Fondateur et ex-rédacteur en chef d'Arty Magazine, le grand manitou…
Adèle Castillon et Matthieu Reynaud de Videoclub ont joué le jeu de notre interview Instagram : pour chaque photo de leur compte Instagram, on leur pose une question sur leur projet.
Pour la sortie de leur nouveau clip Enfance 80 co-réalisé par Alexis Poligné, on ressort notre entretien recueilli au festival Cabourg Mon Amour en 2019. On y parle de leur entourage familial, de leur célébrité fulgurante (plus de 200K abonnés sur Instagram), et bien sûr de pop indépendante.
Marin : Hello Adèle et Matthieu. Est-ce que vous vous souvenez de votre première photo sur le compte Instagram Videoclub ?
Adèle : C’était plein de photos pour faire la pochette d’Amour Plastique (ndlr, leur premier single).
Matthieu : C’était la photo d’Amour Plastique en neuf fois.
M. : Bien joué, je vous la remontre. Vous êtes beaux, vous êtes dessus, vous me parlez de la naissance du projet et de ce shooting?
M. : C’était dans le jardin de mes grands-parents à l’été 2018, c’est ma sœur qui a pris la photo avec le téléphone d’Adèle.
A. : Ce n’était pas du tout dans le but de faire un shooting. On s’ennuyait et on a demandé à Julie (ndlr, la sœur de Matthieu) de nous maquiller, de se prendre en photo, et c’est seulement quand on a sorti notre single Amour Plastique qu’on s’est dit que la photo collait bien.
M. : Cette photo pop et colorée est à l’image de votre projet, vous me racontez comment tout a démarré ?
M. : Je faisais déjà de la musique depuis la 4ème, j’enregistrais des morceaux et je faisais des maquettes à peu près sérieuses (rires). Et puis j’ai rencontré Adèle grâce à un ami, notre premier test musical était Amour Plastique, tout est allé super vite. Ça a créé une sorte de fusion où on a mélangé nos deux savoir-faire, Adèle chantait naturellement, ça m’a tout de suite impressionné.
A. : C’était un concours de circonstance, un ami avait le texte qui est devenu Amour Plastique, on a fait tout ça ensemble. Et puis Videoclub est né de notre complémentarité musicale et de notre histoire à tous les deux. On a créé le groupe, on a posté notre morceau, il a très vite bien marché, et la dimension professionnelle est arrivée. C’est tombé à pic, parce que Matthieu n’avait pas forcément envie de continuer le lycée.
M. : J’ai arrêté en première, ça suffisait et puis c’est cool t’inquiète (rires).
M. : J’ai tout de suite aimé votre chanson Amour Plastique, pour sa manière de raconter la futilité des rapports amoureux sur les réseaux sociaux, c’est quelque chose qui est très important aujourd’hui (ndlr, Adèle et Matthieu approuvent). Dites-moi si je me trompe ?
M. : En fait, on voulait parler d’un amour naissant, en train d’émerger, d’une euphorie, genre : « Wow, qu’est-ce qu’il se passe ?! ».
A. : C’est notre ami Estéban qui l’a écrite, on a commencé à écrire nos titres à partir d’En Nuit, parce qu’on avait besoin d’écrire nos propres textes, de parler de choses qui nous touchent directement. On avait envie de créer dans l’entièreté. On aime beaucoup Amour Plastique parce qu’il y a cette sorte de naïveté dans les mots. Les accords, la guitare, la basse sont très simples, il y a quelque chose d’efficace…
M. : … Et de très percutant !
M. : On vous voit tous les deux sur cette photo, où Matthieu tu tiens ton instrument fétiche la guitare électrique. Comment est-ce que vous composez vos titres et vous échangez entre vous ?
M. : On compose dans notre homestudio avec le matériel de mon père, Régis Reynaud. Je suis vraiment un geek, je fais des instrumentaux, je les propose à Adèle, et on sélectionne ceux qu’on kiffe. Ensuite, on travaille la mélodie de voix, les parties scandées, on fait ça le soir, la nuit, tout le temps, et aussi dans ma chambre.
A. : Parfois on travaille à distance, je lui envoie de vieux vocaux sur Facebook avec des idées de voix, et il me dit : « Ouais, ça c’est bien » (rires). En vrai, notre manière de travailler est assez rapide et instinctive. Pour Amour Plastique et Roi, Matthieu m’a fait écouter une compo’ de la veille, moi je me laisse aller sur des petits chœurs, il me dit : « Cette mélodie, c’est trop bien », on prend nos carnets et on écrit direct ensemble. Quand son père rentre du travail, on demande qu’il nous mette les micros et on enregistre.
M. : Maintenant on essaie aussi d’avoir un schéma de chanson précis, avec une intro, des couplets et un refrain, ce qui n’est pas du tout le cas dans Amour Plastique et Roi.
A. : Il y a une rigueur que les gens nous apportent, qu’il est important d’avoir pour ce que ce soit mieux produit, tout en gardant notre instinct.
M. : Vous n’avez pas peur que cette rigueur l’emporte sur l’instinct ?
M. : Non, parce qu’on garde la main sur l’artistique. Pour En Nuit, c’était la première fois qu’on travaillait avec un réalisateur musical qui s’appelle Tristan Salvati (ndlr, connu pour son travail sur Brol d’Angèle). Personnellement, ça m’a appris plein de choses de travailler avec Tristan, qui a une vision différente, et qui nous apporte quelque chose de nouveau.
A. : On a la chance d’avoir une équipe très familiale, comme une espèce de cocon, et quand on s’est ouverts aux professionnels qui nous ont proposé des contrats, on a eu la chance d’être bien accompagnés, notamment par le père de Matthieu, pour garder notre liberté créative, pour protéger notre musique. On a la chance d’avoir de beaux contrats qui nous permettent d’être libres et bien accompagnés. On a une super équipe et je sais qu’on aurait toujours le dernier mot. Si jamais il y avait des gens qui nous disaient qu’il ne faudrait pas que ce soit comme ça, et bien si on n’était pas d’accords, ce serait comme ça (rires).
M. : Et comme on est bien conseillé, on écoute ce que les gens nous disent.
M. : Tout le monde parle de Billie Eilish, qui malgré son succès fulgurant et son jeune âge, a su garder la main sur l’artistique, en travaillant notamment avec son frère. C’est un modèle qui vous inspire ?
A. : Tout le monde nous en parlait tout le temps, je me suis mise à écouter, et je trouve que les ambiances sont dingues, en plus de sa voix évidemment. C’est inspirant parce qu’elle a notre âge, on peut s’identifier à elle parce qu’elle est assez libre, tout en étant cadrée. C’est ce modèle là qu’on a envie d’avoir. C’est hyper rassurant d’avoir une structure qui nous cadre, et en même temps, on va se battre pour toujours avoir notre liberté, notre univers et notre couleur. Je pense que c’est une chose que Billie Eilish fait bien.
M. : Parlons maintenant de votre second single, Roi, dont on voit une partie de la pochette. Qu’est-ce qui a vous a inspiré pour la création de celui-ci ?
A. : Roi est différent parce que le morceau accueille Matthieu à la voix, ce qui est important parce qu’on ne l’avait pas envisagé au début. Je me souviendrai toujours de l’enregistrement avec Matthieu hyper content, parce qu’il s’était prouvé à lui-même qu’il pouvait montrer sa voix. Ça a été une nouvelle étape dans Videoclub : ce n’était plus juste la fille qui chante et le mec qui compose. On est tous les deux un peu touche-à-tout, même si la voix principale de Matthieu c’est sa guitare, et que souvent je lui réponds, je trouve ça trop bien qu’il scande les textes. J’aime beaucoup cet échange à tous les niveaux, et c’est Roi qui l’a apporté.
M. : Roi est une discussion musicale entre nous deux.
M. : Vous voilà maintenant devant un vidéo-club, et si la référence au cinéma est manifeste dans votre projet, pouvez-vous me parler de vos influences musicales ?
M. : On a beaucoup de groupes en commun dont Odezenne, on s’est rencontré autour de leur musique.
A. : On est allé les voir en concert et on a envie de les revoir et les revoir.
M. : Et puis Superbus, même si on dirait pas, c’est ma sœur qui m’a fait découvrir quand j’étais petit. J’ai baigné dedans, musicalement je trouve ça super cool.
A. : Pareil, c’était mon premier CD.
M. : Et puis on écoute aussi beaucoup Fauve.
A. : Globalement, ce sont nos plus grandes influences, après on a chacun des goûts personnels qui influencent notre musique. Par exemple, Mathieu s’inspire des groupes des années 80 pour ses riffs de guitare.
M. : Oui, comme The Cure, les New Order, les Pixies.
A. : Au niveau de la voix, j’adore la manière de chanter hyper sensuelle de Superbus. Et en vrai, je ne le dis pas souvent, mais Vendredi Sur Mer est aussi une inspiration pour les voix.
M. : Passons à cette photo, dont j’aime beaucoup la spontanéité et la complicité naturelle qui s’en dégage…
M. : C’est une photo de mon père (ndlr, leur père est à côté, il sourit).
M. : C’est votre photographe officiel ?
M. : Pas du tout, c’est plutôt ma sœur. Normalement il ne sait pas prendre de photos (rires).
A. : C’était un exploit qu’il prenne une photo (rires). C’était urgent, il y avait Spotify qui voulait nous mettre en playlist, et il fallait prendre une photo, de face, bien lumineuse, et le soleil était en train de se coucher. Régis arrive, on lui dit : « Il faut prendre une photo, il faut prendre une photo ! ». Du coup, il l’a prise, et elle était réussie.
M. : Cette spontanéité dont je voulais parler…
A. : Elle est fausse, on fait ça pour l’argent (rires).
M. : En fait, les gens ne le voient pas, mais on est un peu fou. C’est glamour dans les pics, mais on fait un peu n’importe quoi…
A. : Et encore, il n’y a pas le son (rires).
M. : Et comment vous maîtrisez votre image sur les réseaux sociaux, vous choisissez d’en montrer sans trop en montrer ?
A. : C’est très instinctif, on est une génération qui vit avec les réseaux sociaux. On ne se force pas. Jamais on ne donnera une priorité aux réseaux sociaux, c’est additionnel. On essaie d’être naturel, et en même temps on essaie de ne pas trop en montrer, parce que c’est notre vie, c’est difficile quand on est en couple, quand on a un projet comme ça.
M. : On se protège beaucoup, il y a des gens qui nous disent : « Vous n’avez pas peur de vous embarquer dans un projet comme ça ? ». Je leur réponds que c’est plus rassurant qu’inquiétant.
A. : Et puis c’est beau de monter ce projet à deux, c’est quelque chose que les gens de notre âge ne vivent pas forcément, on verra où ça nous mène. On est optimiste.
M. : Beaucoup de chanteurs ont réuni leur fanbase grâce à Instagram, notamment Angèle… Est-ce que vous avez conscience de la portée de vos posts ?
A. : On en a conscience sans en avoir conscience, en fait on s’en rend compte en montant sur scène, quand les gens s’approprient nos chansons. Notre entourage est très heureux et très impressionné par les chiffres, et moi quand j’entends un chiffre, c’est plutôt les réactions de mes proches qui vont m’impressionner, parce que je n’arrive pas à me rendre compte.
M. : Voir les réactions des gens, c’est beaucoup plus touchant que des chiffres.
A. : Je me sens hyper loin de tout ça, et en même temps c’est nous, c’est hyper étrange la manière dont on vit le truc.
M. : Vous me parlez de la scène, la transition est toute trouvée. Comment est-ce que vous adaptez vos chansons en live ?
M. : L’interprétation est différente, il y a beaucoup d’énergie, une envie de faire claquer les morceaux. C’est beaucoup moins posé, on chante beaucoup plus fort, et on laisse place à l’improvisation.
A. : Le but c’est de jouer nos morceaux, de les pousser à fond, et d’assumer nos textes. Je pense que le travail des interprétations donne une plus-value qui viendra plus tard, quand on sera plus à l’aise avec la scène (ndlr, l’interview a été enregistrée à Cabourg Mon Amour en 2019, leur premier festival), avec un plus grand répertoire. Notre objectif est de présenter nos morceaux en étant le plus nous-mêmes.
M. : Vous avez envie de grosses scènes, de festivals mythiques ?
A. : Il y a le Stereolux à Nantes qui est notre salle de concert préférée, et donc symboliquement pour nous ce serait assez fort. Après je prends ce que j’ai, je suis déjà contente de ce qui nous arrive. Je préfère tomber sur une petite scène avec un public très fort, plutôt que me retrouver dans un festival énorme avec le sentiment d’être perdue. (ndlr, Videoclub ont joué le 16 novembre 2019 sur la scène du Stereolux pour la soirée Effronté.e.s).
M. : J’adore ce post « petit dej' », vous me parlez de votre collaboration avec Aube Perrie et Louise Mekylla pour En Nuit , dont la capture est extraite ?
M. : Ah les bols Videoclub ! Les deux premiers clips ont été réalisés par ma sœur Julie, et pour le troisième on avait envie d’une réalisation différente. On aimait beaucoup le clip de La Thune d’Angèle, on a contacté son réalisateur Aube Perrie pour lui demander si ça le tentait, et ça l’a tenté. Il a été très sensible à notre univers, parce que dans ses clips il crée une sorte de bulle, très teenage, avec ses propres personnages. Notre clip est un petit monde à part entière.
A. : Il aime beaucoup la dimension de petit univers. Il y avait l’idée d’assumer tout l’univers jusqu’au bout, avec un shooting super sympa à l’argentique réalisé avec sa copine, Louise Mekylla. Ça c’est super bien passé, on a fait entièrement confiance à Pierre, et on n’a pas été déçu. J’espère qu’on retravaillera ensemble.
M. : Et comme c’est la tradition chez Arty Magazine, quelle est votre définition d’un artiste ?
A. : C’est la question philo en fait.
M. : On ne vous a pas prévenu que je vous refaisais passer votre BAC de philo, en fait (rires) ?
A. : Je peux faire une réponse philosophique : « À la différence de l’artisan… » (rires). En vrai, l’artiste c’est quelqu’un qui accepte de créer sans savoir ce qui va se passer après, et qui s’y abandonne sans ne savoir quelle en sera la production.
M. : C’est quelqu’un qui ose partager une création qui lui est vraiment personnelle, et c’est beau d’exposer quelque chose qui vient de soi.
Retrouvez Videoclub sur Instagram.