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Nautilus : « Je voulais repartir sur une formule épurée, simple et plus sincère »

Anoussa Chea

Loïc Fleury, emblématique chanteur de Isaac Delusion, lance son projet solo et vient de faire émerger des profondeurs des mers son Nautilus.

Nautilus nous fait planer avec un premier EP éponyme rafraichissant en nous faisant plonger dans les tréfonds d’un univers parallèle et d’un océan fantasmé dans lequel on se noierait volontiers. Ses textes en français lui vont à ravir et révèlent une nouvelle facette de l’artiste, sa voix est davantage mise en avant et la rythmique se veut plus langoureuse.

Vendredi dernier, jour de la release de ce premier EP et après une nuit pluvieuse, nous sommes partis à la rencontre de Nautilus qui nous a invités à bord de son sous-marin imaginaire échoué dans le 18ème arrondissement. Entretien saveur iodée au cours duquel il nous a parlé de ses textes oniriques et planants, de surf et de sa passion pour l’univers marin.

Anoussa : Nautilus vient tout juste d’émerger des profondeurs. Comment te sens-tu ?

Nautilus : Je suis content d’avoir pu mener ce projet à bien qui a commencé il y a 2 ans. Ça a été long parce que j’ai procédé par étape et j’ai vraiment eu des phases de perte de confiance pendant lesquelles j’ai mis le projet de côté. J’ai toujours des énormes phases de remise en question en permanence, ce qui est très déstabilisant. Parfois, je me disais que je ne le sortirai pas.

A. : Ces phases ne sont-elles pas plus importantes quand tu as un projet solo à l’inverse d’un projet mené en groupe ?

N. : C’est vrai que quand t’es seul, il n’y a pas de moteur, personne pour te rassurer. Mon ami Alain Wits (qui a mixé et a travaillé sur le son du disque) a eu ce rôle et m’a apporté le soutien dont j’avais besoin. Il adorait le projet, il m’appelait et me motivait en me disant qu’il ne fallait pas que je lâche, qu’il fallait que je finisse le disque, alors que j’étais déjà passé à autre chose dans ma tête. Ma copine – qui écrit des bouquins – m’a aussi dit qu’avant de se mettre à écrire un livre, il faut avoir un concept solide et défini qui puisse se résumer en 3 mots. Ça a l’air simple mais c’est dur à trouver. Avec Nautilus, il y a quelque chose de très clair et évident. C’est ce qui m’a poussé à aller au bout de ce projet car le message est clair. On a parfois tendance à se perdre dans des choses abracadabrantes alors que dans ce projet, le thème est simple.

A. : Dirais-tu que cette période de confinement t’a permis de finaliser cet EP ?

N. : Bien sûr. Franchement, je n’ai rien vu du confinement car j’ai travaillé comme un fou. Je suis assez obsessionnel de la musique. Je travaille beaucoup mais heureusement, j’ai une vie de famille qui m’équilibre. Mais avec le confinement, je suis rentré dans un tunnel et je n’ai fait que ça pendant des mois. Je me suis remis en question en me disant que travailler H24, ce n’était pas la vie. J’essaie d’avoir un juste milieu mais ce n’est pas facile quand t’es obsessionnel de quelque chose.

A. : Pourquoi ne pas avoir sorti ce projet sous ton propre nom Loïc Fleury ?

N. : Parce que c’est une de mes facettes créatives. J’ai la chance d’avoir une créativité assez forte. Je suis tout le temps en train de créer des choses et de m’exprimer de différentes façons. Je n’avais pas envie d’associer ce projet (qui est un projet à part entière) à mon nom Loïc Fleury. Je peux encore faire d’autres trucs et aller dans plein d’univers différents. Je n’avais pas envie de « sceller » mon identité personnelle à ce projet. Ça reste une exploration parmi tant d’autres. Mais, peut-être qu’un jour, je sortirais un disque sous Loïc Fleury.

« J’ai la chance d’avoir une créativité assez forte. Je suis tout le temps en train de créer des choses et de m’exprimer de différentes façons » ©Anoussa Chea
A. : Tu as passé une bonne dizaine d’années en groupe avec Isaac Delusion. Comment décrirais-tu cette décennie ?

N. : Ce n’est pas une expérience qui est reposante au quotidien parce que tu es plus ou moins dépendant de plusieurs autres personnes. Tu es obligé de faire avec les envies, les défauts et les qualités de chacun au sein d’un groupe. Je suis quelqu’un d’assez introverti et ça peut être épuisant au quotidien. Logistiquement parlant, c’était devenu un investissement humain et matériel avec une forte implication pour le live. Là, je suis léger, je peux me déplacer sans avoir 3 tonnes de matos à trimballer, je m’installe, je fais mon concert, je n’ai rien à demander à personne et c’est un bonheur.

A. : Sur cet EP, j’ai l’impression que ta voix est davantage mise en avant. Peut-être que cette impression résulte du fait que les titres sont un peu moins produits ? Je me trompe ?

N. : Tu trouves ? Disons que je chante plus naturellement dans ce projet. C’est ma vraie voix et ma vraie tonalité. J’ai souvent tendance à chanter de façon un peu lyrique, à faire des envolées de voix. Parfois, c’est bien de réussir à chanter de façon relâchée avec ma vraie tonalité. En écrivant en français, tu peux moins tricher, moins essayer de mélanger des techniques vocales. Il faut essayer d’être le plus sincère possible. En tout cas, dans ce disque il y a vraiment un énorme travail de sincérité où je parle vraiment de ce que j’aime, de ce que ressens et de ce que j’ai dans la tête. Je voulais repartir sur une formule épurée, simple et plus sincère. J’avais vraiment envie de parler d’un sujet personnel et intime.

A. : En effet, c’est hyper intéressant de t’entendre chanter en français. Quelle différence fais-tu entre le français et l’anglais ?

N. : L’anglais et le français sont complémentaires. L’anglais autorise certaines choses, c’est plus fluide. Il y a moins de mentalisation sur le texte, on se préoccupe plus des sonorités. Mais quand j’écris en anglais, il me manque la sincérité : même si j’écris bien en anglais, ce n’est pas ma langue maternelle, il y a quand même un gap. C’est difficile de parler de choses que j’ai au fond du cœur en anglais parce que je ne suis pas anglais. Il y a la barrière de la langue.

 

Écrire en français permet de rentrer dans une sorte d’intimité, on ne peut pas se cacher derrière un texte en français. C’est hyper gratifiant et ça soulage d’écrire en français parce qu’il n’y a pas ce travail de traduction, il n’y a pas de filtre et c’est chouette. Je me suis rendu compte que quand je chantais des chansons en français, les gens réagissaient super bien. J’ai l’impression que c’est ce qu’il manque avec Isaac, le public trouve que c’est super cool mais il ne comprend pas les paroles. Je me suis rendu compte récemment que les gens qui écoutaient Isaac étaient principalement des français. C’est marrant que cette musique anglo-saxonne ne soit écoutée que par des français. C’est pour cette raison que j’ai crée Nautilus : j’ai un public de français, je vais leur offrir un disque en français (rires).

A. : Ton EP parle essentiellement de la mer, de l’océan et de la vie marine. D’où te vient cette passion ?

N. : J’ai toujours été passionné par l’univers marin. Mon père – qui a des origines bretonnes – est lui-même un mordu de voile. Depuis que je suis gamin, je pars faire du bateau avec lui dans le Morbihan. Ça a toujours été présent dans mon identité.

A. : J’ai cru comprendre que tu étais aussi un grand adepte de surf…

N. : Le surf est un sport que je pratique depuis de nombreuses années. Comme je n’ai jamais habité aux bords de la mer, c’est hyper dur d’en faire régulièrement et de progresser. Mon rêve d’ado était d’habiter près d’un spot de surf. Ce rêve me semblait inaccessible. Finalement, j’ai réalisé ce rêve il y a 2 ans quand je me suis installé à Erdeven. J’habite à côté d’un spot et je peux aller surfer plusieurs fois par semaine.

A. : Qu’est que le surf te procure ?

N. : Ça me fait un bien fou, ça me vide l’esprit et ça m’inspire énormément pour écrire des chansons, c’est un peu méditatif pour moi. J’ai réussi à évacuer et à expulser une sorte d’énergie que j’avais en moi et ça m’a fait du bien. C’est grâce au surf que j’ai pu faire un disque aussi apaisé. J’ai passé beaucoup de temps dans l’eau, ça m’a semblé naturel de produire cette musique assez vaporeuse, chill et douce. Mais, c’est dur de décrire les sensations, de parler de la mer et de l’océan. C’est très aléatoire parce que chacun en a sa propre vision. Et, quand tu commences à parler de surf, ça peut tout de suite faire Brice de Nice.

« C’est grâce au surf que j’ai pu faire un disque aussi apaisé. En passant beaucoup de temps dans l’eau, ça m’a semblé naturel de produire cette musique assez vaporeuse, chill et douce » ©Anoussa Chea
A. : As-tu été inspiré par d’autres choses pour composer cet EP ?

N. : Je me suis inspiré de différentes œuvres liées à l’océan. J’ai dévoré Vingt Mille Lieues sous les mers de Jules Verne. J’ai eu le coup de foudre pour cet univers. Les sous-marins m’ont toujours à la fois fasciné et effrayé. J’ai aussi regardé le documentaire Homo Delphinus sur Jacques Mayol (le plongeur qui a inspiré le film Le Grand Bleu de Luc Besson, ndlr) qui est remarquable. Ce documentaire m’a donné énormément d’inspiration et m’a permis d’écrire le morceau Bleu Electrique qui est plus ou moins une référence à Jacques Mayol.

A. : D’ailleurs dans Bleu Electrique, tu décris les tréfonds de l’océan comme si tu étais toi aussi un plongeur professionnel…

N. : Ce que j’aime faire, c’est m’approprier des personnages. Je dis « je » mais je n’ai jamais fait de plongée. J’aime vraiment raconter les histoires comme si j’étais un personnage.

A. : Ça te plairait de plonger ?

N. : La plongée me terrifie un peu. Je n’aime pas la sensation que ca procure au niveau des oreilles. Je trouve cette sensation insupportable. Je préfère rester à la surface mais la plongée me fascine. Dans ce disque, il y a aussi un rapport avec l’extrême et les gens qui vont dans l’extrême (que ça soit dans l’apnée ou les surfeurs qui prennent des vagues de 15 mètres). Dans Bleu Electrique, il y a une référence à ça quand je dis « emmène moi dans la nuit noire ». Quand je vois les surfeurs tomber et prendre des vagues à Nazaré par exemple, je me demande ce qu’il se passe physiquement. J’ai vu des témoignages qui disaient que quand ça arrive, la vague t’emmène et te propulse tellement profondément que tu disparais dans la nuit noire pendant quelques secondes. Il y a un autre rapport à la mort. C’est vraiment oublier sa peur de la mort.

A. : Dans le refrain de Bleu Electrique, tu chantes aussi « Je descends toujours plus bas vers les étoiles, je ralentis le rythme de mon coeur, tête baissée vers le néant. Emmène moi dans la nuit noire, ma place est là. Un peu plus bas, juste pour voir jusqu’où la lumière me suivra. » Tu te la joues Thomas Pesquet mais dans l’autre sens ?

N. :  C’est ça (rires) ! C’est tout bête mais quand je dis « Je descends toujours plus bas vers les étoiles », je fais référence aux fonds marins et aux poissons qui brillent comme des étoiles. En écrivant cette parole, je me suis rendu compte qu’il y avait plein de métaphores autour de cette phrase. Les profondeurs de l’océan sont aussi inconnues que ce qu’on a au-dessus de la tête.

A. : Pour le titre Les Méduses, c’est aussi une histoire que tu nous racontes ou c’est inspiré de quelque chose que tu as vraiment observé ?

N. : Parler des méduses m’est venu un jour où j’étais à la plage avec mon fils. Il y avait une énorme méduse morte sur la plage. C’est vraiment un souvenir d’enfance parce que j’ai passé beaucoup de vacances au bord de la mer. Les méduses m’ont toujours fasciné quand j’étais gamin avec leur texture gélatineuse. J’avais toujours envie de les toucher, je les retournais, je regardais comment elles étaient constituées, je leur jetais des trucs dessus.

A. : Où te sens-tu le mieux ? Sur l’eau ou sur scène ?

N. : Bonne question ! Là, franchement, je ne pourrais pas répondre. J’aime tellement surfer et être sur l’eau. J’aurais du mal à répondre et à choisir. J’aime bien la scène mais je suis quelqu’un d’introverti – même si on ne dirait pas comme ça. À chaque fois, la scène est une épreuve pour moi. Je n’ai pas le trac mais le moment où tous les yeux sont sur moi et être au centre de l’attention me dérangent et c’est un peu compliqué pour moi.

A. : On arrive à la question signature chez Arty Magazine. Quelle est ta définition d’un artiste ?

N. : Un artiste, c’est un guerrier qui va prendre un chemin différent des autres et qui va se battre pour pouvoir vivre selon sa propre vision.

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