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Music Declares Emergency : La filière musicale tire la sonnette d’alarme écologique

Music Declares Emergency : La filière musicale tire la sonnette d’alarme écologique

Anoussa Chea
Il y a quelques semaines, le mouvement Music Declares Emergency a officiellement été lancé en France. Les acteur·rices français·e·s de la filière musicale s’unissent ainsi pour sensibiliser et déclarer l’état d’urgence climatique et écologique.

Lancé le 31 mars 2021, Music Declares Emergency France s’adresse à tous·tes les acteur·rices de la filière musicale quels que soient leur esthétique ou leur profession. L’équipe est gérée par des bénévoles issus de divers horizons : artistes, professionnel·les de la musique (musique enregistrée, live, médias, audiovisuel). Le mouvement a pour mission de fédérer les acteur·rices de la filière musicale française autour d’une même déclaration d’urgence climatique et les accompagner dans leur transition écologique en leur proposant des solutions. Devant l’engouement du mouvement en l’espace de quelques semaines, tant de la part des artistes, du public que des médias, nous avons rencontré Mathilde Vohy, co-fondatrice de MDE France.

Anoussa : Bonjour Mathilde. Peux-tu te présenter ?

Mathilde Vohy : Je suis Mathilde Vohy. J’écris pour le magazine Longueur d’Ondes et le webzine Le Cargo. Je travaille avec des artistes français Belle Vedhère et Eugène. En parallèle de mes activités de com’ et médias, j’ai dernièrement co-fondé Music Declares Emergency (MDE).

Mathilde Vohy, co-fondatrice de Music Declares Emergency France, lancé le 31 mars 2021
A. : Comment est né ce mouvement ?

M.V. : MDE est un mouvement qui est né en Angleterre en 2019 visant à réunir tous les professionnels de la filière musicale autour de la transition écologique. Face au succès de la branche anglaise, d’autres branches se sont créées dans différents pays, notamment en Allemagne, en Suisse, au Canada, en Espagne. La branche française a été fondée le 31 mars 2021.

A. :  Comment MDE s’est-il implanté en France ?

M.V. : Plusieurs professionnels de la filière musicale française était intéressés par le projet anglais. Ces professionnels ont contacté MDE UK pour leur dire qu’ils étaient intéressés pour être mis en contact avec d’autres français. Les 6 membres qui constituent le bureau de l’association ont réussi à rassembler d’autres personnes avec des fonctions différentes. C’est à ce moment que j’ai rejoint l’équipe. L’équipe originelle est donc composé de 10 co-fondateurs·rices. Ensuite, d’autres membres ont rejoint l’association. Aujourd’hui, on est une quinzaine (co-fondateurs·rices et membres actifs).

A. : De quel constat êtes-vous partis pour lancer MDE France ?

M.V. : En France, la musique et la culture, de manière générale, sont totalement absentes des discussions écologiques menées par le Gouvernement. Quand on regarde les discussions autour du projet de loi Climat ou de la COP26, aucune mesure n’est prévue pour aider la culture à opérer une transition écologique. Comme si la culture ne posait pas problème d’un point de vue écologique ; alors qu’en réalité, elle pollue autant que d’autres secteurs.

A. : Est-on capable de chiffrer l’impact écologique de la filière musicale ?

M.V. : Il y a très peu d’études qui ont été financées par le Gouvernement pour connaitre l’impact réel de la filière culturelle par rapport à d’autres secteurs en France. Ce dont on est sûr, c’est que l’impact de la culture est proportionnel à ce qu’elle représente dans le PIB français. On a des chiffres sur les activités de la filière musicale qui polluent le plus. Les transports est le poste qui pollue le plus (environ 70% des émissions), ensuite vient l’alimentation pour les artistes, les équipes et le public et enfin le numérique avec toute la digitalisation de la musique via le streaming. L’impact de ce dernier poste est croissant dans la mesure où on se dirige de plus en plus vers la numérisation de la filière. Le contexte actuel n’aide pas avec les concerts en streaming.

A. :  Est-ce que tu as un exemple ?

M.V. : Par exemple, pour un gros festival français comme Rock en Seine ou les Francofolies de la Rochelle, l’impact des transports des artistes et des festivaliers représente 5 000 tonnes de Co2, sachant qu’1 tonne de Co2 représente un aller retour Paris / New-York … C’est assez parlant. L’année dernière, We Love Green a maintenu son édition en version digitale. Ils ont fait le bilan carbone de cette édition digitale et ont constaté que le poids du numérique représentait 1/5ème du bilan d’une édition classique.

A. : MDE France a donc vu le jour le 31 mars 2021. De nombreux artistes ont manifesté leur soutien au mouvement. Comment avez-vous fait pour rassembler autant d’artistes en si peu de temps ?

M.V. : Pour capter les artistes, on a commencé à travailler avec ceux dont on connaissait l’engagement écologique comme Rone, Fakear, Emily Loizeau ou Sandra Nkaké qui sont engagés depuis longtemps. Ces artistes ont accepté de nous rejoindre car le projet de rassembler et de favoriser la mise en contact pour se donner de la force ensemble leur a plu. Avoir leur soutien nous a beaucoup aidés et nous a permis de fédérer le public et les médias.

« L’art a le pouvoir de marquer puissamment et subtilement les consciences en touchant directement l’affect, en cela il peut se révéler plus efficace que de longs discours ; il a la capacité à toucher, à faire agir ou réagir, et donc à influencer le monde. »
A. : Avez-vous prévu de rencontrer la Ministre de la Culture et/ou de la Transition Ecologique ?

M.V. : En effet, ça doit aussi passer par une action et par le soutien de la part des pouvoirs publics, mais pas qu’au niveau national, ça peut également passer par les municipalités.

A. : Quelles sont les demandes que vous voulez leur adresser ?

M.V. : On compte leur demander de faire de la transition écologique une vraie priorité. On a aussi des choses précises et concrètes qu’on aimerait leur demander. Comme je te le disais, on n’a pas de chiffres. Sans chiffres, on ne sait pas exactement ce qu’on doit changer, ce sur quoi on doit avancer ou faire des efforts. On voudrait avoir de vraies études sur l’impact environnemental de la filière musicale. Ensuite, à moyen terme, avec les chiffres qu’on aura réussi à obtenir, l’idée serait de réussir à former les acteur·rices de la filière en travaillant sur un programme de formation. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui veulent opérer une transition mais qui n’ont pas les cartes en mains.

A. : Quels seraient les moyens à mettre en œuvre pour encourager cette transition écologique ?

M.V. : Le gros souci est que certain·e·s acteur·rices veulent changer mais n’ont pas les moyens financiers. Pour favoriser ce changement, il faudrait aussi travailler sur la mise en place de subventions. Le lobbying via la notoriété des artistes permet également de sensibiliser les pouvoirs publics pour qu’ils se sentent concernés et agissent.

A. : Dans un premier temps, quelles seraient les premières mesures que les acteur·rices de la filière pourraient facilement mettre en œuvre ?

M.V. : On identifie 2 types de mesure qui peuvent être prises. On est présents pour accompagner et aider la mise en place de ces mesures. Il y a les mesures transparentes qui ne modifient pas le cœur de métier mais qui ne sont pas toujours faciles à mettre en place : demander un catering végétarien ou végane, privilégier l’agriculture locale, raisonnée ou biologique, opter pour une mobilité bas carbone en privilégiant le train, les transports en commun ou le covoiturage. Ensuite, il y a aussi des mesures plus structurelles car le changement doit également passer par une refonte du système : notamment par un ralentissement général en optimisant les temps de trajet durant une tournée, en ralentissant l’augmentation des jauges des salles. Malheureusement, il faut également passer par des mesures de relocalisation et de renoncement ; à l’instar de Coldplay qui avait différé sa tournée européenne en 2019 en attendant de pouvoir se produire dans des conditions respectueuses de l’écologie.

A. : Tu parles de relocalisation et de renoncement à une tournée mais il y a très peu d’artistes qui peuvent se permettre de prendre une telle décision …

MV. : On est conscients que c’est complètement impossible de commencer à relocaliser. Il y a beaucoup de contraintes qui s’appliquent à chacun. L’idée est de tous se rassembler et de faire la liste des grosses problématiques et d’essayer de trouver des solutions ensemble.

Le message est passé, les initiatives vont arriver
A. : Par ailleurs, ces mesures ne représentent-elles pas un surcoût financier pour notamment des projets en développement ?

M.V. : C’est un peu la problématique, d’autant plus au sein d’une filière qui ne roule pas sur l’or et qui puise sa force dans toute la scène indé et émergente. L’idée est de convaincre les pouvoirs publics de mettre en place des subventions qui permettraient à tous·tes les acteur·rices de pouvoir changer pour un comportement raisonné et écologique sans que cela ne soit plus coûteux. Si une structure ou un artiste veut changer mais n’en a pas le budget, je leur conseille de rejoindre MDE pour qu’on soit au courant de leurs problématiques qu’ils rencontrent et qu’on puisse les traiter. On souhaite vraiment mettre en place un espace d’échange, de partage et de coopération entre tous·tes les acteur·rices. Par exemple, un groupe qui aura rencontré telle problématique pourra en rencontrer un autre qui aura eu cette même problématique, et aura su y répondre. En créant cet espace d’échange, on est convaincu que cela permettra de résoudre des problématiques à court terme en attendant que les changements structurels s’opèrent et que le gouvernement soit sensibilisé et accepte d’accorder des subventions.

A. : À court terme, quelles sont les actions concrètes que vous avez prévu de mener ?

M.V. : À très court terme et concrètement, on veut rassembler un maximum d’acteur·rices – qu’ils soient artistes, labels, tourneurs… – pour réussir à avoir des premières données et problématiques concrètes et nous donner les premiers axes de travail. Par exemple, on a déjà des directeurs de festivals qui nous écrivent en nous faisant part de leurs interrogations. On veut continuer à créer cet espace d’échange via des conférences, des tables rondes pour confronter les acteur·rices à des spécialistes de la transition écologique. En parallèle, on a des projets d’éducation artistique et culturelle. Via l’art, la musique et la culture, on souhaite sensibiliser les plus jeunes aux problématiques écologiques et inciter les jeunes artistes en développement à prendre parole via leur art sur des thématiques écologiques. La musique a ce pouvoir assez fort de faire rêver et de raconter des histoires.

A. : Commencez-vous à relever des problématiques récurrentes qui vous sont remontées ?

M.V. : La filière musicale a la particularité d’imbriquer d’autres secteurs comme l’agriculture, le bâtiment, le tourisme… Souvent, un·e acteur·rice au milieu de toute cette chaine veut changer mais se retrouve face au refus d’autres secteurs. La problématique économique est très fréquente. Enfin, les gens veulent changer mais ne savent pas par où commencer et souhaiteraient avoir une guideline de conseils pour commencer leur transition.

A. : Comment peut-on vous aider et apporter notre pierre à l’édifice MDE ?

M.V. : On peut signer la déclaration internationale sur notre site internet et continuer à parler de MDE. Plus concrètement, on peut faire un don à l’association pour l’aider à se développer, adhérer à MDE pour en devenir membre et bénévole et prendre part aux futures discussions sur les actions qui seront mises en place ou œuvrer à nos côtés.

Retrouvez Music Declares Emergency France sur Instagram, Facebook ou sur leur site internet pour signer la déclaration d’urgence climatique, faire un don ou devenir bénévole.

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