Inconditionnelle de culture japonaise, de la dolce vita parisienne et…
Il est étonnant de retrouver autant de termes guerriers dans un projet aussi doux. Pourtant, UssaR a encore une fois poussé la métaphore martiale en baptisant son premier album Étendard.
Détrompe-toi, ce n’est pas qu’UssaR en veut au monde. Bien au contraire. « Quand je suis en concert, j’essaie de dire à mon public que peu importe si les chansons sont tristes : on sera tristes, mais ensemble ». UssaR, c’est une bienveillance dans le sourire et des mots qui sonnent justes.
UssaR travaille en virtuose du texte et porte évidemment une attention toute particulière aux paroles. « L’amour des mots, de leur texture surtout, je l’ai depuis tout petit. Ce que j’aime dans les mots, c’est leur exactitude ». Que ce soit dans la prononciation ou dans l’écriture, les textes d’UssaR sont des fleuves qui jamais ne quittent leur lit. Alors, on se laisse porter.
Après avoir travaillé pour les autres, l’artiste passe sur le devant de la scène. À mi-chemin entre la variété française et le slam, sa musique renferme aussi de nombreuses sonorités électroniques. La sobriété du piano-voix, terrain de prédilection d’UssaR, est magnifiée par les machines et les violons, ce qui donne des morceaux aux allures orchestrales et une modernité surprenante. Reine 3, second morceau de l’album, en est un parfait exemple.
Suite logique
UssaR avait commencé fort sa carrière solo en 2021 avec un single, 6 milliards, qui avait conquis public comme critique. L’EP Étendues arrive quelques moins plus tard comme une nouvelle proposition à son public. « J’ai dit au public : voici ma musique, voici ce que je fais. L’EP était plein de bonnes intentions. » Avec l’album, la démarche est différente et l’enjeu plus grand. Il s’agit pour l’artiste de poursuivre son projet sans se répéter. « J’ai beaucoup progressé depuis ce premier EP. Et surtout, je me suis très bien entouré durant la production de cet album ». Le budget aide : si le mixage d’Étendues avait été fait par UssaR lui-même, celui d’Étendard est signé Nk.F, célèbre ingénieur du son derrière les projets d’Angèle, d’Orelsan, de PNL ou encore de Damso. Preuve qu’UssaR devient grand.
En tout cas, le progrès est immense, entre un EP déjà très bien accueilli et un album qui, à n’en pas douter, aura le succès qu’il mérite. On y retrouve un artiste qui a su garder sa fraîcheur tout en s’inscrivant dans les artistes contemporains de la chanson française. Dans la veine de Zaho de Sagazan ou de Flavien Berger, le parolier et compositeur manie la langue de Molière avec dextérité en ponctuant les mots de sons électroniques. « J’aime pousser à fond cette hybridation entre humain et machine ». Exercice effectivement réussi pour UssaR.
Loin de se mettre en compétition, UssaR estime avoir « beaucoup appris à travers les autres ». Il n’hésite pas également à continuer de s’entourer, encore et toujours. En témoigne la production du chanteur. Les harmonies des Lumières Éteintes en sont le parfait exemple. « J’ai vraiment adoré créer ces chœurs avec toutes les rencontres que j’ai fait en chemin ». C’est empli de bienveillance et de douceur qu’UssaR propose au monde sa musique, qui malgré sa mélancolie, nous fait extrêmement de bien.
Faites l’amour, pas la guerre
À l’écoute des treize morceaux de l’album, tout est précis et calculé. Plus qu’un message, UssaR veut faire vivre l’amour à son auditeur. Une relation intime décrite avec des mots, des textures, des notes et des harmonies. « <3, qui est une interlude, raconte par exemple ce moment précis du premier rayon de soleil qui traverse la fenêtre alors qu’on se réveille aux côtés de celui ou celle qui a partagé notre nuit. Et là, on se dit : merde. Ce n’est pas que du sexe. Là, je suis en train de tomber amoureux ». Plutôt que la guerre, on se rend très vite compte que c’est l’amour le principal thème de l’album d’UssaR.
L’énergie de la plupart des morceaux d’Étendard est mineure, certaines chansons sortent du lot. « Il y a de l’espoir : dans Crie mon Nom, Hello Love … ». Oui, tout n’est pas noir, et les coeurs brisés se recollent. À ceux qui disent que la conclusion de l’album, Les Lumières Éteintes, semble bien triste avec ses violons envahissants, ce n’est en fait pas le sujet. « Cette chanson, elle dit au public comme à l’être aimé qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent de moi. Les Lumières Éteintes, c’est le don complet de soi à l’autre ». Le « Aux armes » final est un moment musical où s’entrechoque la violence des mots et de la symbolique et la douceur de la voix et des sons. Antinomique mais accessible : la guerre d’UssaR et de son Étendard est décidément bien charmante.