Stéphane Bigeard : « L’objectif de mon livre est de parler de la culture des points forts »
Son avidité pour l’écriture et son gros penchant pour la…
Stéphane Bigeard accompagne entreprises et dirigeants depuis plus de 30 ans. Mais en 1996, c’est pour accompagner une entreprise un peu particulière que ce consultant en management est contacté : le RC Lens, ayant fait ses débuts laborieux en Ligue 1. C’est 25 ans plus tard, en juillet 2021, que celui-ci publie De l’ombre à la lumière du Nord aux éditions Jets d’Encre, inspiré du succès du RC Lens (alias les Charbons Ardents) en 1998 dont il est à l’origine. Interview avec l’homme de l’ombre, devenu écrivain, de ce petit club de foot, devenu grand.
Anaïs : : Il existe peu de littérature sur le management d’une équipe de foot. C’est pour cette raison que vous avez voulu livrer votre témoignage sur le sujet ?
Stéphane Bigeard : Je voulais simplement raconter ce que j’avais vécu pendant ces années dans ce club et comment ce petit club de foot était devenu champion. Mais, je n’ai pas pu le faire pendant très longtemps car c’était un peu tabou à l’époque qu’un « consultant » intègre un club de foot pour lui donner des conseils en management. Cela se faisait très peu, voire pas du tout.
A. : Comment l’expliquez-vous ?
S.B. : Un entraîneur n’a a priori pas besoin d’un consultant pour réussir. J’ai d’ailleurs attendu l’autorisation de Daniel Leclercq, qui a écrit un livre sur son expérience en tant qu’entraîneur, pour en parler. Mais, être consultant dans une équipe de foot en 1996 était vraiment inédit. Finalement, c’est tout à fait possible d’apporter du management autant dans une équipe de sport qu’une entreprise ou un magasin. Il y a de la même manière une équipe, un manager, une organisation, un processus et une direction.
A. : Et c’était une expérience inédite pour vous d’accompagner l’entraîneur d’une équipe de foot. Vous n’avez pas hésité un seul instant d’ailleurs ?
S.B. : Non ! Quand j’étais enfant, j’ai toujours rêvé d’être champion. Comme je faisais du judo, je m’étais dit que je serais champion de judo. Mais je me suis rendu compte, enfin j’ai cru, que je n’avais pas les capacités pour être champion. Alors quand je suis devenu adulte, et que j’ai compris que ce n’était pas seulement une histoire de talent mais une histoire de révélation des forces, je me suis dit que j’allais aider les gens à devenir champions. J’ai commencé par accompagner des dirigeants d’entreprises puis j’ai eu cette opportunité de pouvoir faire la même chose dans le football. Pouvoir accompagner des sportifs de haut niveau, c’était le Graal.
A. : Pourquoi dites-vous que vous avez cru ne pas avoir les capacités pour être un grand champion de judo ?
S.B. : J’avais potentiellement un truc puisque j’ai participé au championnat de France sauf que je me faisais systématiquement battre par de grands champions. J’ai arrêté mais je me suis rendu compte après coup que les entraîneurs avaient passé leur temps à m’entraîner sur ce que je ne savais pas faire. Je me suis dit que s’ils m’avaient fait travailler sur mes points forts et mes talents, j’aurais eu d’autres résultats. C’est ce que j’ai ensuite prouvé dans les entreprises avec lesquelles j’ai travaillé et dans ce club de football.
A. : Donc ce livre est tout autant un témoignage sur l’histoire du RC Lens (alias les Charbons Ardents) qu’un enseignement de votre approche managériale qui consiste à révéler les forces ?
S.B. : C’est exactement ça ! Sur toile de fond du sport, le vrai objectif du livre est de parler de la culture des points forts.
A. : Votre approche managériale est simple, du moins en apparence : révéler et développer les points forts. Pourquoi c’est finalement plus difficile à mettre en place que l’on pourrait penser ?
S.B. : L’explication se trouve dans notre culture. Nous sommes dans une culture judéo-chrétienne qui repose sur le péché originel. La faute doit être confessée, décortiquée, analysée. Nous sommes constamment en train d’analyser pourquoi ça ne marche pas. Inversement, si vous prenez la culture anglo-saxonne protestante, on est sur une culture positive dans laquelle c’est le talent qui doit être révélé et utilisé au quotidien. Et de notre culture découle toute une mentalité.
A. : Vous avez finalement réussi, en 2 ans, à changer l’approche de Daniel Leclercq, alias Denis Lineck ?
S.B. : Oui. Bon au début, il n’y croit pas trop mais il finit par se rendre compte qu’exploiter les points forts de ses joueurs est plus efficace que de se concentrer sur leurs erreurs. En fait, le vrai titre du livre, c’est : « Ce que je regarde, se développe ». Que l’on regarde le négatif ou le positif, il se développe.
A. : Donc remporter des matchs de foot n’est pas seulement une question de joueurs qui doivent être bons, c’est ça ?
S.B. : Regardez ce qui se passe à Paris en ce moment. Sur le papier, vous avez les meilleurs joueurs du monde mais on ne travaille en aucun cas leurs forces et on ne fait que pallier aux problèmes dans ce club. Et cela fait 10 ans que cela dure à renfort de milliards !
A. : Au final, votre livre est aussi un livre de développement personnel et professionnel.
S.B. : Exactement ! Il y a vraiment des choses dans ce livre que l’on peut s’accaparer pour soi-même. Par exemple, on peut faire le pêle-mêle dont je parle au début du livre pour se rendre compte de ses priorités dans la vie. J’ai vraiment cette ambition d’aider les gens à conscientiser leurs talents au lieu de débattre de leurs erreurs.
A. : Vous dites qu’avant cette expérience, vous n’aviez jamais mis les pieds dans un stade de foot. Êtes-vous désormais un vrai fan ?
S.B. : Ah oui ! Quand on passe 7 ans de sa vie dans des stades prestigieux, à accompagner les managers et à rencontrer les plus grandes équipes, on est forcément pris dans l’euphorie de la compétition. Encore plus avec la ferveur populaire qu’il y a autour du foot. À la fin, quand on a gagné le titre, je suis carrément tombé dans les vapes.