« Petite fille » sur Netflix : un douloureux combat vers la liberté d’être soi
Grande adepte des burgers maison et des baskets à plateforme,…
Après une diffusion remarquée sur Arte et désormais disponible sur Netflix depuis le 15 Mars 2021, Petite fille est un drame cinématographique et sociétal à ne pas manquer. On te donne notre avis.
Bien que née dans un corps de garçon, Sasha a trois ans lorsqu’elle déclare à sa mère qu’elle est une fille. Le réalisateur, Sébastien Lifshitz qui signait Adolescentes et Les Invisibles, a suivi pendant plusieurs mois cette famille face à une société refusant de l’accueillir en tant qu’individu du genre féminin.
Portrait déchirant de la différence
Difficile de ne pas s’attacher aux membres de cette famille, sa grande sœur, ses frères, son père et sa mère. C’est elle, la mère, qui touche et émeut le téléspectateur : on est bouleversé par ses larmes et par la culpabilité qu’elle ressent. Coupable d’avoir rêvé d’une fille pendant sa grossesse, coupable de lui avoir donné un nom mixte et coupable de l’ultime attention qu’elle lui porte, délaissant inévitablement ses autres enfants. Le combat d’une vie qui impose forcément des sacrifices. Pendant un an, le réalisateur suit le quotidien de Sasha, le questionnement de ses parents, de ses frères et sœurs, mais surtout le combat sans fin, qu’ensemble, ils décident de mener pour faire comprendre et accepter cette « différence » qui ne l’est pas. Courageux, acharnés, obstinés et singulièrement portés par l’amour inconditionnel qu’ils portent à Sasha, coincée dans son propre corps et confrontée si jeune à l’exclusion de la société.
Cette façon, par le biais d’un enfant, d’aborder la dysphorie de genre et la détresse éprouvée par ces personnes ne se sentant aucunement en accord avec le sexe auquel on les assigne à la naissance, rend le documentaire doublement fascinant et poignant. On est secoué par tant de maturité, de force et de sagesse de la part d’une enfant de 7 ans. Tant d’implication des parents touchant du doigt leur impuissance face à de telles situations consolide le côté touchant du long métrage. Le documentaire mêle réserve, sentiment et émotion (pourtant si complexe pour un tel sujet) mais pointe surtout le manque de compréhension et de discernement de l’Autre, qui peut avoir de fatales conséquences sur l’insouciance d’un enfant pour qui son identité semble une évidence. D’ailleurs, le réalisateur le comprend avec beaucoup de justesse et d’authenticité : là où les mots seraient de trop, la scénographie s’attarde sur des scènes et instants de vie significatifs.
Une histoire de famille bouleversante
Le récit d’une famille soudée et aimante, qui n’hésite pas à se confier à la caméra, face à un monde extérieur égoïste, insensible, aberrant et surtout stoïque, est amplifié par la violence de gestes anodins et de croyances archaïques et réactionnaires pourtant bien établis dans une société se proclamant évoluée. Ici, on lutte contre un système qui refuse ouvertement de reconnaître une identité propre à chacun, dès son plus jeune âge. Certaines séquences demeurent néanmoins très éprouvantes notamment lorsqu’elles illustrent le sentiment d’injustice, d’hypocrisie et de colère qui se lit dans le regard plein de larmes de Sasha. Oui, Sasha pleure souvent. Elle se retient quelques fois, tremble puis déborde. A son grand désespoir, elle ne pleure pas comme une enfant, avec des cris. Ses pleurs sont silencieux, plein de larmes d’adultes. En les filmant, Sébastien Lifshitz décèle les conséquences de l’exclusion et de la transphobie au quotidien, il mentionne que le combat continue sans cesse malgré les étapes franchies difficilement.
Ce film est à l’image de la famille que l’on accompagne : une déclaration d’amour, de tolérance et d’émancipation, mettant fatalement en avant un manque d’information et d’éducation sur la dysphorie de genre. Que l’on se le dise : Petite fille est un film d’utilité publique bouleversant convictions, altérant préjugés et transformant les regards. Sa reconnaissance est un victoire méritée, quant le film aspire à une amélioration fondamentale des conditions de vie des personnes transgenres, et un pas de géant vers plus de visibilité et d’accessibilité des sujets LGBTQIA+. Un objectif que le réalisateur s’est fixé et qu’il atteint aisément.