Home Ciné #15 : « Le Président », film étrangement actuel
Ses origines ardennaises lui font aimer la bière belge autant…
Pendant toute la durée du couvre-feu et des salles fermées, Arty Magazine te propose ses Home Ciné, un lieu convivial où nos rédacteurs et journalistes présenteront leurs films préférés. Ceux qu’ils ont vu à 6 ans, ceux qu’ils ont découvert suite à leur première rupture amoureuse, ceux qu’ils dévorent avec un paquet de chips chaque dimanche soir depuis dix ans… Bref, tous ces films de leur vie qu’ils souhaiteraient te faire découvrir, là, maintenant.
Aujourd’hui, Camille nous présente Le Président, de Henri Verneuil, 1961.
La politique, ça te passionne ? Si ce n’est pas le cas, il y a toujours les arts pour lui rendre ses lettres de noblesse. Le coup de maître est signé Henri Verneuil, épaulé par son dialoguiste Michel Audiard. Dans Le Président, Gabin incarne un ancien président du Conseil, défenseur du bien public et pourfendeur des magouilles politiciennes.
Jean Gabin, tout en verve pour dénoncer le monde de la finance
Dans ce portrait plein d’humour d’Émile Beaufort, ancien président du Conseil de la IIIème République, qui rédige ses mémoires au crépuscule de sa vie, on découvre un homme pétri de convictions, qui a forgé son sens moral grâce à de redoutables batailles et joutes verbales. Avec ses grosses moustaches blanches, il n’est pas sans rappeler Georges Clemenceau, grande figure de gauche qu’on surnommait « Le Tigre » pendant la Première Guerre Mondiale. Devenu le seul rempart à l’arrivisme de son ancien directeur de cabinet, interprété par un Bertrand Blier tout gominé et amidonné, Gabin-Beaufort fustige également le monde de la finance dont Blier-Chalamont est le pantin. Et plus on a envie de décrier Chalamont pour ses manigances politiciennes, plus on s’attache à Beaufort, dont la défense de la cause du peuple lui est chère.
L’ingéniosité des dialogues taillés sur-mesure
Pourtant, derrière ce long métrage, se cache une mise en scène très convenue. Les mauvaises langues diront peut-être que ce film, un brin ronflant, a pris un coup de vieux. Certaines féministes seront vent debout car les femmes sont ravalées au rang de potiches. Mais passés ces écueils, le plaisir de voir Gabin exceller dans l’art oratoire réconforte nos oreilles, devenues trop habituées aux punchlines insipides et à la novlangue simpliste de notre politique 2.0. Car toute l’ingéniosité de ce petit chef-d’œuvre réside dans ses dialogues. Les répliques sont taillées sur-mesure par le dialoguiste hors-pair Michel Audiard, surnommé « p’tit cycliste », pour son grand ami Jean Gabin. Armé de son éloquence tranchante et caustique, Beaufort représente un homme politique avant-gardiste, capable de traits d’esprit formidables et d’une actualité toujours déroutante : « On est gouverné par des lascars, qui fixent le prix de la betterave et qui ne sauraient pas faire pousser des radis.«