.

M. : J’attendais comme beaucoup de monde ton 3ème album… Mais finalement on dirait que PrimaDonna arrive après une période où tu étais très occupé ?

M. : Totalement ! J’ai aussi réalisé beaucoup de clips pour d’autres artistes (ndlr : David Numwami, Adrien Gallo, François-Henri). Le processus collaboratif est aussi très long à mettre en place, il se mérite. Il faut aller chercher des artistes qui me plaisent, échanger, enregistrer… En même temps, ces histoire humaines m’animent et me rendent épanoui, la musique est un prétexte pour vivre des aventures.

 

C’est une démarche qui a grandi en moi avec Langage avec Wednesday Campanella (ndlr, sur l’album Cité Champagne) qui m’a permis d’aller au Japon, tourner des clips là-bas, me retrouver dans des situations absurdes en promo à la télé, faire venir Wednesday en France, chanter en japonais… Je me suis dit : « Ah mais c’est ça le métier que j’ai choisi ». Je me sens hyper vivant de faire ces choses-là.

M. : Il y a une autre aventure humaine, celle avec Juliette Armanet que tu retrouves sur Idéal

M. : On s’est rencontré avec Juliette il y a 5/6 ans quand elle n’était pas encore une star. On s’était donné rendez-vous dans un bar pour parler de la réalisation du clip de Manque d’Amour. J’ai ressenti une puissance qui m’a poussé à lui dire : « Tu mérites un clip avec plein d’hommes nus qui t’entourent » Voilà ce que je lui ai dit pour notre première rencontre (rires). Suite à ça, on a fait un second clip ensemble, j’ai commencé à superviser la direction artistique de ses shows, à la télévision, aux Victoires de la Musique… Il y a une alchimie artistique où quelque chose de fort est passé. On n’avait jamais eu l’occasion de faire de la musique ensemble, c’était une évidence qu’elle fasse partie de PrimaDonna pour qu’elle vienne à son tour dans mon univers.

M. : Tu racontes à propos d‘Idéal : « La chanson évoque la sensation de bonheur et de confiance que l’on peut ressentir quand l’on se drogue avec une personne que l’on aime »…

M. : Ce qui s’est passé, c’est que je n’avais jamais pris de substances… Je suis quelqu’un d’assez sage, en fait (rires). J’ai commencé à boire très tard en tant qu’adolescent. Je faisais mes courts métrages mais je n’étais pas tant intéressé par la fête, la drogue, je n’avais jamais fumé ou bu. J’ai découvert le plaisir des bons vins par la gastronomie. Et plus récemment, j’ai eu l’occasion d’essayer la MDMA dans un cadre bienveillant, en couple, avec une femme que j’aime. J’ai connu une sensation de confiance extrême et d’émotion prenante que je n’avais jamais connu avant. Idéal me rappelle cette sensation car elle a quelque chose de nuage, tout doux, tout flottant.

M. : Atteindre des émotions universelles par un autre biais ?

M. : Il faut aussi savoir que toutes mes chansons sont liées à un souvenir dont j’essaie de transcrire l’émotion.

M. : Est-ce que Juliette Armanet est au courant ?

M. : Oui bien sûr (rires).

« Ces histoire humaines m’animent et me rendent épanoui, la musique est un prétexte pour vivre des aventures » © Anoussa Chea
M. : Puissance Femme est un autre titre marquant de ton EP PrimaDonna. Comment réussit-on à faire sortir Stéphanie Lange de sa retraite artistique ?

M. : J’atteins des choses qui ne pourraient pas m’arriver autrement avec Moodoïd. C’est ma machine à fantasmes. J’étais avec cette chanson et je ne savais pas trop quoi en faire. C’était le premier confinement. Je me suis dit : « Ose le faire, trouver un moyen d’écrire à Saâda Bonaire et envoie lui un message ». Je l’ai fait au culot et je ne pensais pas que ça marcherait. Trois semaines plus tard, Stéphanie m’a contacté en me disant : « Je ne suis pas musicienne, ça fait trente ans que je ne fais plus de musique, on s’est perdu de vue avec le groupe… Mais si tu veux, je suis là. »

M. : Et tu es parti la retrouver en Allemagne ?

M. : J’y suis allé avec un traducteur franco-allemand et elle nous a reçus dans son appartement à Brême. Tout s’est fait de manière naturelle, saine et généreuse. Elle était excitée de recevoir deux jeunes inconnus dans sa ville. Moi, j’étais super ému de ressusciter cette voix incroyable qui a vieilli mais qui est restée la même à la Marianne Faithfull. Je suis très impressionné et heureux de cette collaboration.

M. : Qu’est-ce que représente pour toi son groupe Saâda Bonaire ?

M. : Écoute, c’est très personnel, mais je dois avouer que je me retrouve beaucoup dans l’histoire de Saâda Bonaire. Ma démarche est de recevoir plein de gens en studio, que ce soit une chanteuse ou un guitariste de jazz, et de créer un puzzle à partir des influences que je vais piocher un peu partout. Saâda Bonaire s’est aussi créé de cette manière en improvisant en studio avec des instrumentistes de jazz et Stéphanie au chant… Je me suis reconnu dans cette manière de faire de la musique.

M. : Parlons d’une autre collaboration qui s’est faite désirer avec Melody’s Echo Chamber. Qu’est-ce que votre titre Only One Man concrétise ?

M. : Mon destin est très lié à Melody Prochet (ndlr, leader de Melody’s Echo Chamber), on a commencé à faire de la musique en même temps. Cette chanson était presque devenue un mythe parce que ça faisait six ans que je me la trimballais. Je m’étais fait à l’idée qu’elle ne sortirait jamais. PrimaDonna était le projet parfait pour qu’elle puisse exister, sinon elle n’aurait jamais vu le jour. J’étais soulagé que cette chanson soit enfin délivrée.

M. : Est-ce qu’on peut parler de libération pour toi comme pour la musique ?

M. : Il y a quelque chose d’extrêmement bizarre avec la musique, c’est qu’on peut travailler sur une chanson pendant plusieurs années. Mais quoiqu’il se passe, le jour où la chanson sort, l’émotion est indescriptible. Tu as l’impression qu’elle appartient à d’autres gens et que tu peux passer à autre chose.

M. : Est-ce que tu considères qu’une chanson naît à sa composition ou à sa sortie ?

M. : À sa sortie parce que tu l’offres aux gens. C’est la principale raison pour laquelle je fais de la musique. Si je fais un métier artistique, c’est pour faire rêver, divertir, donner un échappatoire et m’épanouir en même temps.

M. : La principale raison pour laquelle tu fais de la musique, ce n’est pas rien…

M. : C’est ma récompense et mon bonheur. J’ai toujours eu envie que ma vie de musicien ne soit jamais liée à qui je suis dans la vie. J’essaie de faire en sorte que mes thèmes, même s’ils sont personnels, restent universels et puissent faire du bien aux gens. C’est une démarche de pop culture dans le sens du « populaire ».

M. : Quelle serait ta collaboration rêvée ?

M. : Björk ce serait hallucinant. Sans parler de gens inaccessibles, j’ai toujours aimé me confronter à des gens qui ont un univers total. Je cherche une expérience commune qui soit une vraie découverte. Je pourrais être intéressé par des gens qui ont un univers complètement différent du mien. Je pense à Oklou qui est en train de créer un univers qui est loin du mien, mais que je trouve fascinant.

M. : Et ton concert rêvé ?

M. : Mon vrai rêve, ce serait de faire une tournée sold-out au Japon pendant un mois. J’adorerais jouer à Naoshima, un archipel où il y a plein de magnifiques musées d’art contemporain, dont un qui a été designé par l’architecte Tadao Ando (ndlr, la Fondation Benesse). Le concept, c’est un musée enterré qui nous fait perdre tous repères spatio-temporels, et tout d’un coup tu vas avoir un puit de lumière naturelle dont tu ne connais pas l’origine. Jouer là-dedans, ce serait le rêve ultime.

M. : Ma dernière question est la signature chez Arty Magazine. Quelle est ta définition d’un artiste ?

M. : Un artiste est un aventurier qui fait quelque chose de total avec un univers propre.

M. : Est-ce qu’on peut dire que c’est toi ?

M. : Je vise cet objectif en tout cas (rires). J’ai compris très tard que c’était difficile de faire de la musique pop. J’ai commencé en voulant proposer mon univers, avant de comprendre que ça marchait seulement s’il y avait le désir d’être compris par les autres. Je trouve ça extrêmement touchant quand un artiste parvient à créer quelque chose de singulier et de populaire à la fois. Je n’ai pas l’impression d’y être complètement arrivé, mais c’est ma démarche album après album. C’est le travail de toute une vie.

PrimaDonna Vol. 1 est disponible sur Spotify.

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