« Le Peuple Loup », une fable écologique enchanteresse
Il mène sa vie une manette à la main, absorbant…
6 longues années après l’exceptionnel Chant de la mer, Tomm Moore (et son comparse Ross Stewart) est de retour avec un conte enchanteur qui vient clore sa trilogie explorant le folklore irlandais. Nous sommes au XVIIe siècle et l’Angleterre citadine cherche à dompter la puissance de la nature celte. Bienvenue au Pays des loups.
En Irlande, au temps des superstitions et de la magie, Robyn, une jeune fille de 11 ans, aide son père à chasser la dernière meute de loups. Mais un jour, lors d’une battue en forêt, Robyn rencontre Mebh, petite fille le jour, louve la nuit. Désormais pour Robyn, ayant rejoint elle aussi le peuple des loups, la menace ne vient plus des loups, mais bien des hommes !
L’Homme est un loup pour l’Homme
L’Irlande, contrée mystérieuse peuplée de créatures magiques. On connaissait les leprechauns, les esprits, voici les loups menés par une mère et sa fille, le Peuple Loup ou Wolfwalkers en version originale, soit « Ceux qui marchent avec les loups ». Thème cher au cinéaste, les rapports entre l’Homme et la Nature sont justement disséqués dans cette fable menée tambour battant et aux accents miyazakistes. De son propre aveu pourtant, l’inspiration du film ne lui est pas tant venue des chefs d’œuvre du maître japonais que de l’école de l’Est européen – une culture riche et variée de l’animation à découvrir notamment dans de formidables courts métrages tchèques, polonais…
Le Peuple Loup est un film à l’animation joyeuse et accessible, qui rappelle les graphismes des jeux Monkey Island. Les décors de l’automne irlandais y sont chauds et colorés, en opposition évidente avec l’indifférence et la froideur d’une ville tout à fait enclavée derrière ses hauts remparts. De façon toujours très intelligente, les deux co-réalisateurs jouent des dissemblances entre le monde des hommes, violant et égoïste, avec celui des loups, chaleureux, ouvert et bien plus humain. L’histoire ne laisse pas forcément beaucoup de surprises, cependant l’efficacité et l’intensité de certaines scènes sont absolument authentiques et il est difficile de ne pas trembler pour nos deux petites héroïnes.
Une jolie singularité au pluriel
On te parlait d’inspiration, qu’elle soit consciente ou pas – il y a des liens à faire entre Le Peuple Loup et quelques jolis succès de l’animation internationale. L’héroïne, Robyn, est un miroir plus jeune mais tout aussi déterminé que Merida (Rebelle, 2012). Mebh, sa compagnonne sauvage d’infortune, lorgne du côté d’une Mononoke terrifiante en meneuse de meute (Princesse Mononoke, 2003). Il y a également un peu de Pocahontas dans le film, autant la version Disney que celle de Terrence Malick. Aucune crainte à avoir cependant : Le Peuple Loup est bien son propre film. La maîtrise évidente de Moore et Stewart pour les fables écologiques teintées de folklore dépassent bien chaque source d’inspiration et font de ce Peuple Loup une œuvre indépendamment magnifiée par son propos.
Pour les parents les plus aventureux – et pour les adultes également, puisqu’un tel film s’apprécie toujours à tous les âges – n’hésitez pas à honorer une séance en version originale, afin de savourer au mieux les délicieux accents des doubleurs irlandais, Sean Bean en tête. Son timbre de voix inimitable et l’application des comédiens principaux au ressenti de leurs personnages respectifs se mêlent parfaitement aux nombreuses partitions de violons qui illuminent les plus belles scènes de l’œuvre. Le Peuple Loup est une jolie réussite indépendante qui tient fièrement tête aux mastodontes classiques de l’animation, pour notre plus grand plaisir de (grands) enfants.