« Rocks » : Un film quasi-documentaire sur l’adolescence et la maturité
Journaliste et cinéphile, parce que le documentaire c’est la vie……
Avec Rocks, Sarah Gavron signe un long-métrage vivant et sensible sur la vie de jeunes londoniennes flirtant contre leur gré avec des problèmes d’adultes. Un film intelligent et réaliste qui mérite le coup d’œil.
« Un Ken Loach au féminin ! » : Voilà la phrase d’accroche, en haut de l’affiche de Rocks. Alerte, l’argumentaire marketing féministe des années post #MeToo a encore frappé. Sous prétexte que le film raconte une histoire humaine sur fond de misère sociale, mais seulement avec des filles, c’est le nouveau pendant féminin du cinéma loachien. Mais le dernier film de Sarah Gavron est bien plus que cela.
Si le casting principal est presque exclusivement féminin, les équipes techniques aussi, dans une volonté de mettre les actrices débutantes à l’aise – et peut-être aussi de mettre en lumière le talent des femmes, trop souvent à l’ombre des grands cinéastes et acteurs (?). Pourtant, ce n’est pas un film sur « les filles », c’est un film qui raconte l’histoire de jeunes… qui sont des filles. Tu saisis la nuance ?
Rocks, c’est le surnom de l’héroïne, 15 ans, qui vit à Londres avec sa mère et son petit frère. Quand du jour au lendemain leur mère disparaît, une nouvelle vie s’organise avec l’aide de ses meilleures amies. Et Rocks va devoir tout mettre en œuvre pour échapper aux services sociaux qui pourraient la séparer de son frère.
Solide comme un « Rocks »
Rocks est un film sur le basculement vers la maturité, ce moment où l’insouciance de l’adolescence est rattrapée par les responsabilités. Notre héroïne n’a pas le choix ; après le départ de leur mère, elle doit être un pilier pour son petit frère et essayer de survivre, sans argent et sans figure adulte. Rocks tient bon, elle ne prend pas toujours les bonnes décisions mais reste digne.
D’ailleurs, son surnom n’est pas dû au hasard ; elle semble stoïque et stable, comme un rocher bien ancré sur le sol, ce que son interprète Bukky Bakray distille tout en subtilité. Mais cette place est compliquée ; celle qui se donne une contenance de « dure », se rend finalement compte que l’aide de ses amies est précieuse car, la morale de cette histoire, c’est qu’on peut s’en sortir à plusieurs.
Une esthétique quasi-documentaire
Par bien des aspects, Rocks s’apparente à un film documentaire. De l’émotion des personnages à la mise en scène, tout sonne juste. On pourrait croire que la caméra a été posée là pour capturer le réel. Et c’est une volonté affichée de Sarah Gavron : repérées dans des écoles britanniques, les jeunes femmes ne sont pas actrices. Elles ont pu apporter ainsi le jeu désinhibé propre aux débutants, ainsi qu’une grande part d’improvisation.
Mais ce à quoi tenait le plus la réalisatrice, c’est que ces jeunes femmes s’impliquent dans le processus créatif du film. Ensemble, elles ont réécrit des scènes et réajusté le scénario. Issues des quartiers populaires, elles ont mis beaucoup d’elles-mêmes dans leurs personnages. Et ce parti pris porte encore plus haut et plus fort le message du film ; il y a une solution pour tout lorsqu’on est bien entouré.