Son avidité pour l’écriture et son gros penchant pour la…
Sa toute première scène, Lisa Ducasse s’en souviendra probablement toute sa vie. C’est à l’Olympia, en première partie de Zazie, que la jeune mauricienne de 24 ans fait ses débuts en 2019, seulement un an après la sortie d’un premier EP expérimental. Celle qui maîtrise à la perfection l’art du « spoken word » met désormais plus que jamais la poésie au service d’une chanson française épurée. Nous l’avons rencontré à l’occasion du festival Ici Demain, dans les loges du FGO Barbara, pour se remémorer ses premières fois.
Lisa Ducasse grandit dans une famille d’auteurs à l’île Maurice. Elle pratique d’ailleurs l’écriture et la poésie avant la musique. L’année 2017 est celle de tous les changements pour la jeune femme. Elle quitte l’île Maurice pour la France et publie Midnight Sunburn, un recueil de poèmes, influencé par sa pratique du spoken word, avec ce besoin d’écrire les moments intenses de sa vie et les sentiments qui ont sont associés, pour ne rien oublier. A son arrivée en France, elle commence naturellement à fréquenter des lieux où l’on pratique cette poésie orale. Elle y expérimente une pratique scénique de la poésie. Puis, la musique lui prend, comme une bénédiction. Elle commence alors à écrire des chansons, notamment lors d’un voyage d’un an en Amérique du sud, et à collaborer avec des musiciens sur ses textes. Et la magie opéra.
Anaïs : Tu pratiques la poésie depuis presque toujours. Et la musique, quel en est ton premier souvenir ?
Lisa : Mon père qui joue de la guitare à la maison. Il jouait beaucoup, notamment des chansons françaises. Et ce souvenir est vraiment associé à un objet. Je revois encore ces livres de partitions très anciens et ce papier jauni, sans couverture. Et moi, je chantais avec lui de temps en temps.
A. : Ton premier coup de foudre musical ?
L. : L’esprit et l’écriture de Barbara m’ont beaucoup marqué. J’aime sa manière de raconter des histoires en chansons. C’est une véritable conteuse.
A. : Te souviens-tu de ton tout premier CD ?
L. : Oui ! Il y a toute une histoire derrière. A l’île Maurice, nous n’avions pas tout ce qui sortait en France. Il fallait demander à un disquaire pour importer certains disques mais cela ne fonctionnait pas toujours. J’avais alors demandé à ma tante, qui vivait en France, de me ramener le premier album des Jonas Brothers pour Noël.
A. : Le premier concert que tu as vu ?
L. : C’est difficile à dire parce que mes parents m’emmenaient souvent à des concerts quand j’étais petite car j’étais apparemment très sage. Et c’est la même chose, tous les artistes ne venaient pas jouer à l’île Maurice. Mais parmi mes premiers concerts, je pense spontanément à Yannick Noah et à Francis Cabrel.
A. : Le premier (ou la première) artiste à t’avoir donné envie de faire de la musique ?
L. : Barbara m’a clairement donné envie d’écrire des chansons. D’ailleurs, au départ, je me voyais seulement écrire pour les autres. L’interprétation est venue dans un second temps.
A. : Comment t’es-tu justement rendue compte que tu pouvais aussi interpréter ?
L. : C’est un très bon ami, Guilhem Valayé, qui a vraiment accompagné ma transition du texte vers l’interprétation. Lors de la sortie de mon recueil de poésie en 2017, je l’avais invité, avec son groupe 3 minutes sur mer, à chanter et il m’avait invité à les accompagner sur une chanson. Une autre personne a aussi vraiment contribué à mon passage à l’interprétation. Il s’agit de Guillaume Poncelet, qui a fait les arrangements sur mon titre Qui sont. En fait, c’est quelqu’un que j’ai initialement rencontré pour travailler sur du texte et qui un jour m’a demandé de chanter un truc, juste pour voir. Il m’a dit de ne jamais plus arrêter. Ces ces deux personnes m’ont donné envie car ils m’ont fait croire que c’était possible.
A. : Quelle est la première personne qui t’a mis le pied à l’étrier dans le monde de la musique ?
L. : C’est d’abord Guilhem parce qu’on a enregistré des morceaux ensemble. Et après mon voyage en Amérique du sud, j’ai remporté un tremplin pour faire la première partie de Zazie à l’Olympia. On peut dire que c’est un sacré pied à l’étrier ! Cette expérience m’a donné envie de voir où je pouvais aller avec la musique.
A. : Tu sors ton premier EP, « Louvoie », en 2018. Comment le décrirais-tu ?
L. : Je ne le décrirai justement pas comme un EP parce que c’était vraiment des morceaux expérimentaux, enregistrés sans aucune ambition. Je voulais simplement voir ce que cela faisait d’enregistrer en studio. Je les ai quand même sortis en libre écoute. Mais, ce n’était pas encore le projet tel que je le défends maintenant. D’autant plus que cet EP était plus une collaboration avec 3 minutes sur mer qui a complètement amené son identité musicale sur les morceaux.
A. : En comparaison, que dirais-tu de « Qui sont », ce single que tu sors début 2022 ?
L. : Ce titre fait partie des chansons que j’ai rapporté de mon voyage en Amérique du sud. Et dans tous mes morceaux en préparation, on retrouve des influences de ce voyage, du fait d’être partie et d’avoir pris un vrai temps de recherche musicale. Je voulais notamment être davantage présente sur les arrangements.
A. : Et sur le fond, qu’est-ce que ce voyage a apporté à tes chansons ?
L. : J’y raconte les rencontres, les lieux, les adieux, les départs. Ce sont des thèmes qui me parlent et que le voyage amène naturellement.
A. : Aujourd’hui, tu te diriges a priori plus vers la musique que l’écriture, même si ton empreinte poétique se retrouve dans tes chansons. Prévois-tu de publier un deuxième recueil ?
L. : Ce n’est pas prévu pour l’instant. En revanche, l’idée d’une rencontre entre les deux m’intéresse, de développer des formats hybrides.
A. : Ici Demain Festival représente quoi pour toi ?
L. : La concrétisation de beaucoup de travail (rires) ! Comme je fais partie des lauréats du dispositif Variation(s), on a été très accompagnés sur la préparation de la date du festival. Je pense que c’est la première fois que j’ai autant travaillé avec un ingénieur du son par exemple. J’ai beaucoup aimé ce travail, qui donne énormément plus d’espace dans les morceaux pour les faire vivre.
A. : Quelle est la première personne à qui tu penses pour faire un duo ? Si tout était possible…
L. : Ce serait Alain Souchon. Je trouve qu’il a un truc assez unique dans l’écriture et dans la composition. Il est très poétique sans en donner l’impression. Et c’est un vrai kiff personnel !
A. : Ta prochaine première fois, t’as envie que ce soit quoi ?
L. : Pourquoi pas une première tournée.
A. : Et ta première fois avec Arty, c’était comment ?
L. : C’était super ! Je n’ai pas vu le temps passer. Et c’était chouette de pouvoir parler autant de poésie. Elle fait partie de mes racines et sera toujours présente, chez moi, d’une manière ou d’une autre.
A. : Quelle est ta définition d’un artiste ?
L. : Je vais citer la Vie Théodore d’Alain Souchon : « Chercheur de trésor, de brindilles et de phosphore, d’amours humaines et d’effort, chercheur de trésor ».