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« Old », la seconde jeunesse de M. Night Shyamalan

Cyril Martin

Il avait regagné un peu de crédibilité en signant Split (et sa suite, bien que moins réussie), après les désastres Phénomènes, The Last Airbender et After Earth… Retrouvera-t-on un jour le Shyamalan du Sixième Sens ? On te donne notre avis sur Old, son tout dernier long sorti ce mercredi 21 juillet.

« Il n’y a personne avec qui je préfèrerais vieillir »

En vacances dans les tropiques, une famille s’arrête pour quelques heures sur un atoll isolé où ils découvrent avec effroi que leur vieillissement y est drastiquement accéléré et que leur vie entière va se retrouver réduite à cette ultime journée.

Un scénario provoquant et étourdissant

Dans la filmographie d’un cinéaste comme dans la vraie vie, on navigue toujours entre deux eaux : ce qui ne change pas et ce qui change. Old traite de ces deux forces que sont la permanence et l’impermanence, et comme tous les autres films de Shyamalan, il incarne deux mouvements. Il renouvelle et maintient à la fois un cahier des charges. Dans ce qui ne change pas, on a à nouveau affaire à un récit minimaliste, où il est question de sortir d’un environnement cloisonné pour s’ouvrir à une réalité plus grande. Il y a de l’effroi, de l’humour un peu décalé, des situations anormales, du sentimental, des surprises, des changements de point de vue en fin de métrage, et même une apparition à la Hitchcock.

Dans ce qui change, Shyamalan a cette fois écrit et tourné un film entier en extérieur et situé hors de sa ville natale, Philadelphie. Cette fois, le réalisateur dirige un film choral avec un groupe dépassant la simple cellule familiale. Cette fois, le paranormal reste intense de bout en bout, sans moments de répit et l’action se déroule dans un temps encore plus resserré. Enfin, le cinéaste s’est inspiré d’un roman graphique français, Le Château de sable. En tentant de sortir de sa zone de confort, Shyamalan le scénariste prend un risque. À l’arrivée, le récit est à la fois typique et atypique. Par rapport à la BD, le réalisateur a davantage développé les personnages, approfondi les enjeux, en a introduit de nouveaux, puis a amené l’intrigue de la fable fantastique surréaliste au conte d’anticipation SF avec une issue beaucoup moins mystérieuse (qui n’invalide pas le volume original mais en dévie grandement).

On retiendra que le un concept central est innovant, fort et frappadingue, également par les thèmes que le cinéaste met ici au premier plan, avec retenue mais plus frontalement que d’habitude : puberté, adolescence, parentalité, crise existentielle et sentimentale, dégénérescence psychique et physique, cohabitation sociétale, ordre humain anti-naturel et disharmonique. En revanche, le scénario est parfois alourdi dans les dialogues par des explications mal digérées ou un manque de naturel ou d’identification dans les réactions de personnages. Mais que l’on aime ou pas le changement, le script tordu de Old surprend et touche à de nombreux points qui résonnent avec notre époque et nos préoccupations individuelles.

« Tout notre pouvoir vient de la combinaison de tout ce que nous sommes. Plus vous pouvez être en accord avec les choses qui font ce que vous êtes, plus tout cela crée l’alchimie, cet équilibre, cet ensemble qui vous forge et crée votre force » M. Night Shyamalan, coach de vie

Une mise en scène innovante et ébouriffante

Sur le plan formel, Shyamalan le réalisateur là aussi reste fidèle à lui-même : le travail sur le son est méticuleux, les couleurs, le plan-séquence, le hors-champ, les focales, rien n’est une fois encore laissé au hasard. C’est un véritable parc d’attraction visuel et auditif, participatif, soutenu, auquel nous convie le cinéaste. Avec un montage elliptique, de subtils changements d’acteurs, un usage économe des effets numériques et de maquillage, Shyamalan tente un nouveau coup de force : rendre palpable et viscéral le vieillissement de ses personnages. En ce sens, il rejoint et prolonge le travail de Romero dans The Amusement Park sur la représentation des épreuves de l’impermanence imposées au corps physique.

Et si l’angoisse n’est plus celle des monstres, du gore ou du fantastique, mais celle de la sénescence ? La vieillesse biologique, avec tous ses changements physiques liés au cours naturel de l’évolution et de renouvellement de la nature, est ici vectrice de frissons propres au thriller psychologique. L’idée peut rebuter mais elle n’en reste pas moins intense et éprouvante à voir et à vivre à l’écran ! Si quelques effets peuvent faire plouf et non mouche dans ce renouvellement cohérent mais profond de son style (quelques zooms et changements de vitesse de l’image), Shyamalan nous permet quand même une sorte de catharsis puissante de cette peur universelle de la dégradation inévitable de nos corps, qui peut se révéler plus poétique et libératrice qu’on ne le croit.

OLD
Réalisé par M. Night Shyamalan
Avec Gael García Bernal, Vicky Krieps, Rufus Sewell
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