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Octavio Mai, la mélancolie en trompe-l’œil

Octavio Mai, la mélancolie en trompe-l’œil

Marin Woisard

En tandem à la ville comme à la scène, Juliette Bazenet et Johan Putet sortent aujourd’hui l’EP « La Nuit Reviendra ». Interview duo avec Octavio Mai.

Avant, Octavio Mai s’appelait KØS. Mais ça c’était avant. Juliette Bazenet et Johan Putet ont fait table rase de leur identité androgyne, et laissé leur premier hit « Light and Shadow » à jamais gravé dans nos historiques Youtube. Désormais, leur identité est plus chaude, l’imagerie toujours aussi léchée, et Juliette chante en français. La posture de leurs clips et de leurs shootings évoque la grande peinture, une main tendue vers la sensibilité, subtilement alanguie, délicieusement anachronique.

Désormais, leur identité est plus chaude, l’imagerie toujours aussi léchée, et Juliette chante en français.

Musicalement, leur identité trempée se traduit par des explosions orchestrales teintées d’électro. Leur EP « La Nuit Reviendra » dévoile une amplitude d’émotions évoquant Mylène Farmer, M83 et Woodkid : la chanson d’amour « Yeux Turquoise », l’affirmation féministe de « Mon désir », la course aux souvenirs de « Rêveries ». Pas de hasard, Johan présente un gros passif dans le rock indé et Juliette témoigne d’une force autodidacte hors du commun. Sous leur chill olympien, Octavio Mai nous réserve un tourbillon d’émotions prêt à exploser. Bouillonnants, on a dit.

https://www.youtube.com/watch?v=-uv_DB455-M&feature=youtu.be

Marin : Quel est votre parcours avant Octavio Mai ?

Juliette : J’ai fait de la flûte traversière pendant 12 ans avant d’apprendre la guitare grâce à des tutos sur Internet. J’ai rencontré Johan en 2016 avec qui j’ai commencé à faire de la musique.

Je travaillais comme juriste il y a encore quelques mois. Cette expérience pro m’a aidé à construire notre projet musical comme une petite entreprise : en équipe.

Johan : J’ai commencé à faire de la batterie à 18 mois car j’étais hyper-actif. Je me suis mis ensuite au piano classique avec une vieille dame qui enseignait de manière « traditionnelle ». Je me suis pris quelques coups de règles (rires).

Marin : Quel était l’objectif en passant de KØS à Octavio Mai ?

Johan : Il y a un vrai fil rouge, on veut faire de la grande musique avec de l’électro.

Juliette : Le plus grand défi c’est de mêler l’orchestral à une prod actuelle. Nos titres en français sont d’autant plus personnels qu’Octavio Mai est un projet avec une histoire derrière.

M. La communication avec le public est plus immédiate ?

Juliette : J’ai l’impression de beaucoup moins mentir en écrivant en français. C’est plus sincère, on se dévoile clairement plus.

M. Mais en même temps, ton phrasé est super poétique…

Juliette : Je veux éviter à tout prix de tomber dans la dimension cheap où les textes sont compris dès la première écoute.

Johan : On a tous les deux été extrêmement touchés par les poètes de Feu! Chatterton. On aimerait tendre vers cet esprit là plutôt que vers la variété. Enfin eux, ils sont au-dessus de tout.

M. Vous portez aussi l’émotion par la puissance orchestrale…

Juliette : On est adeptes du frisson qu’on ressent en musique classique avec la « résolution ». Les explosions instrumentales ont quelque chose de libérateur.

Johan : On a la culture du poil qui se hérisse.

M. D’où tenez-vous vos inspirations ?

Johan : Au début de la composition, on ferme les yeux en s’imaginant des images. Tout commence par un ressenti, après la structure s’en mêle.

Juliette : Il y a un aspect très cinématographique qu’on développe par ailleurs avec les clips.

M. Et en terme d’affinités musicales ?

Juliette : L’album « Junk » de M83 nous a beaucoup inspiré, comme l’électro de James Blake, les chœurs de Oh Land, la voix lancinante de Lana Del Rey.

Johan : Les morceaux de Lana Del Rey sont vraiment chanmés, il y a une identité pop qui nous parle vraiment.

M. Ces références peuvent paraître étonnantes quand on sait que vous avez bossé avec Sage, plutôt connu pour ses ambiances intimistes ?

Johan : Ambroise (ndlr : Sage) a co-produit l’album de Woodkid…

Juliette : D’ailleurs Woodkid est une référence, on l’a oublié (rires).

Johan : Ça nous a branché d’avoir les mêmes sources orchestrales, dans cette volonté de rendre l’EP plus pop qu’il ne l’était déjà.

Juliette : Il nous a apporté un recul, une homogénéisation, et de nouveaux accords. Tout était basé sur l’échange. Il s’est très peu prononcé sur les textes, à part quelques mots sur « La Nuit Reviendra ».

M. En parlant de « La Nuit Reviendra » justement : le titre évoque la peur du noir, ce vide qui tétanise notre génération et qu’on comble grâce aux lueurs des écrans. C’était une intention consciente ?

Juliette : Ça part de mon histoire personnelle. Je me suis dit que beaucoup de gens pouvaient se retrouver dans l’angoisse de l’insomnie. J’ai une peur panique du noir, si je pouvais dormir avec une veilleuse je le ferais. La présence constante de la lumière en ville crée une dépendance.

Johan : Chercher la lumière ça peut-être parler à quelqu’un, chercher une présence.

Juliette : Il y a une part un peu égoïste dans la solitude. Dans les moments de création, on se met en mode avion et on ne répond plus. Inversement, le vide peut-être comblé en sortant, en allant voir des amis.

M. L’un de vos titres marquants est « Mon Désir ». Vous évoquez le refus d’une vie que l’on n’a pas choisi à travers le personnage de Suzie. C’est un sujet qui vous tient à cœur ?

Juliette : Je l’ai écrit au moment de ma réorientation vers la musique. J’étais encore en entreprise : c’est venu de réflexions de collègues et la peur de réactions de ma famille.

Toute cette génération est en train de dire non au CDI, à l’emprunt, et à la stabilité en général. C’est un discours très actuel, de dire non à tous les diktats. Suzie c’est la femme que je ne voulais pas être dans 15 ans, cette chanson est un exutoire.

M. Vous présentez une large palette d’émotions à travers chaque morceau de votre EP…

Johan : Ce n’est pas parce que la couleur dominante est sombre que tous les morceaux sont noirs.

Juliette : Mais à chaque fois il y a une lueur d’espoir, ça se termine par quelque chose de positif.

Par exemple, « On Ira » est plus dance, mais on s’y retrouve en racontant ce désir de fuite, cette histoire d’amour contre l’avis général.

M. Les clips apportent une nouvelle lecture à votre univers. Comment avez-vous géré cet aspect de la création ?

Juliette : On s’est tout de suite accordés sur la vision cinématographique avec le réalisateur Lokmane. Il a également fait la pochette de l’EP dans un style rétro-futuriste, très osé, à la limite du kitsch.

Johan : Il a bossé sur les deux clips qui créent une histoire continue. Pour « La Nuit Reviendra », on est allés tourner sur les falaises d’Étretat et dans une serre aux papillons en banlieue parisienne.

Juliette : C’est essentiel pour nous de présenter un univers complet où tout le monde puisse se retrouver.

RELEASE PARTY DE "LA NUIT REVIENDRA"

Jeudi 6 juin à partir de 20H
au Hasard Ludique
128, avenue de Saint-Ouen, 75018 Paris
10€ en prévente

L'événement Facebook
Écouter « La Nuit Reviendra » sur Spotify

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