« Sound of Metal », quand le sensoriel ne suffit pas
Scénariste quand il n’analyse pas les œuvres des autres, Damien…
Film plein de promesses, Sound of Metal est le premier long métrage de fiction du scénariste Darius Marder, connu pour le très réussi The Place Beyond The Pines (Derek Cianfrance, 2012). Que vaut son passage derrière la caméra ?
Sound of Metal est un drame romantique rythmé par un couple de musiciens, Lou et Ruben, anciens junkies dont la relation interdépendante sera mise à mal suite à la soudaine surdité de ce dernier. Très documenté et volontairement ancré dans le réel, le projet voudrait s’inscrire dans la juste lisière entre documentaire et fiction tout en conservant une approche organique dans sa réalisation pour un résultat authentique et intense.
Une immersion dans le sensoriel
Pourtant le postulat de base, bien que prometteur, repose sur une mécanique que l’on sent s’essouffler : imposer la surdité à un musicien, qui par essence vit de ses oreilles, peut laisser une impression de facilité. Là où Beethoven triomphait des épreuves de la vie pour nous offrir la 9ème symphonie, ici, Ruben – incarné par un Riz Ahmed quelque peu déboussolé mais ayant pour autant été nommé à l’Oscar du meilleur acteur – est embourbé dans une souffrance qui nous reste étrangère : il ressort de la plupart des scènes un manque d’informations cruciales en vue de notre attachement pour Ruben.
Le scénario, plein de bonnes volontés et faisant la part belle à la communauté des sourds, se perd souvent dans les méandres du sensoriel au détriment d’une histoire captivante et attractive. Au niveau de l’histoire d’amour qui lie les deux protagonistes, on a l’impression que le schéma où deux moitiés se servent inconsciemment l’une de l’autre comme pansement à leurs propres blessures, enferme quelque peu leur relation et son évolution dans une sorte de déjà-vu.
Un travail sur le son (forcément) remarquable
Malgré un casting alléchant qui arrive à ponctuer le film de quelques beaux moments, grâce à la sensibilité d’Olivia Cooke ou encore de Paul Raci, on regrette parfois un manque d’originalité du film sur l’ensemble des situations proposées. Cette absence de surprise est la principale lacune de Sound of Metal dont le sujet est pourtant des plus intéressants. Le projet est un plongeon dans le monde de la surdité et met l’accent sur le combat de l’individu confronté au handicap. À travers le prisme de Ruben, Darius Marder réussit avec une certaine justesse à transmettre le bouillonnement intérieur qui anime le changement de vie forcé du musicien.
Le film devient alors une chronique du quotidien de personnes atteintes de surdité, et nous permet de mieux appréhender leur comportement tout en changeant notre regard. Cette remise en question du jugement porté sur l’autre est permise grâce à un travail pointu du son poussé dans ses retranchements, qui était d’ailleurs gratifié par l’Oscar du Meilleur son lors de la cérémonie de 2021.
De plus, la volonté du réalisateur de sous-titrer les dialogues et de les accompagner de descriptions sonores pour les sourds et malentendants, démarque le film par une démarche louable qui va jusqu’au bout de son concept. En favorisant l’accessibilité du film à tous les publics, ce postulat aussi humaniste que social a des chances, espérons-le, d’engranger une prise de conscience globale.