Fondateur et ex-rédacteur en chef d'Arty Magazine, le grand manitou…
Lauréat du dispositif Variation(s), Timothée Joly bénéficiera d’une carte blanche le 24 septembre au FGO Barbara. Artiste autodidacte né aux confluences du mainstream et d’Internet, le chanteur a toutes les cartes en main pour imposer sa patte.
Ne dites pas à Timothée Joly qu’il est rappeur, même si l’artiste a longtemps été catalogué « nouvel espoir du cloud rap ». Timothée Joly est chanteur. D’un genre nouveau, cela va de soi. On parle dans les milieux bien informés d’emo-pop, avec les clips MTV pour socle culturel et la viralité du web pour diffuseur.
Les différents artistes de cette vague naissante ont chacun leurs atouts comme les Pokémon que l’on collectionnait au collège : l’eau avec la mélancolie écorchée de Lësterr, le feu avec la diva DIY Oklou, l’air avec le rock hybride de Las Aves. Le renouveau d’une chanson française vieillissante passera par eux.
Timothée Joly, armé de son arsenal de producteur – effets vocaux, esthétique futuriste, mélodies léchées – était le quatrième élément manquant. Les pieds sur Terre, les mains en or, l’artiste en évolution dévoilera ses nouvelles attaques le 24 septembre au FGO Barbara.
Marin : Hello Timothée. Ta première évolution musicale, c’est International : 1+138 en 2018. Quel était l’angle d’attaque de cet EP ?
Timothée Joly : Je voulais être le plus pop et le plus original possible avec les moyens qui m’étaient accordés. Cet EP est la suite logique de ce que j’écoute notamment de musique qui passe en radio. Je fais de la musique en donnant ce que je mange.
M. : Quelles références manges-tu ?
T. : J’écoutais surtout Skyrock avec des artistes comme Akon quand j’étais petit. Dès que j’ai découvert Internet, j’ai commencé à chercher par moi-même les artistes de notre génération. J’ai mêlé involontairement toutes ces références dans ma musique.
M. : Est-ce que tu qualifierais ta musique plutôt de rap ou de pop ?
T. : Je ne me considère pas comme un rappeur, j’ai vraiment pour ambition de faire de la pop. Je comprends que l’on puisse me mettre une étiquette « rap », mais je pense que ça n’a pas trop de sens. Dans les thématiques abordées, je me revendique davantage de la chanson que du rap.
M. : Le clip de POP.S74RR réalisé par l’agence Synthetic est sans équivoque. Quel a été le cheminement pour créer cette esthétique ?
T. : On a tourné le clip à L’International à Paris, puis dans une maison de colons à Amsterdam et à Berlin où je suis parti pendant un mois. J’ai fait le montage ainsi que tous les effets Snapchat. C’était une collaboration avec mon ami de l’agence Synthetic qui a tourné les images.
M. : Que voulais-tu transmettre avec cette esthétique ultra-réaliste ?
T. : Le clip s’est fait spontanément, si message il y a, c’est au public de le dire. Comme lorsque tu vas voir un psychologue pour analyser les situations, le public saura trouver le sens qu’il veut y mettre.
M. : Parlons de ta signature récente chez Because Editions, de l’arrivée de ton manager et de Pedro Booking. Comment ça s’est goupillé ?
T. : Tout est arrivé super vite. Les acteurs de ma vie ont été castés en trois mois. J’ai signé chez Because Editions en novembre 2018, ensuite j’ai vu Pedro Booking en décembre et mon manager est arrivé en février 2019. Tout m’est tombé dessus au même moment, ce sont eux qui m’ont contacté. J’ai décidé de les rejoindre eux en particulier parce que si le nom d’une maison a son importance (ndlr : Because Editions), la rencontre avec les cerveaux qui y sont l’est encore plus.
M. : Et la rencontre avec les Pirouettes pour Lâcher prise, c’était aussi un hasard ?
T. : Léo et Vickie (ndlr : The Pirouettes) me suivaient après la sortie de mon morceau Le Parfum des Filles et ils sont venus à l’un de mes concerts à l’International. C’est d’ailleurs celui qui a été filmé dans le clip de POP.S74RR. On a commencé à s’envoyer des textos à partir de ce moment. J’ai produit Lâcher prise chez ma grand-mère, je suis allé le faire écouter à Léo et il l’a retenu. Je ne pensais pas que j’allais chanter dessus à ce moment, mais Léo m’a poussé à faire quelque chose. Le texte est venu naturellement parce que j’étais dans une phase où j’étais vraiment enfermé dans mes soucis, c’était difficile psychologiquement. Ça a donné ces paroles.
M. : Tu as ensuite suivi pendant un an le dispositif Variation(s) au FGO Barbara. La sélection s’est aussi faite par textos ?
T. : C’était différent (rires). Au départ, de nombreux artistes parisiens ont répondu à l’appel… Puis il y a eu une première sélection d’une centaine d’artistes qui ont passé un entretien avec trois jurys composés, entre autres, d’anciens artistes Variation(s). Je ne pensais pas que je serais pris et j’ai été sélectionné.
M. : En quoi consiste ce dispositif d’accompagnement ?
T. : FGO Barbara a mis à disposition des salles de répétition, des studios de musique et des cours très variés. Ils m’ont accompagné dans ma jeunesse artistique. À la base, ça devait aboutir sur des collaborations avec d’autres artistes. Le confinement a commencé pendant que le projet se lançait, alors ils ont proposé de le faire à distance, mais c’était compliqué sachant qu’on était quatre dans la boucle. Ça n’a pas pu se faire et c’est bien dommage.
M. : Comment le confinement s’est passé pour toi ?
T. : Je n’avais plus de problèmes car je n’avais plus le temps de penser à des problèmes. Mais le confinement m’a surtout stoppé dans ma lancée, alors qu’il y avait une tournée prévue, un mix à New-York, une date à l’Urban Week Paris. Tout s’est arrêté net. Du coup, je me suis retrouvé face à moi-même, c’était difficile.
M. : Qu’est-ce que je peux te souhaiter pour éliminer ces soucis ?
T. : Tu peux me souhaiter de pouvoir voyager. J’aime faire de la musique pour pouvoir m’évader mais avec le Coronavirus c’est tellement compliqué. J’ai envie de partir dans une ville où je ne connais rien, même pas la langue. Mon prochain EP a été composé à Berlin où je me suis imprégné d’une énergie qui est différente. C’est un schéma qui m’aide à créer quelque chose que je n’arriverais pas à faire ici. J’ai besoin de voir le monde.
M. : Tu as envie de nouveaux featurings comme celui des Pirouettes ?
T. : J’ai envie d’exister en tant qu’artiste avant ça, plutôt que d’exister à travers les autres. Je peux faire des featurings avec d’autres artistes, mais mes chansons doivent rester mes propres chansons.
M. : Ma dernière question est la tradition chez Arty Magazine. Quelle est ta définition d’un artiste ?
T. : Un artiste, c’est un artisan qui met du cœur à l’ouvrage en y insufflant une personnalité.