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Notre conseil ciné du week-end : « Onoda », fascinant et inquiétant

Notre conseil ciné du week-end : « Onoda », fascinant et inquiétant

Thierry Champy

Onoda – 10 000 nuits dans la jungle est un biopic historique poignant, une odyssée pittoresque qui faisait les honneurs de la séance d’ouverture d’Un Certain Regard à Cannes. Cinq ans après son fiévreux Diamant Noir, que vaut le deuxième long métrage d’Arthur Harari ?

Histoire vraie, Onoda est l’avant-dernier straggler (« traînard »), surnom donné aux soldats japonais qui ont continué à se battre après la capitulation du Japon d’août 1945… Jusqu’en mars 1974 pour Onoda !

Fin 1944. Le Japon est en train de perdre la guerre. Sur ordre du mystérieux Major Taniguchi, le jeune Hiroo Onoda est envoyé sur une île des Philippines juste avant le débarquement américain. La poignée de soldats qu’il entraîne dans la jungle découvre bientôt la doctrine inconnue qui va les lier à cet homme : la Guerre Secrète. Pour l’Empire, la guerre est sur le point de finir. Pour Onoda, elle s’achèvera 10 000 nuits plus tard.

Une odyssée pittoresque

La guerre n’est pas au centre de l’histoire. Pour autant, Onoda se l’érige, la façonne et se l’approprie, analogue à un Don Quichotte érotomane des récits chevaleresques. Le lieutenant agit au nom du patriotisme et accessoirement d’une guerre lointaine. Captif d’une île sans issue, soumis à une autorité militaire toute puissante et investi du sentiment d’une mission nationaliste, Onoda s’empare des terres. Le lieutenant occupe tout le champ filmique et scénaristique : c’est son territoire.

Véritables kamikazes dévoués à leur patrie, il n’empêche que le sort de ces hommes victimes d’une décision arbitraire est affligeant, voire déplorable. Telle est leur condition. Le réalisateur français, au même titre que le Pays des Dieux, abandonne ses acteurs dans un paysage verdoyant, sauvage où chacun peut laisser libre court à une brutalité lancinante et une hystérie humaine. La force réside même dans ce prisme de la mise en scène proposée par Harari.

Le réalisateur ne voulait pas tomber dans une forme de fascination occidentale : « Pour moi, le film ne s’arrête pas à un prétendu particularisme japonais ; il est plus universel, plus humaniste que cela. En écartant les ouvrages japonais et en me détournant de cet imaginaire-là, je ne trichais pas avec le regard que je portais »

Une ellipse temporelle

Le temps semble suspendu sur cette île paradisiaque où seules la conquête et la recherche du pouvoir comptent. Lorsque le présent fait surface, Onoda reste cependant otage de cette sphère temporelle sans vision d’une fin possible. Cette vision est mise en exergue par une succession de quiproquos qui entraînent Onoda et son subalterne face à une rivière tourbillonnante où ils sont victimes de leur absence de repères spatio-temporels. Cette épopée aussi confuse soit-elle semble être le reflet de cette expérience singulière. Le temps du film est un écho de cette attente interminable et d’un impossible dénouement tant que l’autorité suprême ne l’aura pas commandé.

La guerre laisse des séquelles psychologiques ou physiques. Le réalisateur de Diamant Noir n’est pas le premier à dévoiler ces atrocités. Tout comme Kobayashi dans sa trilogie de La Condition Humaine ou Brian De Palma dans Outrages, Harari dénonce les dérives d’une autorité militaire qui pousse à l’absurdité et à la monstruosité humaine. Le film est autant fascinant qu’inquiétant.

ONODA
Réalisé par Arthur Harari
Avec Yūya Endô, Kanji Tsura, Yūya Matsuura, Tetsuya Chiba
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