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« La Communion » : Le portrait touchant d’un délinquant devenu prêtre malgré lui

« La Communion » : Le portrait touchant d’un délinquant devenu prêtre malgré lui

Alma-Lïa Masson-Lacroix

De nombreuses fois nominé et récompensé à travers le monde, le troisième film de Jan Komasa dépeint le portrait touchant d’un jeune homme tout droit sorti d’un centre de détention qui s’invente prêtre dans un village afin d’échapper quelques instants à sa réalité et son absence d’avenir.

Le film commence en nous montrant un univers carcéral sans merci, au sein duquel Daniel fait la rencontre d’un prêtre qui l’inspire et lui fait découvrir une autre voie, spirituelle, qu’il aimerait poursuivre. Poursuite rendue impossible par le crime qu’il a commis, ne s’offre alors à lui comme avenir le même que celui de tous les jeunes qui sortent de ce centre – aller travailler dans une usine de menuiserie dans un petit village de la région. Lors de sa sortie, il s’enfuit de sa liberté conditionnelle et se fait passer sur un coup de tête pour un jeune prêtre en vacances auprès de l’église du village. Par un jeu de hasard, il se retrouve à devoir prendre la tête de la paroisse. Il compense alors son absence de connaissance du dogme par une spontanéité innocente, revenant à sa propre expérience de sa foi récente plutôt qu’aux règles de l’Église – qu’il ignore. Cette authenticité plaît aux gens du village, qui l’accueillent au sein de leur communauté, lui révélant alors la plaie béante laissée par une récente tragédie.

Un jeune délinquant transformé en prêtre d’une petite paroisse polonaise

Le beau scénario de Mateusz Pacewicz repose sur plusieurs cas réels, et s’interroge sur les motivations et la personnalité charismatique de ce jeune homme imposteur. Daniel cherche-t-il le pouvoir ? La fuite ? Ou bien le pardon ? L’intérêt de ce scénario repose, à mon avis, sur l’absence de manichéisme et de stéréotypes. Il n’y a pas de réponse claire, et tout est ambiguë. Le film est moins une histoire anecdotique qu’un portrait humain complexe et détaillé, et de ce fait, évite le pathos stéréotypé dans lequel il aurait pu facilement tomber. D’ailleurs, le film doit énormément à l’interprétation de Bartosz Bielenia (Daniel) qui offre un personnage d’une grande complexité. Sensibilité et violence, culpabilité et innocence se confrontent en lui et dressent un portrait profondément humain et attachant. Le spectateur se prend au filet de son mensonge avec plaisir, et surtout avec espoir, tout en redoutant l’inéluctable fin qui se fait sentir petit à petit, piégeant le personnage dans sa propre imposture et son passé.

En effet, Daniel est un personnage piégé. Piégé par son passé, par un crime involontaire, piégé par le rôle de prêtre qu’il incarne pourtant pour s’échapper, piégé par une société qui ne pardonne pas, par une absence d’avenir. Le film est une fable sociale, qui emprunte d’ailleurs de nombreux motifs au genre du mélodrame. Il raconte l’histoire d’un homme qui ne peut sortir d’un passé qui le hante, et qui définira son « destin » social. Il fait l’expérience, dès le début de sa liberté conditionnelle, de la discrimination au faciès. Il est traité comme un paria, et c’est en réaction à ça que l’imposture se met en place. Il s’agit d’une provocation autant que d’une tentative d’écrire une nouvelle histoire, non dictée par son passé et sa catégorie sociale. Ainsi, le film dresse un portrait d’une société hypocrite, car bien que profondément religieuse, elle semble incapable de pardonner,  incapable d’offrir à ces jeunes une autre voie que l’alternative usine ou prison.

La religion n’est pas le sujet central du film

Pour ce qui est de la religion, elle n’est pas centrale. Ou du moins pas dans le sens conventionnel du terme. Ce n’est pas un film sur la quête spirituelle d’un jeune délinquant. Ce n’est pas non plus un film d’initiation comme il y en a tant, sur l’apprentissage d’un dogme, catholique ici, mais qui pourrait être en réalité celui de n’importe quelle religion. C’est un film qui questionne la foi et surtout son rôle au sein d’une communauté. Le personnage du jeune prêtre non formé permet de sortir des cases du dogme catholique. Comme je l’ai dit, ses paroles, ses sermons viennent du cœur, sont maladroits et incultes. Il s’agit d’une expérience intime de la religion, mais aussi et surtout de la culpabilité, du crime, du pardon, du rejet… Les propos dogmatiques et formels reprennent alors un ancrage humain et quotidien, et révèlent le vrai sujet du film – la communauté des petits villages, comme il y en a en Pologne ou partout ailleurs. Alors, à ceux qui redoutent que leur athéisme fervent les désintéresse du film, n’hésitez plus !
Bartosz Bielenia porte bien la soutane

L’histoire de La Communion est une belle histoire, une belle fable et l’interprétation de Bartosz Bielenia, comme je l’ai dit, soutient le film et compense, peut-être, un manque de singularité de la mise en scène et de la forme. Scénario, montage, cadrage sont assez (trop) classiques – assez bien menés pour en faire un bon film et mettre en valeur l’histoire, mais trop peu pour différencier le film des autres en révélant la touche personnelle de Jan Komasa et sa sensibilité de réalisateur. Néanmoins, il a su rassembler une très belle équipe, et a créé un bel objet, à la fois touchant, intéressant, et intelligent, qui n’augure que des bonnes choses pour la suite de sa carrière.

Un beau film touchant, intéressant et intelligent… Malgré une réalisation très classique

Paul Schrader disait des bons films qu’ils ne commençaient vraiment qu’à partir du générique de fin. Les bons films ne sont bons que par l’effet qu’ils laissent au spectateur et la traces que ces derniers en gardent. Le film de Jan Komasa, par ses images de fin, violentes et crues, relève le challenge et nous laisse pantois, produisant cet effet si particulier que l’on peut avoir à la fin d’une bonne séance ; nous restons, face aux dernières images, avec l’impression de souffle coupé et de retour brutal à la réalité.

LA COMMUNION
Réalisé par Jan Komasa
Avec Bartosz Bielenia, Eliza Rycembel, Tomasz Zięteka
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