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L’interview coquillages et crustacés de Charlotte Fever

Manon Sage

Lors de leur venue au festival Cabourg Mon Amour, le duo Charlotte Fever, l’alias d’Alexandre et de Cassie, s’est prêté au jeu de notre interview Jour / Nuit.  Entre deux bains (et un cours d’aquagym), ils ont répondu à quelques questions sur leur façon de voir la scène et les exigences qui l’accompagne.

Manon : On vous a déjà croisé en DJ set et en concert cette année. Quelles sont les différences entre ces formats, et quelle préparations ils demandent ?

Cassie : Le DJ set comme le live demandent autant de temps de travail sur la scène, sans compter la composition. On répète même en tant que DJ. On passe du temps à choisir les morceaux, parce qu’on a envie qu’il y ait une cohérence avec notre univers, et qu’il faut qu’ils nous plaisent à nous deux. On a aussi dû apprendre toute une manière de travailler parce qu’on n’est pas DJ de base, on est autodidactes : comme pas mal d’artistes aujourd’hui.

 

Alexandre : Ouais c’est clair, je pense que ça nous demande autant de travail pour l’instant parce qu’on commence dans le DJing. Entre les concerts et les sets, l’exercice est vraiment différent parce que tu te focalises moins sur ton instrument pour le DJing. Les platines restent un instrument bien sûr mais t’es quand même un peu plus libre. Du coup, tu peux vraiment plus te concentrer sur le public et il y a un contact humain qui est à mon sens plus fort.

 

C. :  Moi je suis moins sur le high contact, pour l’instant je suis un peu les yeux rivés sur la platine. J’ai pas encore totalement confiance en moi. Par contre c’est un plaisir de passer des morceaux que t’aimes bien comme si t’étais à ta propre soirée, et pas tout le temps nos propres morceaux. J’adore notre musique mais on enchaîne beaucoup de concerts, et à un moment, on est dans la performance, je n’écoute plus vraiment ce que je fais. Je me mets en mode concentrée, alors que le DJ tu passes ton morceau, tu kiffes, tu danses, c’est cool.

 

A. : On passe beaucoup de la musique émergente qu’on aime bien. C’est une autre manière de s’exprimer mais ça nous correspond grave.

Charlotte Fever au festival Cabourg Mon Amour. © Manon Sage
M. : L’année dernière vous avez déjà joué ici, c’était la première édition qui était rejouée après Covid, quelle différence dans le set de l’année dernière et celui d’aujourd’hui ?

A. : Il y a beaucoup de morceaux qui ont été ajoutés, d’autres retirés, le set a beaucoup changé. On a beaucoup travaillé en résidence, donc là il va y avoir des lumières bien rodés, on a un nouvel ingénieur son qui nous suit depuis pas mal de temps, des nouvelles chorégraphies, des nouveaux morceaux et un moment d’aquagym, très important.

M. On vous voit en maillot de bain ce soir ?

C. : Ouais, j’espère bien, t’as pris ton maillot toi ? Ou tu te mets tout nu ?

 

A. : Non, non, t’es ouf.

 

C. : Ouais, on va se mettre en maillot de bain mais faut pas le dire aux gens, c’est une surprise.

M. : Il y a quelques semaines vous avez déjà tourné aussi le clip de Plage Convexe ici, quelle est votre relation à cette ville ?

A. : Assez forte, ma tante habitait ici donc je suis venu quand j’étais plus jeune. Plus tard,  j’y suis allé quelques étés. Donc je connais la ville et je m’y suis reconnecté grâce à Romain, le président de Premier Amour qui organisait un live pour le festival du film romantique qui a lieu à Cabourg. On a joué là-bas, c’était un live privé qui était dédié uniquement aux locaux et aux festivaliers et les gens ont adoré. Comme c’était principalement les locaux et  les commerçants, ils nous reconnaissent maintenant quand on vient ici, on se sent un peu chez nous. On a joué à Cabourg Mon Amour, on a tourné un clip à Cabourg, Plage Convexe, et puis c’est une relation qui s’étend sur toute la Normandie parce qu’on a quand même tourné deux autres clips dans la région, à Lion sur Mer et à Clécy en Suisse Normande.

 

C. : Moi mes parents ont acheté un appartement à Cabourg dans la foulée, sans que forcément j’en ai parlé ou quoi que ce soit, donc c’était un peu le destin, tout nous lie à cette ville.

M. : Là sur ce festival, il y a aussi Charlotte, manager, qui est dans l’organisation, Kevin à la régie, c’est un peu comme une petite résidence finalement pour vous ici ?

A : Une petite résidence, non je ne dirais pas ça, mais ouais on est un peu en famille c’est vrai, mais on arrive en tant que professionnels artistes et  chacun a vraiment son rôle au niveau du de taf. On a  des relations professionnelles à ce moment là.

M : Sur scène vous avez des chorées, pas mal d’échanges avec le public, vous vous adaptez en fonction de l’audience ?

A. : C’est une bonne question, on y pense toujours un peu avant non ?

 

C. : On adapte quand même, là forcément il y aura un concert sans grosse adaptation car  c’est le show Charlotte Fever,  mais parfois on va jouer avec les éléments qu’on nous propose, s’il y a un écran, on va l’utiliser, si par exemple il n’y a pas de loges ou de coulisses on ne peut pas se mettre en maillot … donc oui, on s’adapte à la logistique et au public.

A : Pour l’audience, parfois on joue pour des influenceurs qui sont là en train de faire leur taf et donc tu ne vas pas leur faire une aquagym, la musique c’est quand même un échange.

 

M. : Vous qui jouez aussi à l’international, quelle est la différence entre jouer en Corée, à Paris et à Cabourg ?

A. : Il y a beaucoup de différences, en Corée c’est un peu plus discipliné, ça bougeote mais ce sont des publics un peu plus réservés. Au Japon c’est hyper straight,  ça ne bouge pas, ça sourit par contre, donc ça rassure.

 

C. : Ils ont une sorte de mimétisme, si tu tapes dans les mains, ils te tapent dans les mains, si tu fais la chorée, ils font la chorée. En France tu as pas besoin de dire « Tu tapes, tapes », parce que sinon les gens ne le feront pas forcément, mais en Asie c’est un automatisme.

 

A. : Après avec le reste du monde, on a été en Espagne, en Amérique centrale, aux Pays-Bas, à Lisbonne et il y a quand même un point commun : ça fait la fête. Et on est ultra bien accueillis. Ça danse, c’est jovial. Et à Paris, pareil.

 

C. : J’émets un petit bémol sur Paris, les gens sont quand même blindés de concerts donc c’est parfois quitte ou double. On a des publics un peu plus lazy, ils aiment bien mais ils en ont vu 50 000 des concerts alors ils sont un peu blasés. Mais Paris c’est aussi chez nous donc on a de la chance, il y a des potes qui viennent, des gens qui nous connaissent maintenant, qui sont des habitués. Pour revenir à l’Asie, on a aussi fait Taïwan et ça c’était intéressant, ils sont beaucoup plus détendus, ils crient, ils dansent beaucoup plus.

M. : Et ici à Cabourg, c’est quoi le type de public ?

C. : Festif, bourré (rires).

 

A. : C’est un public de festival, c’est un festival assez familial.  C’est le parisien en vacances.

Charlotte Fever au festival Cabourg Mon Amour. © Manon Sage
M. : Et plus généralement vous appréhendez quand vous montez sur scène ? Ou c’est quelque chose que vous kiffez ?

A. : Moins qu’avant, après il y a toujours des moments où tu ne te l’expliques pas, c’est pas un concert plus compliqué qu’un autre. Franchement c’est hyper aléatoire. Globalement, j’avoue qu’il y a de moins en moins de trac, le seul moment où j’appréhende c’est quand il y a une étape de plus, un nombre de personnes bien plus importants que d’habitude.

 

C. : Moi franchement ça va, c’est bizarre je n’ai pas trop le trac. Mais je me laisse vraiment déborder par mes émotions, donc si je suis excitée je vais être hyperactive sur scène. On peut penser que c’est cool, mais il faut que je me canalise, et c’est un exercice assez dur.

 

A. : Elle est a 280ppm sur un morceau à 100 (rires).

 

C. : J’ai commencé à me dire  que c’était peut-être ça mon trac. Parfois au moment où on fait la karioka, et qu’on dit au revoir aux gens, j’ai un peu les larmes aux yeux à chaque concert. Alors que c’est très con.

M. : Vous avez une chanson sur scène que vous aimez particulièrement faire ?

C. : On en a eu chacun je pense. Moi j’adore Pampa. C’est un morceau où on joue en même temps avec Alex et où nos voix ne se croisent pas. Les gens ne se rendent pas forcément compte, mais dans tous nos morceaux nos voix se croisent à un moment. Mais dans ce morceau, ce n’est pas le cas jusqu’à un moment à la fin. Et j’aime trop cet instant là, où on commence à se regarder, et après on fait la ligue mélodique tous les deux ensemble. C’est un moment où je me retrouve avec Alex et je trouve ça très beau.

 

A. : Moi c’est La fille du ciel, parce qu’étrangement c’est un morceau qui me rend ultra décontracté, c’est une des chansons avec lequel j’ai le plus de contact avec le public, sans trop penser à mes instruments. C’est une espèce de libération, un dessert, c’est que du kiff.

M: Vous avez un rituel avant d’entrer sur scène ?

A. : Non je n’en ai pas. Après j’ai peut-être des tocs mais du coup je ne m’en aperçois pas, je n’ai pas un rituel qui me libère.

 

C. : C’est vrai qu’on a fait plein de dates où les gens ont grave des trucs et nous on ne fait rien. Je ne sais pas, moi j’y vais, je ne réfléchis pas.

M. :  Je sais que vous avez été en galère de mécanique de guitare, comment on gère l’imprévu ?

C. : On appelle Manon (rires).

 

A. : On espère qu’un appel va nous sauver la vie. Il y a toujours un imprévu, on est assez vulnérable là-dessus. Vu que ce n’est pas notre premier live, on est capable de travailler sur nous pour prendre les choses bien comme il faut. La scène, c’est un endroit où tu es hyper vulnérable même 3-4 heures avant. Quand ça ne va pas et que ça se rapproche, tu peux péter un câble.

 

C. : C’est à ça que servent les balances. Tu vois tout de suite, et même pendant le live, il peut y avoir une brouille et il faut gérer. Le principal pour moi c’est de me dire qu’il y a des gens qui sont là pour m’aider à gérer les choses. L’une des premières choses qu’on a appris, c’est de dire au public ce qu’il se passe quand il y a un problème, ça arrive.

Une heure sur scène, une Carioca, un changement en maillot et un cours d’aquagym plus tard, nous revoici avec les Charlotte Fever pour savoir toutes leurs impressions sur le public normand.

M. : Alors, est-ce que le public de Cabourg était aussi chaud que l’année dernière ?

A. : Plus, oui, carrément !

M. : C’est quoi les premières choses que vous me dites en sortie de concert ?

 

A. : En général, on ne se dit pas grand-chose. Mais parfois, on se prend dans les bras parce qu’on a passé un bon moment, c’était fort et c’était bien.

 

C. : Moi, je pense qu’à chaque fois, on se demande quand même si ça va. . En gros, des fois, on ne se rend pas compte, on n’arrive pas à savoir comment l’autre vit le concert. Donc généralement, on check un peu si ça va bien, si ça nous a plu, comment on se sent.

M. : Et quelles émotions vous ressentez justement quand vous sortez de scène ?

A. : Il y a plein d’émotions différentes, mais souvent, c’est l’euphorie, et c’est bien quand ça l’est. Des fois, il y a de la déception, ça arrive aussi. Parfois, ça ne se passe pas bien. Mais globalement, c’est de l’euphorie qui ressort. Je ne vais pas dire état de choc, mais il y a un truc où tu es un peu sur un nuage et tu mets un peu de temps à retrouver tes moyens. C’est tellement incroyable que tu mets un peu de temps à redescendre quand même. Pendant une heure, il y a eu beaucoup d’attention sur toi, tout le monde est avec toi et c’est très très fort.

 

C. : Moi, je suis souvent très émue, j’ai du mal à réaliser parfois. Je prends conscience à partir du moment où je regarde Alex et je me dis… « Putain, on l’a fait vraiment, c’est un truc de ouf ». Effectivement, il faut quand même le dire, ce n’est pas tout le temps comme ça. Il arrive qu’on ne soit pas content de ce qu’on a fait, on a eu du mal avec le public, on a eu un problème technique. Dans ces cas-là, tu le portes un peu pendant tout le concert, ça le rend moins agréable. C’est important de dire qu’on n’est pas tout le temps content et qu’on se foire aussi de temps en temps.

Charlotte Fever au festival Cabourg Mon Amour. © Manon Sage
M. : Tu nous dis être émue en sortant de concert, peut-être encore plus quand on fête son anniversaire sur scène ?

C. : Ouais mais en vrai, je le suis tout le temps. Comme je disais tout à l’heure, la carioca, marque la fin. Déjà, c’est une reprise que le public connait, donc ça parle énormément aux gens. Et de dire verbalement au revoir dans la chanson et que les gens me disent au revoir… Je sais pas, ça me fait un truc. Tu connectes vraiment. Il y a un dialogue. Les gens nous répondent en faisant coucou et ça m’émeut vraiment beaucoup.

M. : C’est venu d’où cette idée de rappel en maillot ?

A. : Ça a été un peu progressif. La piscine est un morceau inspirée du Club Med. On avait fait un concert là-bas et au moment de l’Aquagym, il y avait ce jingle « On vous donne rendez-vous, à la piscine, à la piscine ». Ça nous avait trop fait marrer et on s’est dit « il faut qu’on fasse une chanson là-dessus ». Au bout d’un moment, on a fait une choré, et on s’est dit qu’on allait essayer de faire danser les gens dessus. On a vu que ça fonctionnait, on l’a vendu comme une aquagym et ça marche de ouf : les gens étalent de la crème, ils font du crawl.

 

C. : Et le maillot de bain, c’est une bonne manière d’assumer le morceau à fond. Parce que parler d’aquagym et de piscine sans être en maillot de bain…

 

A. : Le slip, c’est un truc normal. C’est vrai que ce n’est pas trop à la mode. On met plus des caleçons ou des boxers quand on est un mec, mais je trouve que le slip a son charme. C’est peut-être plus un délire aussi. C’est années 60, mais moi je suis très sixties.

 

C. : Aujourd’hui, on a compris que quand tu fais de la musique, ou quand tu es sur scène, si tu commences à être gêné de certaines choses, tu es dans la merde. Ça veut dire que tu ne voudras pas forcément oser faire des choses. Il faut se mettre dedans, tester des trucs. Et si ce n’est pas bien, mais qu’on ne le teste pas, on ne le sait pas. On s’est vite rendu compte que n’importe quelle tenue, à partir du moment où nous, on est bien dedans et où on l’assume, on est beau. On est à l’aise et je pense que les gens le ressentent. Nous, ça nous fait plaisir qu’ils soient contents de nous voir en maillot. Ça les fait marrer, ça nous fait marrer. C’est top.

 

A. : Sur scène, si tu es ok avec ce que tu fais et que tu es à fond, les gens vont suivre. Peu importe. Peut-être nu après, ça devient un peu chelou. Ça peut choquer des gens. Ça dépend dans quel lieu on joue. Peut-être qu’il y a des codes qui font que la nudité, c’est compliqué sur scène. Mais le slip, ça devrait être une norme au final. Non, je rigole.

M. : Quel est le programme après un festival comme ça ? On va voir les copains, on boit des coups, on rentre à l’hôtel ?

A. : On va voir les potes déjà. Après, on va… Je ne sais pas. C’est une bonne question. Moi, je vais déambuler un peu dans le festival. Je suis un peu dans ma bulle, souvent après un concert, en fait, en vrai. J’aime bien être avec mes amis, mais j’aime bien être aussi un peu tout seul avec moi-même, quoi.

 

C. : Moi, je reste avec les potes. J’aime pas être toute seule.

M. : Et sur ces trois jours, des artistes que vous attendiez un peu de voir au concert ?

A. : Oui, Lewis Ofman, de ouf. On l’a déjà vu deux fois et les deux fois, on avait pris une claque. Et là, hier soir, on a encore plus pris une grosse claque. Je ne vais pas refaire l’éloge. Je pense que j’en ai trop dit… Bref, ce mec est incroyable sur scène et en termes d’écriture, c’est juste fou. Je pense qu’il apporte quelque chose à la musique, en tout cas, à mon monde musical, à moi, il apporte énormément.

 

C. : C’est une vraie opportunité, quand on est artiste et qu’on fait des festivals ou même les premières parties, tu peux parler à l’artiste que tu aimes bien, c’est une chance de fou. On a vraiment pu échanger avec Lewis, et ça fait plusieurs fois qu’on se croise, on a déjà fait sa première partie à Lyon et à chaque fois, c’est un plaisir, c’est un artiste qui veut bien partager. Il rentre de Coachella, il avait plein de nouvelles choses à montrer et on a trouvé ça très cool.

 

A. : Il y aussi Miralo, qu’on est en train de louper, mais bon, on la connaît et on connaît son set aussi, elle est DJ et fait ses propres compositions. C’est vraiment stylé, c’est de la house, elle est trop douée.

 

C. : Et moi, je vais leur dire, Didi Han, c’est une DJ coréenne et la Corée du Sud, on kiffe. Non, je veux trop la voir.

M. : Tu me parlais de Johnny Jane aussi, que tu voulais voir.

A. : Oui, carrément. Ça fait un moment que j’écoute ses sons, j’aime trop ce qu’il raconte. J’ai vu des lives qu’en vidéo, mais je trouve qu’il y a énormément d’énergie qui s’en dégage. Donc, oui, je suis hyper curieux et il a l’air de ne pas trop se prendre la tête. J’aime bien ça, en fait, il a l’air hyper humble.

M. : Qu’est-ce qui arrive pour la suite ?

C. : On a un album qui arrive, donc on a intérêt à le préparer convenablement. On reprend les compos et les répèts pour apprendre des nouveaux morceaux et pour être prêts pour la Maroquinerie. On a aussi des dates à l’international, en Autriche et en République tchèque.

Écouter Embrasse coulée de Charlotte Fever sur Spotify.

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