5 albums à écouter cette semaine : Oklou, Telepopmusik, Nana Adjoa…
Fondateur et ex-rédacteur en chef d'Arty Magazine, le grand manitou…
À la question tristement devenue banale : « Qui écoute encore des albums aujourd’hui ? ». Ton magazine préféré répond : les innombrables qui kiffent la pop futuriste d’Oklou, le retour au sommet de Telepopmusik et la neo-soul de Nana Adjoa. Et tous ceux qui aiment dévorer des nouveautés dans leur format total et entier.
Oklou – Galore (Mixtape)
Notre morceau préféré : « God’s Chariot »
Du haut de ses 22 ans, la jeune française Oklou s’est sentie pousser des ailes lors de sa consécration au Pitchfork Music Festival en 2019. Un an plus tard, l’artiste assume son statut de productrice dans le vent en écrivant et produisant entièrement les 11 titres de sa mixtape Galore – poussant les ténors de la hype Les Inrocks et Tsugi à la qualifier de « pop française de demain ». Ses productions expérimentales et son chant des anges ultra-moderne ne datent pourtant pas d’hier. En témoigne la maîtrise assurée de God’s Chariot, le piano élégant de Nightime et l’assise royale de Girl on my Throne. Cette dernière collaboration avec le hit-boy canadien Casey MQ est à mettre en perspective avec son tableau de chasse : Coucou Chloé, Sega Bodega, Flavien Berger, Musa Musa, Krampf… Ceux-là ont compris que la ré-imagination émancipée de la pop par Oklou n’attendra sûrement pas demain.
Telepopmusik – Everybody Breaks the Line (LP)
Notre morceau préféré : « Connection »
Quinze ans après leur second album Angel Milk, soit une éternité dans la musique, les deux tauliers légendaires de Telepopmusik font le pari gagnant du retour électro-pop avec Everybody Breaks the Line. Et cela, au milieu d’une French Touch clairsemée – voire endeuillée avec les disparitions de DJ Mehdi et Philippe Zdar. Le tandem composé de 2Square et Antipop a compris que l’heure n’était plus au groove génétiquement modifié, mais aux mélodies qui gardent la ligne. Ce troisième disque accélère le tempo et acère les collaborations pour déposer plusieurs hits sans frémir. Impossible de faire l’impasse sur le morceau d’ouverture Dreams, la mélodie enivrante de Connection, les synthés lancinants de Ghost Of Love et les accents délicieusement rétro de Come To Me. Quinze ans, c’est juste assez pour se faire oublier, s’imprégner de son temps et renaître pour une troisième vie.
Nana Adjoa – Big Dreaming Ants (LP)
Notre morceau préféré : « She’s Stronger »
A t-on déjà vu des fourmis rêver ? La néerlandaise Nana Adjoa nomme son 1er disque d’un impossible poétique, Big Dreaming Ants, comme si la rencontre des contraires était son ciment créatif. Il y a quelque chose de la fourmi ouvrière chez la jeune artiste, bûcheuse et déterminée, quand elle enregistre son album à domicile et assure la quasi-intégralité de l’instrumentation. Nana Adjoa tient aussi de la fourmi légionnaire pour sa force guerrière, en sondant ses failles avec l’hymne libérateur She’s Stronger Than You, en questionnant la notion d’identité nationale avec National Song, ou en vilipendant les mondanités avec les superpositions de son métaphoriques de No Room. Après avoir creusé son trou avec la série d’EP Down At The Root, Nana Adjoda ne fait pas mentir la hype avec ce format long minutieux et orfévré, confirmant que parmi toute la chaîne, la fourmi rêveuse est le maillon essentiel pour voir plus grand.
Aaron Taylor – Icarus (LP)
Notre morceau préféré : « The Ritual »
S’il y a des amoureux de la soul des années 1970 dans la salle, qu’ils se manifestent. Ou plutôt, qu’ils cliquent sur « play ». Le bellâtre londonien Aaron Taylor a un cadeau de 35 minutes enregistré dans son home-studio. S’il n’invente pas l’eau chaude, le british ne laissera personne en froid avec les onze tracks d’Icarus. Tout le monde en aura pour son argent entre le groove old-school des Neptunes sur I Want That Fire, la marque prestigieuse de Lalah Hathaway sur Don’t Leave My Alone, le gimmick au piano façon Elton John sur The Ritual, ou encore les effluves cajoleuses de Flowers, Hey Baby et Wanna Be Close. Un éclectisme à l’image du parcours de l’artiste, qui a commencé dans la chorale gospel de l’église familiale de Brixton, et qui enfile désormais les costumes de crooner R’n’B et de contreténor pop sur Spotify. Notre dernier souhait serait que le caméléon anglais trouve désormais sa signature ineffable.
You Man – Altered States (EP)
Notre morceau préféré : « Mind Ballad »
Tout commence au début des années 2000 : la musique turbine vit ses heures de gloire et 2 Many DJ’s a fait main basse les clubs belges. À l’époque, les deux français Tepat Huleux et Giac DiFalco ne se font pas prier pour traverser la frontière et assister aux offices qui ont donné naissance à Eskimo Recordings. Vingt ans plus tard, les deux oiseaux de nuit sortent leur EP Altered States sur le label emblématique de la ville belge de Gent. À la différence près qu’ils s’appellent désormais You Man. Leur disco underground est l’enfant terrible de longues nuits à faire la bringue entre les clubs belges et leur domicile hexagonal. Alors que les boîtes ont tiré leur rideau depuis de nombreux mois, le tandem de teuffeurs ré-agite nos premiers émois de déraison nocturne. Ne tiendrait-on pas la bande-son de notre retour désiré sur le dancefloor ?